Mode et textile : comment mieux consommer ?
Le secteur de la mode a d’importants impacts environnementaux, sociaux et sanitaires. Face à cela, comment mieux consommer en privilégiant une mode plus responsable ? Marques éthiques, labels, réparation, seconde main : les possibilités sont nombreuses à condition d’être vigilants sur certaines pratiques de greenwashing.
100 à 150 milliards de vêtements sont produits chaque année dans le monde. Des quantités astronomiques qui permettent aux marques de fast fashion de réduire le coût de production unitaire des vêtements, mais qui génèrent un gaspillage énorme. En moyenne, un vêtement n’est porté que sept fois avant de ne plus être utilisé, et chaque année 50 milliards de vêtements sont jetés dans les 12 mois qui suivent leur fabrication.
Cette surproduction et surconsommation de vêtements a un impact environnemental important : l’industrie de la mode est la deuxième émettrice de gaz à effet de serre (8 à 12 % des émissions mondiales), utilise 4 % de l’eau potable dans le monde et est à l’origine de 20 % à 35 % des microplastiques présents dans les océans.
« La mode a deux autres types d’impacts négatifs essentiels, note Eloïse Moigno, fondatrice du label SloWeAre et co-autrice de La face cachée des étiquettes (éd. Eyrolles, 2022). En matière sociale, d’abord, le secteur rémunère très mal ses travailleurs, notamment dans les pays en développement, et les violations des droits humains et des droits du travail y sont monnaie courante. En matière sanitaire, ensuite, nos vêtements comportent une grande quantité de substances toxiques nocives pour notre santé. »
Se référer à des labels
Face à cette situation, comment mieux consommer et favoriser une mode plus durable et plus responsable ? La question a été débattue lors d’une table ronde organisée par Carenews et Alternatives Economiques pour la Mairie de Bordeaux, le 11 juin 2024. Plusieurs pistes existent.
De plus en plus de marques dites « éthiques », « responsables » ou « durables » agissent sur différents critères : la réduction de l’impact environnemental des vêtements, l’attention portée à la question des conditions de travail, ou l’utilisation de matières plus durables ou plus respectueuses de l’environnement, par exemple.
De nombreux labels existent, qui permettent au consommateur d’identifier les marques engagées dans ces domaines. Ils sont répertoriés de manière utile dans le livre La face cachée des étiquettes. On peut citer par exemple le label GOTS (Global organic textile standard), très exigeant, qui garantit le caractère biologique d’un textile, en tenant compte des conditions sociales et environnementales de la transformation de la matière. Le label Oeko-Tex garantit quant à lui l’absence d’utilisation de produits nocifs pour l’humain.
Le label SloWeAre, lui, se revendique comme le plus exigeant et le plus complet : il prend en compte à la fois des conditions de travail respectueuses de l’humain et de l’environnement, un système de production raisonné qui limite le gaspillage vestimentaire et les invendus, ou encore l’utilisation de matières éco-responsables. L’ambition du label : lutter contre toutes les pratiques de green ou social-washing, extrêmement courantes dans le secteur textile.
Le label SloWeAre entend lutter contre toutes les pratiques de green ou social-washing, extrêmement courantes dans le secteur textile
Benjamin Thiant, coordinateur de Zero Waste Bordeaux, appelle en effet à la prudence sur certains labels. Il cite l’exemple du label BCI (Better cotton initiative), censé labelliser un coton n’utilisant pas de pesticides et préservant l’eau et la biodiversité : « Or comme l’a montré un reportage de Cash investigation d’il y a quelques années, il n’existe aucun contrôle sur ce qui est déclaré par les producteurs. Par ailleurs une fois que la marque a obtenu le label, elle peut l’apposer sur tous ses vêtements même ceux qui n’utilisent pas de coton biologique. » Attention, donc, aux labels trompeurs.
Benjamin Thiant met également en garde contre les termes vagues de types « éco-responsable » ou « éco-conçu », qui sont en principe interdits depuis la loi Agec, car considérés comme porteurs de confusion et/ou comme trop globalisants pour le consommateur.
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Réduire sa consommation grâce à la méthode BISOU
Par ailleurs, il existe des magasins spécialisés dans la mode éthique et responsable. C’est le cas de L’Armoire poéthique, à Bordeaux. La boutique propose exclusivement des marques sélectionnées soigneusement selon des critères sociaux et environnementaux. C’est aussi un lieu de sensibilisation aux enjeux de la filière textile. « Nous souhaitons constituer un tiers de confiance pour le consommateur, pour qu’il soit sûr que les vêtements qu’il achète ont été produits dans de bonnes conditions, explique Carine Sztark, la fondatrice de la boutique. Mais nous souhaitons aussi, et c’est paradoxal pour une boutique, inciter nos clients à ne pas trop consommer. »
Ceux-ci sont notamment incités à utiliser la fameuse méthode BISOU avant d’engager une dépense :
- B comme besoin : à quel besoin cet achat répond-il ?
- I comme immédiat : en ai-je besoin immédiatement ou puis-je attendre quelques jours avant de me décider ?
- S comme semblable : ai-je déjà un vêtement qui a la même utilité ?
- O comme origine : quelle est l’origine de ce vêtement ?
- U comme utile : cet objet va-t-il m’apporter un confort primordial ?
Résister à la fast-fashion
La sensibilisation des consommateurs et leur prise de conscience des enjeux sont en effet primordiaux. C’est pourquoi l’association nationale Zero Waste France a publié un Guide de la résistance à la fast-fashion, téléchargeable gratuitement sur son site. Ce guide vise à interpeller les marques et les inciter à revoir leurs modèles de production et de vente, mais aussi à donner des conseils aux consommateurs pour leur permettre de faire évoluer leur rapport aux vêtements et de réduire leur consommation.
Le Guide de la résistance à la fast-fashion de Zero Waste France vise à donner des conseils aux consommateurs pour leur permettre de faire évoluer leur rapport aux vêtements et de réduire leur consommation.
Zero Waste Bordeaux et L’Armoire poéthique ont par ailleurs lancé le projet « En mode éthique », qui consiste à sensibiliser des étudiants, notamment issus d’écoles de mode, aux enjeux de la mode éthique et durable, grâce à des ateliers d’intelligence collective, des témoignages d’acteurs engagés ou des visites de sites.
Augmenter la durée de vie des vêtements
Autre dimension importante pour réduire l’impact de la mode : augmenter la durée de vie des vêtements, en prenant l’habitude de les réparer, de les acheter en seconde main ou de les donner lorsqu’on ne souhaite plus les porter. Le dispositif du « bonus réparation » permet ainsi de bénéficier de réductions sur la réparation de vêtements ou de chaussures dans des boutiques agrées.
En matière de seconde main, quelles sont les bonnes pratiques ? « Les plateformes en ligne comme Vinted ont plusieurs écueils, note Carine Sztark. D’une part, l’envoi par colis a un impact environnemental important ; d’autre part ces plateformes n’ont aucune dimension sociale, au contraire des projets portés par les acteurs de l’économie sociale et solidaire ; enfin, elles ont tendance à pousser elles aussi à la surconsommation, mais de produits de seconde main, ce qui n’est pas souhaitable. » En la matière, mieux vaut donc s’adresser à Emmaüs, au Relais ou au réseau des ressourceries.
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Camille Dorival