L’ANTISECHE - Au fait, c’est quoi le dividende sociétal ou écologique ?
Portés respectivement par le Crédit Mutuel Alliance fédérale et la Maif, le dividende sociétal et le dividende écologique sont des mécanismes qui financent des actions en faveur de la transition écologique et sociale, grâce à une nouvelle répartition de la valeur. Chaque année, un certain pourcentage du résultat net de l’entreprise est dirigé vers le dividende en question.

Le dividende écologique et le dividende sociétal sont des mécanismes lancés en 2023 respectivement par la Maif et par le Crédit Mutuel Alliance fédérale. Chaque année, l’assureur et la banque mutualistes dirigent 10 à 15 % de leur résultat net vers un dividende spécifique, permettant de financer des projets à impact social et écologique.
Calqués sur le modèle de l’actionnariat, ces « dividendes » introduisent une nouvelle répartition de la valeur créée par l’entreprise à des fins de protection de l’environnement et d’un renforcement de la solidarité dans la société.
Le dividende sociétal, un mécanisme du Crédit Mutuel
Lancé en janvier 2023 par le Crédit Mutuel Alliance fédérale, le dividende sociétal a pour objectif de financer la transition écologique et sociale. Par ce mécanisme, la banque attribue 15 % de son résultat net d’une année à des projets à impact positif en matière sociale et environnementale.
50 % de l’enveloppe est consacrée à un « fonds de révolution environnementale et solidaire », chargé d’investir dans des entreprises porteuses de projets à impact, sans considération de leur rentabilité financière.
35 % est consacrée aux développements de nouveaux services solidaires à destination des clients et sociétaires de la banque, comme des prêts à taux zéro dédié à la rénovation énergétique délivrés à des clients aux revenus modestes.
Les 15 % restants sont attribués à des activités de mécénat tournées vers la solidarité entre les territoires et l’environnement.
Le dividende sociétal du Crédit Mutuel s’est établi à 439 millions d’euros en 2023 et à 617 millions d’euros en 2024. Selon le classement réalisé par Equanity et Carenews en 2024, ce mécanisme a permis au Crédit Mutuel d’être le mécène le plus généreux parmi les entreprises françaises.
Après le passage du cyclone Chido à Mayotte, le mécanisme a également permis de mobiliser un million d’euros versé à la Croix-Rouge française.
Le dividende écologique, un outil porté par la Maif
Le dividende écologique, créé à peu près au même moment par la Maif, consiste quant à lui à diriger 10 % du résultat net du groupe au profit d’actions de protection de l’environnement.
« Nous faisons de la planète notre seul actionnaire », explique ainsi le président de la Maif Yves Pellicier, dans un entretien à Carenews. En 2023, le montant du dividende écologique de l’assurance mutualiste s’élevait à 8,2 millions d’euros. En 2024, il s’élevait à 2,3 millions d’euros, une somme en baisse en raison d’une chute du résultat net de l’entreprise cette année-là.
La répartition du dividende est décidée par le conseil d’administration de la Maif.
En 2023, près de 5 millions ont ainsi été alloués au Fonds Maif pour le vivant dont l’objet est « de financer des actions concrètes pour régénérer la biodiversité à partir de solutions basées sur la nature ». Il s’appuie sur le programme Nature 2050 de la Caisse des dépôts et consignations pour sélectionner les projets soutenus. Cette année-là, trois actions ont été soutenues par ce fonds pour une enveloppe totale de plus d’un million d’euros : la renaturation écologique du cours d’eau le Lathan en Maine-et-Loire, la préservation de l’écosystème des marais de Vigueirat en Camargue et la végétalisation du centre-ville de Rion-des-Landes, notamment pour désimperméabiliser les sols.
Trois millions d’euros ont été également versés au profit « d’actions de solidarité climatique », qui consistent à accompagner des sociétaires de la Maif en situation de vulnérabilité climatique. Pour la première année du dividende écologique, l’assureur a concentré ses actions sur le risque d’inondation, en proposant à 1800 sociétaires un diagnostic et un accompagnement financiers à hauteur de 90 % pour des travaux de prévention, avec un montant maximum de 13 500 euros par personne. Cette action a permis de faire entrer 271 sociétaires dans une démarche de diagnostic, affirme la Maif.
Ces actions de solidarité présentent également un avantage pour l’assureur, puisqu’elles lui permettent de réduire les risques climatiques futurs.
En 2024, le dividende écologique a été distribué avec une répartition équivalente entre les actions de restauration de la biodiversité soutenues et le volet de solidarité climatique. 11 projets de restauration de la biodiversité répartis sur le territoire français ont ainsi reçu un soutien de la Maif. Ces projets portent sur la biodiversité en ville, les écosystèmes marins et côtiers, la restauration de continuités écologiques, la restauration de zones humides et cours d’eau, ainsi que la transition agricole et forestière.
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Un modèle qui cherche à se propager
Le choix du mot « dividende » par le Crédit Mutuel Alliance fédérale et la Maif, n’est pas anodin. En tant que sociétés construites sous forme de mutuelle, les deux entreprises n’ont normalement pas d’actionnaires à qui des dividendes sont versés, mais réinjectent l’intégralité de leurs résultats dans leurs investissements ou leurs activités.
En employant les formules « dividende sociétal » et « dividende écologique », la Maif et le Crédit Mutuel Alliance fédérale visent à faire référence à la planète comme à un actionnaire commun, duquel dépendent toutes les activités économiques.
Les concepteurs de ces « dividendes » affirment d’ailleurs leurs souhaits de voir ce nouvel outil financier se propager, afin d’accélérer les financements nécessaires à la protection de l’environnement et de répondre aux coupes des financements publics.
Pour l’instant, aucune autre entreprise ne leur a cependant emboîté le pas. Dans une société classique, la mise en place d’un tel « dividende » requiert l’accord des autres actionnaires pour que leurs propres dividendes soient réduits, ce qui peut constituer un frein. Les dividendes sociétal et écologique peuvent néanmoins constituer par ailleurs une garantie de l’engagement de l’entreprise vis-à-vis de ses parties prenantes.
Tout en la saluant l’initiative, certains en ont également soulevé des limites. C’est le cas par exemple de l’ONG Oxfam qui estime que « si cette initiative va clairement dans le bon sens, elle doit s’accompagner d’une politique de l’entreprise en phase avec cet engagement ». L’ONG souligne notamment l’impact des investissements des banques sur les projets fossiles. « S’il est bien de flécher une partie de ses bénéfices vers des projets verts, c’est un jeu à somme nulle si la banque continue de soutenir financièrement des entreprises qui développent des projets néfastes pour la planète, et par extension néfastes pour la société », analyse l’ONG.
D’autres initiatives existent également sur un modèle similaire mais dans une moindre ampleur. Le mouvement « 1 % for the planet » consiste par exemple pour une entreprise, à reverser 1 % de son chiffre d’affaires à des associations de protection de l’environnement, agréées par le collectif du même nom.
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Élisabeth Crépin-Leblond