Dépollution, indice de durabilité, fast fashion, banques... Les brèves RSE de la semaine
Deux ONG contestent des décrets d’application de la loi Industrie verte, un indice de durabilité entre en vigueur pour les téléviseurs, la nomination de Christophe Castaner chez Shein est critiquée, les banques étatsuniennes quittent l’alliance de l’ONU pour le climat, les dirigeants français du développement durable défendent la CSRD... au sommaire des brèves RSE de la semaine.
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Notre affaire à tous et Zero waste France demandent l’annulation de décrets d’application de la loi Industrie verte
Trois décrets d’application de la loi Industrie verte d’octobre 2023 « opèrent un détricotage massif du droit de l’environnement industriel et plus généralement des principes de la démocratie environnementale », protestent les ONG Notre affaire à tous et Zero waste France dans un communiqué publié le 9 janvier. Elles contestent donc la légalité de ces décrets devant le Conseil d’État.
Selon les associations, ces textes « allègent les procédures et permettent de nombreuses dérogations en matière de gestion des pollutions industrielles ». Ils « [s’attaquent] au principe fondamental du pollueur payeur (...). Ils assouplissent aussi les possibilités pour les entreprises responsables d’accidents industriels et de pollutions de s’exonérer de leur responsabilités ». En raison de ces décrets, les coûts de dépollution pourraient revenir exclusivement à la charge des pouvoirs publics ou les entreprises pourraient abandonner les sites pollués « sans prendre en charge la dépollution », poursuivent Notre affaire à tous et Zero waste France.
« À l’heure du consensus émergent autour du scandale et du danger des polluants éternels, après les innombrables catastrophes industrielles en France et ailleurs, le gouvernement démontre une nouvelle fois son irresponsabilité en la matière », déplore Jérémie Suissa, délégué général de Notre affaire à tous.
« Le projet d’usine de recyclage chimique Eastman en Normandie est par exemple un cas d’école, qui illustre bien les dérives permises par la loi Industrie verte, déclare Bénédicte Kjaer Kahlat, responsable juridique de Zero waste France. Alors que cette technologie coûteuse n’a jamais fait la preuve ni de son efficacité, ni de son innocuité, la qualification de projet d’intérêt national majeur – qui découle de la loi – simplifie d’un côté les procédures pour les industriels, au risque de graves atteintes pour la biodiversité. De l’autre, elle met des bâtons dans les roues des associations de protection de l’environnement, en les obligeant à multiplier les recours. »
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Un indice de durabilité lancé pour les téléviseurs
Depuis le 8 janvier, les téléviseurs sont évalués selon un « indice de durabilité » suivant les dispositions de la loi Anti-gaspillage pour une économie circulaire (Agec) de 2020. Le calcul de cette note sur 10 intègre de nouveaux indicateurs par rapport à l’indice de réparabilité, qui était utilisé précédemment. Des éléments concernant la durée de vie du produit sont désormais pris en compte.
Concrètement, la durabilité d’un téléviseur est évaluée selon la résistance du produit aux contraintes et à l’usure, sa facilité de maintenance et d’entretien, la disponibilité et le prix des pièces détachées ou encore sa facilité de démontage.
La note de l’indice doit être affichée de manière visible, sur l’emballage, en rayon ou sur les sites de vente en ligne.
« L’arrivée de l’indice de durabilité constitue une avancée majeure pour les consommateur·ices et l’environnement », a déclaré l’association Halte à l’obsolescence programmée. « Certains points de l’indice des téléviseurs apparaissent comme trop faciles à obtenir », a-t-elle toutefois tempéré. « De plus, cet indice de durabilité concerne encore trop peu de produits ».
À partir du 8 avril prochain, les lave-linge seront aussi concernés. En revanche, ce ne sera pas le cas des smartphones comme prévu initialement, en raison d’une décision de la Commission européenne estimant l’indice de durabilité incompatible avec l’étiquette énergie prévue par la réglementation européenne.
- La nomination de l’ancien ministre Christophe Castaner chez Shein fait grand bruit
L’ancien ministre de l’Intérieur et député Christophe Castaner conseillera Shein, symbole de la fast fashion, en matière de responsabilité sociale et environnementale. Cette nomination, révélée par le média La lettre fin décembre, a fait grand bruit dans les médias et le secteur de l’habillement.
La Fédération française du prêt-à-porter féminin a fait part de « sa profonde indignation ». « Cet homme me fait vomir », a déclaré son président Yann Rivoallan, sur LinkedIn, à propos de Christophe Castaner. À ses yeux, la nomination s’explique par la discussion à venir de la proposition de loi visant à réduire l’impact environnemental de l’industrie textile au Sénat. Adopté à l’Assemblée nationale, le texte vise notamment Shein et prévoit un malus sur les ventes des produits de fast fashion. « À-t-il été choisi pour son expérience politique ? Sans doute. De ce fait, sa force est sans doute dans son réseau. Et là, je vois clairement une action de la part de Shein pour pouvoir stopper cette loi », a estimé Yann Rivoallan auprès de France Info.
« C’est une honte », a déclaré sur LinkedIn Julia Faure, co-présidente du Mouvement Impact France, groupement d’entreprises engagées, et co-fondatrice de la marque de mode éthique Loom. Elle déplore également la nomination par Shein comme conseiller de Bernard Spitz, « membre pendant dix ans des instances dirigeantes du Mouvement des entreprises de France [Medef] ». Nicole Guedj, ancienne secrétaire d’État aux Droits des victimes, fait aussi partie des nouvelles recrues.
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Les dirigeants du C3D défendent la CSRD auprès de la Commission européenne
Les remises en question de la corporate sustainability reporting directive (CSRD) se multiplient. Dans une lettre adressée à la présidente de la Commission européenne, le chancelier allemand Olaf Scholz demande une simplification de cette directive européenne exigeant des entreprises qu’elles rendent compte de leurs impacts sociaux et environnementaux, rapporte le média Novethic. Cela doit passer par un report d’application et un relèvement des seuils, pour le chancelier.
Au contraire, le Collège des directeurs du développement durable (C3D) prend la défense du texte. Cette association regroupe plus de 380 dirigeants chargés de la responsabilité sociétale des entreprises. Dans une lettre datée du 6 janvier, le C3D reconnaît le « défi » que pose la directive. Mais il estime que « les règles prévues [par la CSRD] fournissent des outils essentiels pour s’assurer que les entreprises européennes sont préparées aux risques ESG [environnementaux, sociaux et de gouvernance] et peuvent prospérer dans une économie mondiale compétitive », détaille AEF Info. L’association suggère de décaler l’obligation d’audit, de simplifier les règles pour les petites entreprises et d’avancer l’obligation de reporting pour les entreprises non-européennes.
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Les banques étasuniennes quittent l’alliance de l’ONU pour le climat, la Net zero banking alliance (NZBA)
La Net zero banking alliance est une initiative de l’Organisation des Nations-unies (ONU) destinée à réduire l’impact climatique des banques. Celles qui en font partie doivent signer une déclaration les engageant à s’aligner sur une trajectoire visant à des émissions nettes de gaz à effet de serre nulles d’ici à 2050. La banque JP Morgan a annoncé son départ de cette alliance le 7 janvier : plus aucune banque étasunienne n’en fait donc partie.
« Le retrait soudain de ces grandes banques américaines est un effort mièvre pour éviter les critiques de Trump et de ses acolytes négationnistes du climat, a estimé Paddy McCully, analyste de l’ONG spécialisée Reclaim Finance. Les autres banques, notamment européennes, ne doivent pas utiliser la sortie des banques américaines comme une excuse pour affaiblir leurs propres engagements climatiques. »
En effet, 141 autres banques – dont « toutes les plus grandes européennes », selon Reclaim Finance – font encore partie de l’alliance.
Célia Szymczak