Ce que la vague de thrillers écolos dit de la prise de conscience écologique
La promesse verte récemment, mais aussi Dark Waters ou encore Goliath. Les salles de cinéma accueillent de plus en plus de thrillers écologiques. Qu’est-ce que cela dit de nos représentations du changement climatique ?
Qu’ont en commun l’élève Ducobu et l’excellent réalisateur japonais Ryüsuke Hamaguchi ? Pas grand chose… excepté l’écologie ! La semaine dernière sortait la comédie grand public « Ducobu passe au vert ! », cinquième film de la saga de l’élève le plus connu de France, devenu écolo pour ce volet. Dans un tout autre registre, ce 10 avril, sort « Le mal n’existe pas » du japonais qui a également réalisé « Drive my car » il y a quelques années. Deux salles, deux ambiances, mais une convergence autour du même thème.
Pour ce dernier, qui a obtenu le Lion d’argent à la dernière Mostra de Venise, le site Franceinfo utilise le qualificatif « thriller écologique ». Le pitch : dans une zone naturelle japonaise, un projet de camping glamour (glamping en bon français) est porté par des citadins. Une communauté locale proche de la nature se montre réticente face au projet. Un drame va finir par arriver. De la tension autour d’enjeux écologiques.
Le cinéma et l’écologie : la catastrophe à l’honneur
Remontons un peu la bobine. L’apparition du cinéma est intrinsèquement liée à la naissance de la société industrielle. La technique cinématographique s’est développée à la fin du XIXe siècle, au moment où les progrès techniques ont fait basculer les sociétés européennes dans l’ère industrielle. Pourtant, au cours de son histoire, le cinéma a régulièrement été un médium pour montrer les dommages causés par cette société et ses excès sur la planète.
Le genre plébiscité par les réalisateurs pour traiter de l’écologie a, ces dernières décennies, été le film catastrophe. Ce genre hollywoodien par excellence a évolué en miroir des peurs de la société américaine et a donc épousé progressivement la crainte climatique.
À lire aussi : Festival de Cannes : le sexisme dans le cinéma sous les projecteurs
« Le jour d’après » de Roland Emmerich, sorti en 2004, est un classique du genre. Un blockbuster en mode survival qui montre une planète confrontée à un changement climatique précipité. On pense également à « 2012 » du même réalisateur. Ici, les catastrophes sont des fatalités sur lesquelles l’homme n’a pas de prise et dont les causes ne sont pas forcément expliquées. Comme un prétexte à l’action.
Dark Waters, un avocat face à l’industrie chimique
Mais ces dernières années, un autre genre de cinéma s’est emparé de l’écologie : il s’agit du thriller. Qu’est-ce que le thriller ? Ce genre utilise le suspense, la peur ou la tension pour divertir le spectateur. Il propose une quête ou une enquête d’un héros, en général face à un méchant qui lui met des bâtons dans les roues. C’est le genre populaire par excellence puisque très divertissant : il peut ainsi permettre de toucher le plus grand nombre. Prenez par exemple les films d’Alfred Hitchcock, pionnier du genre.
Dans le thriller écologique, popularisé ces dernières années, le méchant est souvent une grande entreprise polluante et peu scrupuleuse. Le héros, un journaliste, un avocat ou bien un citoyen lésé qui décide de s’opposer. Une sorte de David contre Goliath.
À lire aussi : 8 films engagés (et de très bonne qualité !)
Prenons pour exemple l’une des œuvres de ce genre à avoir connu un succès populaire : « Dark Waters » de l’américain Todd Haynes, sortie en 2020. Un avocat qui défend habituellement l’industrie chimique est interpellé par un paysan considérant qu’un groupe chimique empoisonne la zone. Il va enquêter et faire face à une industrie prête à tout, peut-être même au pire, pour que la vérité n’éclose pas. De la tension au profit d’un message politique. Le film a dépassé les 300 000 entrées en France.
Plus récemment, en 2022, est sorti « Goliath ». Plusieurs citoyens se battent pour condamner une entreprise commercialisant des pesticides, personnifiée par Pierre Niney qui incarne un redoutable lobbyiste. Un succès avec plus de 700 000 entrées. Le plus récent exemple, c’est « La promesse verte », sorti le 27 mars dernier, réalisé par Edouard Bergeon. Cette fois, le combat se déroule entre Alexandra Lamy et des exploitants d’huile de palme déforesteurs. Le film connaît un bon démarrage en salles avec 246 000 entrées en deux semaines d’exploitation. On peut aussi parler des « Algues vertes » qui raconte l’enquête d’une journaliste en Bretagne face au phénomène de prolifération des algues vertes.
Les gentils, les méchants et l’écologie
Que disent ces films de notre perception du péril climatique ? Ici, le problème est humain : le changement climatique est donc représenté comme un résultat de l’activité humaine, et plus précisément industrielle. La situation dégradée est toujours le résultat d’une décision.
Contrairement aux films catastrophes, il ne s’agit pas d’une tragédie avec un destin fatal : le héros a un pouvoir d’agir face à la situation et peut, par son action personnelle, changer le cours des choses. D’ailleurs, il finit souvent par vaincre.
À lire aussi : (Entretien) Les cinémas associatifs, Prix du Livre sur l’ESS 2023
Enfin, ces films font intervenir une lecture moraliste : le héros est le représentant du bien face à un méchant, l’industriel, incarnant le mal. Il y a donc une forme de moralisation du combat écologique avec un héros porté au firmament grâce à son combat écologique. Ces personnages sont d’ailleurs souvent représentés au cœur de la cellule familiale et mènent souvent une vie simple. Sorte de bon sens populaire.
Même si certaines peuvent manquer d’une certaine subtilité et être trop spectaculaires, ces œuvres culturelles peuvent être des outils de sensibilisation massive.
Des superproductions polluantes au message écolo ?
L’écologie s'immisce également dans les blockbusters d’action. Il a bien sûr « Avatar » et sa morale écolo, qui est tout simplement le plus gros succès de tous les temps au box-office mondial. Récemment, les deux volets de « Dune » ont narré une planète au bord du gouffre, colonisée et pillée par des habitants d’une autre planète. Mais ces deux exemples sont des œuvres de science-fiction. À quand un James Bond qui se bat pour la planète ou un Indiana Jones « green » ? Petit bémol, ces superproductions sont très polluantes : peut-on diffuser un message que l’on n’applique pas soi-même ?
Théo Nepipvoda