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Par Carenews INFO - Publié le 8 avril 2020 - 09:50 - Mise à jour le 8 avril 2020 - 13:59
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Marina Mahoungou, auxiliaire de vie : « Certains bénéficiaires n’ont que nous »

Auxiliaire de vie à Paris, Marina Mahoungou accompagne des personnes âgées à domicile. Elle nous a raconté ce que la pandémie changeait à l’exercice de son métier, et combien, plus que jamais, la solidarité doit primer.

Crédit photo : Marina Mahoungou.
Crédit photo : Marina Mahoungou.

J’ai quitté le Congo, où je travaillais à la gestion d’une société familiale de transports, pour la France en 2017. Je me suis installée à Bobigny avec ma famille, et me suis inscrite à Pôle Emploi. Quand on m’y a demandé ce que je souhaitais faire, j’ai parlé des métiers du soin et des services à la personne. Ma mère était aide-soignante, et ce qu’elle m’en racontait m’a toujours attirée. J’ai finalement demandé à être formée au travail d’auxiliaire de vie, très proche. Il s’agit d’accompagner au quotidien des personnes ne pouvant faire seules leur toilette, leurs courses ou encore la cuisine, et de les stimuler pour qu’elles gagnent en autonomie.

Mon diplôme en poche, j’ai exercé mon métier dans des associations d’aide à domicile avant d’intégrer Alenvi. Cette entreprise sociale accompagne les personnes âgées et propose un rapport au travail différent, plus humain. Nos interventions sont sectorisées pour nous éviter de passer trop de temps dans les transports, et nous faisons entre salariées nos plannings et recrutements. Nous travaillons réellement en équipes : nous sommes six auxiliaires de vie dans la mienne, et nous nous réunissions toutes les deux semaines pour parler de nos bénéficiaires afin de les accompagner au mieux. Entre chaque réunion, nous restons en contact via messagerie instantanée. J’en suis convaincue : ma situation actuelle aurait été très différente si j’avais été dans une association ou une entreprise « classique ».

Une équipe réduite de moitié chez Alenvi

Pour autant, il est impossible de ne pas être impactés par la pandémie de Covid-19. Nos bénéficiaires sont à risque, et souffrent parfois déjà de pathologies lourdes au quotidien. Nombre d’entre eux sont atteints de la maladie d'Alzheimer. J’accompagne également une femme touchée par la maladie à corps de Lewy, neurodégénérative. Et si je parle d’accompagnement, en réalité, c’est surtout un métier d’échange. Certain·e·s bénéficiaires nous considèrent comme leur famille, d’autres n’ont que nous. Entrer dans l’intimité d’une personne, arriver au stade où elle nous fait confiance, ce n’est pas un processus facile, et c’est extrêmement touchant quand cela arrive. Pour moi, le plus compliqué dans ce métier, c’est la séparation : quand on apprend le décès d’un·e bénéficiaire, ou quand ils entrent en maison de retraite. 

Alors si j’ai dû m’arrêter deux semaines lorsque les écoles ont été fermées pour garder mon enfant, j’ai repris le travail dès que nous avons pu trouver une solution avec mon mari et Alenvi. Le confinement imposant de se limiter aux contacts essentiels, plusieurs personnes, notamment celles ayant des aidant·e·s, ont annulé les prestations. Quant à celles que nous continuons d’accompagner, c’est bien entendu sans faire de sorties avec elles comme nous en avons l’habitude. Mais cette diminution de notre charge de travail a été contrebalancée par les trois autres arrêts de travail au sein de mon équipe. Alors nos plannings ont été optimisés : depuis ma reprise du travail le 30 mars, je ne fais plus que des demi-journées, ce qui me permet de relayer mon mari pour garder notre enfant. 

Face au coronavirus, les inquiétudes et la fierté

Ce matin, par exemple, j’ai commencé ma journée à 9 heures chez ma bénéficiaire atteinte par la maladie à corps de Lewy. Elle est en position fœtale sur son lit, donc il faut l’y habiller et lui faire sa toilette avant de l’aider à s’installer sur un fauteuil afin de lui donner son petit-déjeuner. Je me suis ensuite rendue chez une autre femme qui a des problèmes d’équilibre. Souvent, nous sortons ensemble faire ses courses. Confinement oblige, je m’en suis chargée seule. Ma journée s’est terminée à 13h30. 

Ça, c’est pour les activités empêchées par la pandémie, mais cette menace du Covid-19, c’est un bouleversement pour nous et surtout pour nos bénéficiaires. Ils ne voient plus leurs familles, ne peuvent plus sortir. C’est précisément pour ces raisons qu’il est d’autant plus important que nous les aidions : qu’ils voient qu’ils ne sont pas abandonnés, que l’on vient toujours les voir et les aider. Après, bien sûr, nous avons peur de la contamination et nous essayons de les protéger en nous protégeant, en appliquant les mesures barrières. Nous les leur expliquons, aussi, parce qu’ils ne comprennent pas toujours ce qu’il se passe et s’en inquiètent. Mon métier, je l’aime et j’en suis fière, et en ce moment plus que jamais, c’est la solidarité qui doit primer. 

Propos recueillis par Mélissa Perraudeau 

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