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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 6 décembre 2022 - 08:31 - Mise à jour le 6 décembre 2022 - 11:40
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[TRIBUNE] Inscrire la générosité et l’engagement dans un projet d’avenir

Pour les organisations qui font appel à la générosité du public, cette période de fin d’année est cruciale. En effet, environ 40 % de la collecte sont en général concentrés dans les deux derniers mois de l’année. Il est assez traditionnel qu’en cette période les craintes existent. C’est le moment très opportun qu’a choisi France générosités pour tenir un superbe colloque qui a tranché avec les rencontres habituelles.

[TRIBUNE] Inscrire la générosité et l’engagement dans un projet d’avenir. Crédit photo : France générosités
[TRIBUNE] Inscrire la générosité et l’engagement dans un projet d’avenir. Crédit photo : France générosités

Si l’état des lieux a évidemment été exposé à travers des études qualitatives de plus en plus solides, les organisateurs ont voulu s’inscrire dans une vision prospective et sociologique de l’univers des donateurs pour amener le public à réfléchir de façon prospective à l’avenir de la générosité en France.

Que peut-on tirer de cette rencontre ?

Une des sources d’inquiétude est le climat économique du pays avec une inflation qui érode le pouvoir d’achat de nombreuses catégories de la population qui pourraient les amener à abandonner les dons ou les réduire. Pourtant, il faut constater que la collecte se porte bien. Les derniers chiffres montrent que les particuliers apportent une contribution de 5,2 milliard d'euros par an et les entreprises de 3,2 milliard d'euros. Cette année le mouvement de solidarité a été important pour l’Ukraine soutenant globalement la collecte. Pendant la période du Covid elle n’a pas baissé, bien au contraire, tant les gestes de solidarité se sont développés face aux situations critiques de l’époque. L’AFM-téléthon a obtenu une collecte supérieure à l’an passé.

Du côté des entreprises on constate aussi une croissance des dons qui doublent en dix ans, mais ce sont principalement l’implication des grandes entreprises.  Les PME et ETI croissent mais restent à la traine et c’est là qu’il y a le plus grand potentiel de croissance. En effet  chez ces dernières la déduction fiscale n’est pas utilisée à son plein. Les plafonds sont loin d’être atteints probablement en raison d’une méconnaissance des dispositifs fiscaux du mécénat ou simplement de ne pas savoir comment s’engager facilement. 

Pendant des années se sont succédées des études quantitatives. Désormais, grâce à des analyses qualitatives, on perçoit mieux les évolutions des donateurs. La grande caractéristique est le recul du nombre de donateurs depuis 2015 avec une augmentation du don moyen. Ceci provient d’un effort plus important des foyer fiscaux les plus aisés. On est donc loin d’embarquer les donateurs les moins aisés dans la collecte, ce qui ne les empêche pas de participer à des actions bénévoles. Le risque est de perdre l’adhésion d’une grande partie de la population aux actions généreuses.

Destin commun, dans son étude « La générosité est-elle un vecteur de lien social », analyse la société française à travers une approche sociologique des Français  en les regroupant en six familles. On comprend que le don n’est pas totalement corrélé au niveau de vie, mais qu'il s’appuie sur un socle de valeurs et de sentiment d’appartenance. Deux familles sont engagées dans les dons et recèlent un potentiel de croissance, mais il faut absolument s’intéresser aux autres.

Jérôme Fouquet, directeur du département « opinion et stratégies d’entreprise » de l'IFOP, indique que le vivier traditionnel de donateurs s’est réduit avec le temps en prenant en montrant l’effondrement de l’adhésion aux causes collectives : syndicale, politique ou religieuse. Et l’on assiste à une fragmentation des causes très importante. Selon la chercheuse Camille Chaserant, il faut construire avec ceux qui se sont éloignés une identité sociale basée sur la confiance et le sentiment d’appartenance. Le renforcement des liens avec une association en particulier amène un risque de communautarisation du don et de l’éloignement des associations en général. Cette équation est complexe à gérer. Mais devant la multiplication des sollicitations et des organisations, privées ou publiques, qui collectent, il faut redonner du sens au soutien aux associations et fondations.

L’expression  « Hunger games » a été évoquée par Charles Sellen pour parler de la bataille entre collecteurs à partir de l’expérience américaine. C’est un risque en France car la collecte demande des moyens de plus en plus importants pour les sollicitations. Cela favorise donc les organisations riches ou visibles médiatiquement aux dépend des autres. L’augmentation des causes est plus importante que la masse de fonds collectés. Les donateurs ne veulent pas être arbitres des concurrences.

Quels enseignements peut-on tirer des débats cette journée et des données qui sont à notre disposition ?

D’abord sur le plan technique  

  • Il faut améliorer la connaissance du mécénat par les entreprises notamment les ETI et les PME
  • Il faut poursuivre la diversification des moyens de donner en s’engageant résolument vers la numérisation de la collecte pour rendre le don facile et accessible
  • La confiance est indispensable pour que le secteur soit fiable aussi les efforts de transparence doivent être poursuivis sans relâche
  • Il faut s’assurer d’un lien fort entre les organisations et les donateurs afin qu’ils soient fiers de leur don.

 

D’une façon plus générale et prospective

Aujourd’hui, la fiscalité du mécénat est généreuse, ce n’est donc pas un sujet. Mais comment peut-on faire prospérer le secteur non lucratif en faisant comprendre aux gouvernants et à la population combien il est utile pour la cohésion sociale ? On ne peut éviter que les associations et fondations collectent pour leurs causes, mais comme nous l’avons entendu dans le colloque de France générosités, il semble important de les inscrire dans un imaginaire commun. Il faut arriver à faire comprendre que l’action de chacune d’entre elle s’inscrit dans un projet collectif. Cela nécessite de remonter d’un cran par rapport au sujet de chacun pour créer une identité et un imaginaire collectif en montrant que tous sont engagés dans une bataille pour améliorer le quotidien de nombre de gens. Ces organisations, les bénévoles qui les accompagnent, les donateurs particuliers ou entreprises sont les acteurs majeurs du lien social par leur action au niveau national, international mais aussi dans les lieux les plus reculés au contact des besoins de la population à laquelle ils apportent des solutions. 

Créer une vision à long terme unifiée permet d’avoir une approche stratégique réduira le doute que certains veulent introduire sur l’utilité des dépenses fiscales.  

Ainsi, que l’on agisse dans le domaine de la culture, du social, du médical, de l’environnement, il sera possible de se sentir rattaché à un projet global enthousiasmant et porteur de sens.

Ce projet politique nécessite que les coordinations, le Mouvement associatif, le Centre Français des Fondations, l’Admical et France générosités se mobilisent pour mettre en place ce projet. Trouver ce qui les unit par-delà des différences donnera de la force et de la réalité à cette coalition pour l’avenir. Après la plateforme générosité qui était une première étape à l’action collective, c’est probablement le projet le plus ambitieux et le plus nécessaire pour ce prochain quinquennat et l’avenir de tous.

 

Francis Charhon

 

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