Alban Gonord (Macif) : « Face à la crise, nous avons privilégié la dimension citoyenne et l’aide aux personnes démunies »
Alors que le pays traverse une crise exceptionnelle, le Groupe Macif a décidé de mobiliser 20 millions d'euros pour lutter contre les conséquences sociales et économiques du Covid-19. Son directeur de l’engagement, Alban Gonord, nous a détaillé les grandes lignes de ce plan.
- En quoi consiste votre fonction de « directeur de l’engagement » ?
Il s’agit de mener la direction de l’engagement qui regroupe 350 personnes et les volets sociétaux du groupe : partenariats, RSE, fondation, mécénat, prévention, vie mutualiste, actions dans les territoires ainsi que la communication interne et externe chargée d’exprimer notre singularité mutualiste.
- Comment en êtes-vous arrivé là, vous qui étiez professeur de philosophie ?
Par le hasard des rencontres. Par des personnes qui ont bien voulu me faire confiance. Par conviction aussi pour notre modèle mutualiste. Je suis depuis toujours convaincu qu’une entreprise doit faire aussi société, qu’elle a une dimension sociale et politique et qu’elle doit favoriser les démarches citoyennes. J’ai d’abord rejoint la Macif en 2007 au sein de la direction de la communication. Puis, j’ai été chargé de mission auprès du directeur général, directeur de l'action mutualiste, avant de devenir directeur de l'engagement en septembre 2019.
- On parle peu des mutuelles… Sont-elles aussi innovantes que d’autres structures de l’ESS ?
Les acteurs mutualistes comme la Macif ont certaines spécificités qui ne sont pas toujours bien connues. Dans la tête des gens, les mutuelles sont associées à la santé alors que les acteurs mutualistes ne se résument pas à cela : la Macif, par exemple, fait aussi de l’assurance auto et habitation.
La force de notre modèle, c’est que nous n’avons pas d’actionnaire à rémunérer : nos bénéfices reviennent aux sociétaires. Nous suivons le principe démocratique mutualiste : « une personne, une voix ». Tout sociétaire de la Macif peut participer à la vie démocratique de l’entreprise. Les délégués élisent les représentants du conseil d’administration qui décide ensuite des orientations stratégiques du groupe.
Nos sociétaires ont accès à des tarifs souvent moins onéreux que dans des groupes capitalistes. Cela n’empêche pas les acteurs mutualistes d’être performants : preuve en est, ils ont mieux résisté que d’autres à la crise de 2008. Aujourd’hui, le chiffre d’affaires de la Macif avoisine les 6 milliards d’euros, pour 5,5 millions de sociétaires.
- Vous avez annoncé récemment un plan conséquent face à la crise sanitaire. Quels en sont les principaux axes ?
Nous avons réagi très vite avec les élus du groupe pour protéger les publics les plus fragilisés. Notre plan mobilise 20 millions d’euros, à la fois pour répondre à l’urgence et aux nombreux besoins engendrés par la crise. Il vise d’abord à protéger ceux qui nous protègent. Nous avons donc fait un don de 1,25 millions d’euros à la fondation de l’AP-HP pour soutenir les personnels médicaux en première ligne. Celle-ci nous a expliqué qu’avec la fermeture des cantines dans les hôpitaux, il fallait trouver une solution pour que les soignants puissent continuer à se nourrir : nous avons donc financé des livraisons de plateaux-repas.
Ensuite, pour protéger les plus démunis et leur apporter une aide alimentaire d’urgence, nous avons mobilisé 2,5 millions d’euros de dotation pour les partenaires associatifs historiques de la Macif : les Restos du Cœur, le Samu Social et le Secours Populaire.
Pour protéger les sociétaires et nos adhérents les plus fragilisés : nous avons abondé trois dispositifs uniques : le fonds solidarité (Fonso), le fonds d’action sociale et la prestation solidarité chômage. Cela représente cinq millions d’euros auxquels s’ajoute notre contribution de 5,2 millions d’euros au fonds solidarité du gouvernement pour soutenir les petites entreprises en difficulté.
En janvier, Macif va s’unir avec Aésio, un autre groupe mutualiste. En amont de ce rapprochement, nous créons un dispositif spécifique de 1,4 million d’euros. Il permettra de soutenir le secteur de l’aide à domicile, quelque peu oublié de la crise, mais aussi d’accompagner les personnes âgées isolées, de financer l’accompagnement par des professionnels de santé des jeunes volontaires en service civique. Nous lancerons aussi avec Grand-Mercredi une série de podcasts racontant l’histoire d’un acteur en première ligne, qui déclenchera à chaque écoute un don versé à la Croix-Rouge pour soutenir les seniors isolés.
- Comment avez-vous débloqué 20 millions d’euros aussi rapidement ?
Nous avons recouru à un dispositif de cellule de crise avec les élus. En fonction des demandes qui sont remontées du terrain, la Macif a libéré des lignes budgétaires spécifiques. Cela s’est fait assez facilement. D’autres acteurs ont voulu communiquer sur des aspects commerciaux de leur mobilisation. Nous avons privilégié la dimension citoyenne et l’aide aux personnes démunies. Ce ne sont pas des populations affinitaires ou qui « rapportent » sur le plan commercial, mais pour nous, c’était essentiel de les aider. Cela renvoie aux valeurs fondamentales de notre modèle mutualiste.
- La crise actuelle redessine les contours de l’engagement des entreprises. Pour vous, quel est le rôle de l’assureur dans la société ?
Notre mission principale en tant qu’assureur mutualiste, c’est de protéger. Notre rôle est complémentaire des pouvoirs publics. Nous voulons libérer les gens de leurs tracas présents pour leur permettre vivre, et de construire leur avenir. L’assurance c’est permettre à quelqu’un de ne pas avancer à découvert dans sa vie. On voit en elle quelque chose de contraignant et de technique, mais elle répond surtout au besoin intime et fondamental de chacun : celui de se protéger et de vivre ensemble. « S’engager », au sens littéral, c’est commencer quelque chose et se promettre quelque chose. Après la crise, cela paraît évident que le monde va être différent. À la Macif, nous faisons le pari qu’il sera plus solidaire et responsable.
Propos recueillis par Hélène Fargues