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Par Carenews INFO - Publié le 22 mai 2024 - 12:00 - Mise à jour le 22 mai 2024 - 16:49 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Entreprises à mission : un bilan 5 ans après la loi Pacte


Le Congrès des entreprises à mission, organisé à Paris le 16 mai, a dressé un premier bilan de la création de la qualité de société à mission par la loi Pacte de 2019. Elles sont plus de 1600 en France en 2024 employant plus d’un million de salariés. 

La Communauté des entreprises à mission vise un objectif de 10 000 sociétés à mission en 2027. Crédit : Carenews.
La Communauté des entreprises à mission vise un objectif de 10 000 sociétés à mission en 2027. Crédit : Carenews.

 

Cinq ans quasiment jour pour jour après l’adoption de la loi Pacte qui crée la qualité de société à mission, le Congrès européen et français des entreprises à mission était organisé ce 16 mai à la Maison de la mutualité, à Paris, par la Communauté des entreprises à mission (CEM). L’occasion de dresser un bilan du développement de ce modèle d’entreprises engagées dans le tissu économique français.

En termes quantitatifs, d’abord, on compte en 2024 1600 sociétés à mission en France, qui regroupent au total plus d’un million de salariés. « 80 % de ces entreprises sont des PME, souligne Valérie Brisac, déléguée générale de la CEM. Toutefois, les grandes entreprises sont sur-représentées parmi les sociétés qui ont obtenu la qualité, et 6 % de l’ensemble des grandes entreprises françaises sont désormais des sociétés à mission. » 

 

Devenir société à mission

Pour devenir société à mission, l’entreprise doit affirmer publiquement une raison d’être ainsi que plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qui lui sont alignés. Elle s’engage alors à poursuivre ces objectifs dans le cadre de son activité. 

L’entreprise doit inscrire ces informations dans ses statuts et les déclarer au greffe du tribunal de commerce. La qualité de « société à mission » sera alors mentionnée au répertoire Sirene.

 

Objectif : 10 000 entreprises à mission en 2027

 

Des chiffres encourageants, donc, mais qui sont en deçà des ambitions du mouvement : « Nous nous sommes fixés l’objectif d’atteindre les 10 000 sociétés à mission en 2027, indique Hélène Bernicot, co-présidente de la CEM, par ailleurs directrice générale du Crédit mutuel Arkéa. « La société à mission doit devenir la norme », insiste Guillaume Desnoës, l’autre co-président de la CEM, également cofondateur de l’entreprise liée au grand âge Alenvi. 

« Attention, la qualité de société à mission est un cadre de transformation, et non pas un tampon de vertu », souligne-t-il toutefois, en rappelant que la qualité implique certaines obligations. Ainsi, les sociétés à mission sont tenues de publier l’avis rédigé par un organisme tiers indépendant sur la mise en oeuvre des objectifs sociaux et environnementaux qu’elle s’est fixés. Or un récent rapport a démontré que seules un quart d’entre elles l’ont fait à ce jour. A ce titre, les deux co-présidents de la CEM souhaitent un renforcement du rôle de l’Observatoire des sociétés à mission pour rappeler ces obligations aux entreprises concernées.

 


À lire également : En 2023, les entreprises à mission ont continué de gagner du terrain 


 

Des entreprises plus attractives 

 

Concrètement, qu’est-ce que l'obtention de la qualité de société à mission change dans la vie et l’organisation de l’entreprise ? Le Crédit mutuel Arkéa est devenu entreprise à mission en 2022. L’un de ses engagements de mission est lié à l’inclusion financière de ses 100 000 clients considérés comme « fragiles » car ayant des impayés ou des découverts bancaires réguliers : « Nous nous sommes donnés pour objectif que nos conseillers rencontrent 60 % de ces clients chaque année », explique Julien Carmona, président du groupe bancaire coopératif. Durant ces rendez-vous, des conseils leur sont prodigués et des produits spécifiques leur sont proposés, quasiment gratuits et sans frais d’incidents bancaires, avec parfois de petits dons ou des microcrédits. « Ces rendez-vous ont beaucoup de sens pour nos conseillers, car ils leur permettent d’aider ces personnes à sortir de situations de grande difficulté », continue-t-il. 

Par ailleurs, pour satisfaire les objectifs environnementaux qu’elle s’est fixés, la banque a opté pour certains renoncements : « Nous avons décidé de sortir totalement du financement des énergies fossiles et de celui de l’aviation d'affaires, indique ainsi Julien Carmona. Nous avons un stock de financements à apurer d’ici à 2030, mais nous ne finançons plus aucun nouveau projet sur ces activités. »

Au-delà de lui permettre d’atteindre ses objectifs, ces paris ont été gagnants pour le Crédit mutuel Arkéa, notamment en termes d’attractivité de l’entreprise. « Depuis que nous sommes société à mission, nous enregistrons 37 % de candidatures en plus pour venir travailler chez nous, se réjouit Hélène Bernicot. Par ailleurs, 92 % de nos salariés disent avoir envie de continuer à travailler dans notre entreprise. » 

 

La mission comme outil de management et d’innovation produits 

 

Autre exemple, l’entreprise viticole Maison Le Breton, devenue société à mission en 2021. Morgane Le Breton, sa co-gérante, explique manager ses équipes par la mission : « Durant les entretiens annuels, nous discutons avec les salariés de comment, à leur échelle, ils contribuent à la mission de l’entreprise. Nous avons également mis en place un intéressement indexé sur les indicateurs de mission de l’entreprise », illustre-t-elle.

De même, les Laboratoires Expanscience sont société à mission depuis 2021 et ont obtenu le label B-Corp depuis 2018. Ces évolutions ont, selon leur président Jean-Paul Berthomé, fils du fondateur de cette entreprise familiale, permis d’engager leur marque pour bébés Mustela dans une nouvelle direction. Ainsi, Mustela propose désormais certains de ses produits dans des fontaines de vrac en pharmacie, conçues grâce à un travail collectif avec certains concurrents. « C’est un exemple de coopétition qui nous a permis d’anticiper l’interdiction des emballages en plastique à usage unique, prévue pour 2040, et qui peut être transposé dans de multiples secteurs d’activité », note Jean-Paul Berthomé. 

En revanche, « il est étonnant que cette démarche de l’entreprise à mission ne soit pas plus valorisée par l’État avec des aides, des subventions, note-t-il. On pourrait par exemple imaginer d’appliquer une TVA réduite sur certains produits comme nos fontaines de vrac, qui sont vertueuses pour l’environnement. »

 


À lire également : Mustela : la marque qui renonce à du chiffre d’affaires pour être plus durable 


 

D’autres finalités que la maximisation des profits 

 

L’ancien ministre de l’Agriculture Julien Denormandie a également rejoint l’aventure des sociétés à mission après son départ du gouvernement en 2022. Il collabore ainsi avec deux entreprises à mission : Sweep, start-up spécialisée dans la réduction des émissions carbone des entreprises, en tant que chief impact officer, et Raise, fonds d’investissement à impact, où il est senior advisor. Concernant cette dernière, Julien Denormandie explique que la qualité de société à mission l’a incitée à créer un fonds de partage, nommé Investir pour l’enfance, doté de 40 millions d’euros. Au moins la moitié des plus-values réalisées par ce fonds est reversée à deux associations liées à l’enfance : l’Institut Imagine et Espérance Banlieues.

Julien Denormandie estime lui aussi que les entreprises à mission doivent devenir la norme, et en déduit que « les politiques d’accompagnement doivent être les plus générales possibles pour ne pas tomber dans une niche ». 

Au final, « la qualité d’entreprise à mission est une formidable opportunité pour se transformer », comme le souligne Hélène Bernicot. Pour Kevin Levillain, enseignant chercheur MinesParisTech et président du conseil scientifique de la CEM, « la qualité de sociétés à mission est aussi là pour rappeler qu’il existe des entreprises qui se donnent d’autres finalités que la maximisation des profits. Cela permet de montrer les entreprises sous un autre jour. »

 

Théo Nepipvoda et Camille Dorival 

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