« Les entreprises s’engagent » souhaite développer un engagement global des entreprises
La communauté « Les entreprises s’engagent », créée en 2018, prend un virage. Alors qu’elle s'intéressait principalement au sujet de l’emploi, elle travaille désormais sur l’engagement global des entreprises. Rencontre avec Sylvain Reymond et Joséphine Labroue de la nouvelle direction.
La communauté « Les entreprises s’engagent a vu arriver une nouvelle direction. Sylvain Reymond est nommé directeur général et Joséphine Labroue, directrice générale adjointe.
Thibault Guilluy, Haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises, et Sylvie Jéhanno, PDG de Dalkia, ont été nommés co-présidents.
Devenue groupement d’intérêt public en avril, la communauté qui regroupe 45 000 entreprises entend se déployer davantage. Elle avait été initiée en 2018 sous l’impulsion du président de la République. Alors qu’elle se concentrait auparavant sur la thématique de l’emploi, elle souhaite désormais engager plus globalement les entreprises. Rencontre avec la nouvelle direction.
- Quelles ont été vos motivations pour rejoindre Les entreprises s’engagent ?
Joséphine Labroue : Ce secteur de l’insertion me passionne, car il permet la réconciliation entre le social et l’économique et il comporte des milliers de femmes et d’hommes qui ont décidé de mettre leurs idées entrepreneuriales au service des personnes éloignées de l’emploi. J’avais envie, après mon arrivée au ministère du Travail, de pouvoir continuer d’agir sur ces sujets d’inclusion des plus fragiles et de solidarité.
Sylvain Reymond : La France s’est souvent passée de la force de frappe des entreprises dans la prise en charge des grands enjeux de société. Aujourd’hui, il y a véritablement un modèle d’engagement à la française des entreprises, hérité du cadre spécifique de la loi PACTE qui a posé les jalons d’une entreprise citoyenne, voire politique. Je considère que Les entreprises s'engagent, c’est une consécration de cette vision de l’entreprise. La spécificité de la communauté est son caractère public/privé. Nous encourageons les entreprises à venir s’engager et à nous aider pour améliorer et optimiser la politique publique qui les concerne directement.
Je ne pouvais pas refuser cette mission, d’être dans ce véhicule qui consacre l’idée que l’entreprise doit être accompagnée pour construire un monde meilleur et plus durable.
- Quel bilan faites-vous des premières années des entreprises s’engagent ?
Joséphine Labroue : Les entreprises s’engagent ont été lancées par le président de la République en 2018. La première chose faite a été la structuration des communautés dans les territoires avec une présence de clubs dans 97 départements. On y retrouve l'hybridation publique/privée avec un leader dirigeant d’entreprise, appuyé par un réseau d’entreprises territoriales et les services déconcentrés de l'État. C’est important pour nous d’avoir un pied dans le territoire, cela nous permet d’aller toucher des TPE, PME et des ETI, qui ont peut être moins le réflexe de l’engagement.
Le deuxième acquis concerne l'identité de passage à l’action. La dernière année, Les entreprises s’engagent ont été mobilisées sur des politiques publiques d'emploi telles que le plan « 1 jeune 1 solution ». Il fallait trouver des entreprises pour accueillir des jeunes en stages, jobs d’été ou immersions : nous avons réussi à faire comprendre aux entreprises ce qu’était l’engagement par l’action. Pour donner d’autres exemples, nous avons lancé une action pour les personnes déplacées d’Ukraine. Aujourd’hui, 2 700 entreprises sont engagées pour leur proposer un emploi.
Nous avons donc un premier niveau de catalogue d’engagement pour les entreprises, diffusé à la fois par des clubs et des événements dans les territoires, et par notre plateforme numérique.
- Quel est l’avenir de la communauté ?
Sylvain Reymond : L’enjeu est de donner envie et de simplifier l’accès à l’engagement quel qu’il soit. Quand la communauté était animée directement par le ministère du Travail, de l’Emploi et de l’Insertion, qui reste membre constitutif du GIP, elle était quasiment exclusivement tournée vers l’emploi. L’une des grandes évolutions est de couvrir l’ensemble du spectre des engagements sociaux, sociétaux et environnementaux.
Nous souhaitons désormais donner envie d’agir sur des thématiques nouvelles en venant en soutien des acteurs de l'intérêt général. Dans la feuille de route que nous sommes en train de penser, nous réfléchissons à comment faire pour engager les entreprises sur toutes les thématiques que l’on propose en essayant d’enrichir, au fur et à mesure, les propositions d’engagement.
Nous avons des actions pour les personnes en situation de handicap, d’autres pour rapprocher l’école du monde de l’entreprise, ou encore pour penser la transition écologique.
- Avez-vous des exemples précis de chantiers que vous souhaitez mener dans les années qui arrivent ?
Joséphine Labroue : Nous avons des cycles de réflexion mis en place avec nos entreprises membres pour construire ces nouveaux chantiers. Nous essayons donc de faciliter l’émergence de ces idées par les entreprises. C’est de là que vient la question de la transition écologique et énergétique. Ce sont des sujets qui remontent fortement dans toutes les entreprises.
Nous avons aussi perçu une dynamique venant des collaborateurs qui ont de nouvelles attentes vis-à-vis de la structure dans laquelle ils travaillent. Il y a également le sujet de l’école. Aujourd’hui, nous avons ces nouveaux thèmes, et peut-être que d’autres émergeront dans les années à venir.
- Quel est l’intérêt d’avoir une structure initiée par un pouvoir public dans cet enjeu de fédération des entreprises engagées ?
Sylvain Reymond : Quand il lance Les entreprises s’engagent, le Président de la République part du postulat que l’État n’a plus tout à fait le monopole de l'intérêt général. Il estime également que seul, l’État ne peut pas tout. Pour répondre aux grands défis de société, nous ne pouvons pas nous passer de la force de frappe des entreprises.
Il fallait un trait d’union entre public et privé. Ce qui est le cas puisque nous sommes vraiment entre les deux. Le Groupement d’Intérêt Public permet la mutualisation des moyens entre le public et le privé et accompagne donc ce mouvement d’engagement.
La société se transformera si l’entreprise se transforme en profondeur car elle a cette force de frappe incroyable. Elle a la capacité d'accélérer un certain nombre d’innovations, de solutions immédiates pour la société dans son ensemble. La crise du covid ou le conflit en Ukraine le montrent. On a besoin, plus que jamais, de ce commun pour avancer plus vite.
- Il existe des réseaux privés fédérant ces entreprises engagées. Comment vous positionnez-vous par rapport à eux ?
Joséphine Labroue : Nous sommes complémentaires à ces réseaux, absolument pas concurrents ou en remplacement. C’est vraiment notre marque de fabrique. Nous parlons régulièrement avec la Communauté des Entreprises à Mission, les Entreprises pour la Cité. Nous cherchons la bonne complémentarité pour travailler avec eux. C’est pareil avec les réseaux de l’ESS.
Il est possible de donner de la visibilité aux actions des uns et monter des programmes communs avec d’autres. Nous avançons main dans la main.
Sylvain Reymond : Cette nouvelle formule des entreprises s’engagent est une consécration pour ces défricheurs. Nous souhaitons leur dire que cette communauté est d’abord faite pour eux.
Notre parti pris a été de leur donner les moyens de faire leur travail et surtout de permettre de passer à l’échelle cette question de l'engagement des entreprises. C’est pour cela que volontairement, à l’échelle du territoire on s'appuie à chaque fois sur l’un d’entre eux. Et au niveau national, tout ce qu’on fait, on ne le fait pas sans eux.
- Vous souhaitez travailler sur la question de l’engagement des collaborateurs. Comment vous positionnez-vous par rapport aux acteurs déjà existants ?
Sylvain Reymond : Notre enjeu est de fédérer les acteurs qui font cet écosystème. C’était le cas avec le collectif mentorat sur le mentorat. Une fois que nous les avons fédérés, il faut leur donner les moyens en termes de visibilité et d'accompagnement, de leur offrir les moyens de leur épanouissement et du développement de leur activité. On ne pourra pas démocratiser la pratique de l’engagement des collaborateurs, par le mécénat de compétence, les journées solidaires,ou l’arrondi sur salaire, sans que cet écosystème accepte de se fédérer. Il faut qu'ils acceptent de faire ensemble. Nous leur donnons donc rendez-vous dans les mois qui viennent pour essayer d’y travailler collectivement.
Propos recueillis par Théo Nepipvoda