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Par Carenews INFO - Publié le 19 décembre 2023 - 14:00 - Mise à jour le 21 décembre 2023 - 14:27 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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Projet de loi immigration : les voix associatives et citoyennes s’élèvent pour rappeler le devoir d’accueil

La commission mixte paritaire, qui s'est réunie les 18 et 19 décembre, a accouché d’un texte historiquement restrictif au sujet de l’immigration. Plusieurs voix, notamment associatives, s’élèvent face à la tournure que prennent les débats.

François Hollande lors d'une conférence organisée par l'association Aurore. Crédit : Théo Nepipvoda.
François Hollande lors d'une conférence organisée par l'association Aurore. Crédit : Théo Nepipvoda.

 

« Je ne sais plus où en est le texte et plus personne ne le sait. Il a même échappé à ses propres auteurs puisque nous en sommes à attendre le verdict d’une commission mixte paritaire dont nous ne savons rien », estime l’ancien président de la République, François Hollande. Il était l’invité, le 18 décembre, d’une conférence organisée par l’association Aurore, pour s’opposer au projet de loi immigration. 

« On veut dire à notre façon le malaise que l’on a avec la tournure du débat public, cette forme de surenchère qui remet en cause les principes élémentaires qui fondent notre action », a expliqué Pierre Coppey, président de l’association Aurore, pour introduire les prises de parole.

 

Les Républicains font entendre leurs revendications

 

Au moment où se déroulait la conférence, l’indécision était de mise concernant le projet de loi. La commission mixte paritaire (CMP), composée de sept députés et sept sénateurs, s’est réunie ce 18 décembre à partir de 17 heures pour essayer de déboucher sur un texte définitif. Elle fait suite à la motion de rejet préalable votée la semaine dernière par l’Assemblée nationale qui a mis fin aux débats avant même qu’ils débutent.

Elle a finalement débouché ce 19 décembre sur un accord faisant la part belle aux propositions des Républicains dans le but d'obtenir une majorité. 

Pour Jacques Toubon, ancien Défenseur des droits, qui s'est exprimé lors de la conférence organisée par Aurore, « on s’est obstiné à faire une loi dont nous n’avons pas besoin. On aurait pu utiliser des mesures administratives, certaines situations de régularisation auraient pû être réglées ».

L'association Aurore organise une conférence face au projet de loi immigration. Crédit : Théo Nepipvoda
L'association Aurore organisait le 18 décembre une conférence face au projet de loi immigration. Crédit : Théo Nepipvoda.

 

Cinq années sur le territoire pour bénéficier des prestations sociales

Comme le souhaitait le parti d'Éric Ciotti, le texte de la CMP allonge pour les étrangers en situation régulière à cinq ans de résidence ou 30 mois d'activité professionnelle la durée pour toucher les prestations sociales non contributives. Cela comprend notamment l'aide personnalisée au logement (APL).

« Faire une distinction concernant les prestations sociales selon qu’elles soient versées à des Français ou à des étrangers, c’est une entorse au principe d'égalité. Si cette mesure est retenue, c’est un précédent extrêmement grave puisqu’il s’agit d’une première légalisation de la préférence nationale », a estimé François Hollande lors de la conférence.

 

L’AME, une réforme en 2024

 

Autre point de discussion de la commission mixte paritaire, l’aide médicale d’État (AME). Instaurée en 2000, elle permet aux étrangers en situation irrégulière présents en France depuis au moins trois mois et qui perçoivent au moins 810 euros mensuels de bénéficier d’une prise en charge à 100 % des prestations de santé. Les Républicains la perçoivent comme un « appel d’air migratoire » et souhaitent la transformer en aide médicale d’urgence plus restrictive. Élisabeth Borne a annoncé le lundi 18 décembre au soir dans une lettre au président du Sénat Gérard Larcher une réforme de l’AME pour janvier 2024. Elle ne parle pas d’une suppression.

« On est devant une proposition abracadabrante, qui n’a aucun fondement sanitaire, médical et scientifique », s’est indigné Alfred Spira, épidémiologiste et membre de l’Académie nationale de médecine.

« Ces personnes ont à peu près tout perdu durant le voyage sauf leur corps et leur cerveau. C’est le dernier capital qui leur reste. Cela représente leur ressource pour construire une nouvelle vie. Cette santé abimée, il faut la préserver et prévenir sa dégradation », a-t-il expliqué.

 


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Une marche à Paris rassemble 2 300 personnes

 

Au même moment que la conférence d'Aurore, en réponse à l'appel de la Marche des solidarités et des collectifs de sans-papiers, plusieurs milliers de personnes (2 300 selon la préfecture de police) se sont rassemblées sur la place de la République à Paris contre le projet de loi immigration.

La marche parisienne contre la loi immigration a rassemblé plusieurs milliers de personnes . Crédit : Félicité Dussel.
La marche parisienne contre la loi immigration a rassemblé plusieurs milliers de personnes . Crédit : Félicité Dussel.

« Le gouvernement est pris dans une frénésie législative qui cherche à durcir sans cesse les conditions de régularisation », déplore Christian, animateur du collectif des travailleurs sans papiers de Vitry présent à la manifestation, « on ajoute des lois d’exception comme la pénalisation du séjour irrégulier. Elle est comme une épée de Damoclès en plus sur la tête des personnes en situation irrégulière ». La CMP a en effet  validé l’instauration du délit de séjour irrégulier puni par une amende. Proposition qui devrait se retrouver dans l’accord final, si accord il y a.

 


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Mamadou Moussekeme, responsable collectif migration de la Seine-Saint-Denis au sein de la CGT dénonce une loi « porteuse de discriminations ». « Tous les travailleurs sont des travailleurs (...). On paie les mêmes cotisations à l’URSSAF, on doit être traités de la même manière », scande Mamadou, plaidant pour une régularisation par le travail sans distinction. Le projet de loi initial prévoyait la régularisation de personnes sans-papiers travaillant dans des métiers en tension. Cette mesure n’est plus à l’ordre du jour.

Pour Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de la Cimade, « le fil conducteur de l’ensemble des mesures qui doivent être votées est la précarisation et la stigmatisation des personnes en situation irrégulière ». Elle appelle à un sursaut face à un accord qui pourrait compromettre les principes républicains.

 

La marche parisienne contre la loi immigration a rassemblé plusieurs milliers de personnes . Crédit : Félicité Dussel.
La marche parisienne contre la loi immigration a rassemblé plusieurs milliers de personnes . Crédit : Félicité Dussel.

 

Durcissement des conditions d’hébergement d’urgence ?

 

Présent dans le texte du Sénat, un article prévoit que les étrangers visés par une obligation de quitter le territoire soient exclus du droit à l'hébergement d’urgence sauf « situation de détresse grave ». La mesure a été validée par la commission mixte paritaire.

« Nous croyons à l'accueil inconditionnel. Mais qu’on y croie n’a pas beaucoup d’importance car c’est la loi. Nous sommes dans un pays qui considère que c’est la norme de ne pas laisser les gens dormir dehors », a rappelé Pierre Coppey, président de l’association Aurore, lors de la conférence. 

 

Finalement, cette proposition a été retenue par la commission mixte paritaire. Le texte a ensuite été voté successivement par le Sénat et l’Assemblée nationale avant d’être définitivement adopté. Le Conseil constitutionnel se prononcera ultérieurement sur le texte.

 

Félicité Dussel et Théo Nepipvoda 

 

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