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Par Carenews INFO - Publié le 14 avril 2023 - 10:00 - Mise à jour le 14 avril 2023 - 10:15
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Lanceur d’alerte, un engagement à haut risque ?

Comment les lanceurs d’alerte servent-ils l'intérêt général ? Peu connus du grand public, ils apparaissent aujourd’hui comme essentiels pour dévoiler des affaires sensibles ou être à la source d'enquêtes d'utilité publique. Cet engagement comporte toutefois des risques aux niveaux personnels et professionnels. Que prévoit la loi ? Comment sont-ils protégés et que risquent-ils vraiment ? Explications. 

La situation des lanceurs d'alerte peut être vécue comme risquée. Crédit : iStock
La situation des lanceurs d'alerte peut être vécue comme risquée. Crédit : iStock

 

 

Tout le monde se souvient de l’affaire du Médiator, devenue un cas d’école de santé publique. Le grand public a eu connaissance du scandale sanitaire grâce au rôle particulièrement important de la pneumologue Irène Frachon. En 2010, cette femme médecin dévoilait les dessous d’une affaire hautement délicate : le Médiator, médicament commercialisé entre 1976 et 2009, était reconnu par la justice comme à l’origine de 1 500 à 2 100 décès, et le laboratoire Servier, qui le produisait, comme ayant connaissance des risques depuis 1995. D’autres affaires ont éclaté au fil des années, dans la finance, l'environnement, les libertés publiques, internet etc.. Le lancement d’alerte sert l'intérêt général. Peu connu du grand public, devenir un lanceur d'alerte apparaît aujourd’hui comme essentiel. Que dit la loi ?  Comment sont-ils, ou non, protégés et que risquent-ils vraiment ? Explications. 

 

Que prévoit la loi Waserman ? 

 

La loi Sapin 2 de décembre 2016, relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique dans son article 6 précise qu' « un lanceur d'alerte est une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit (...) ou une menace ou un préjudice graves pour l'intérêt général, dont elle a eu personnellement connaissance ».

La loi dite Waserman de mars 2022 va plus loin. La protection des lanceurs d'alerte se voit renforcée. Jusque-là, le lanceur d'alerte agissait « de manière désintéressée ». Jugée trop ambiguë, cette notion est remplacée par « une absence de contrepartie financière ». Un autre objectif est d'assouplir la recevabilité de l’alerte dans les cas où le lanceur d’alerte serait notamment en conflit avec son employeur.

Autres évolutions, le lanceur d'alerte devait avoir « personnellement » connaissance des faits qu'il signalait, ce n’est plus le cas dans le contexte professionnel. Dans ce dernier cadre, un lanceur d’alerte pourra signaler des faits qui lui ont été rapportés. 

La loi Waserman renforce également les garanties de confidentialité d’un signalement et complète la liste des représailles interdites (intimidation, atteinte à la réputation notamment sur les réseaux sociaux, orientation abusive vers des soins, inscription sur une liste noire…).

La loi de mars 2022 prévoit également « que le lanceur d'alerte pourra choisir entre le signalement interne et le signalement externe à l'autorité compétente, au Défenseur des droits, à la justice ou à un organe européen. »

Enfin, l'amende civile encourue « en cas de procédure bâillon contre un lanceur d'alerte est portée à 60 000 euros ». Malgré toutes ces évolutions, les associations et syndicats restent sceptiques. 

 

Une loi peu satisfaisante en termes de protection

 

Cette loi satisfait-elle les collectifs et associations réunis au sein de la Maison des lanceurs d'alerte ? Pas vraiment nous explique Glen Millot, son délégué général.

 

Le gros bémol est de parler d’une loi de protection des lanceurs d’alerte, mais qui ne les protègent pas. La loi aide à réparer des dommages ou représailles subis, mais sans de réel bouclier censé les protéger. Au moment où nous avons demandé le statut de salarié protégé, les parlementaires ont refusé. C’est donc un chantier qui reste ouvert encore aujourd'hui de notre point de vue », détaille-il.

En effet, la Maison des lanceurs d’alerte continue à recevoir des signalements de lanceurs qui se sentent menacés même depuis la loi Waserman. La principale raison est l’effet a postériori de la protection qui n’est pas effective au moment où se passe l’alerte. 

 

Un engagement à haut risque

 

Malgré les évolutions de la loi, tout porte à croire que ce statut reste néanmoins fragile. Les lanceurs d'alerte subissent encore des représailles notamment dans leur vie professionnelle. En grande majorité, ils sont salariés dans des entreprises privées et un tiers travaillent dans les administrations publiques. 

 

Glen Millot rappelle que les lanceurs d’alerte contactent l’association « après avoir lancé l’alerte, une fois qu’ils ont subi des représailles » pour savoir ce qu'il faut faire. Dans un premier temps, les lanceurs d'alerte se tournent vers leur organisation pour faire état d’un dysfonctionnement interne qu’ils ont constaté. 

Comment peuvent-ils agir pour éviter d’être personnellement touchés ? « Je conseillerai à toute personne désirant le faire de chercher une organisation pour lancer l’alerte, c’est la meilleure façon d’être protégé. C’est toujours un risque permanent pour un salarié. »

Autre réflexe classique, faut-il médiatiser l’alerte ? Une fois encore, les risques existent. « Cela peut créer des drames familiaux, faire basculer une vie entière. L'alerte peut prendre une place incontrôlable dans leur vie personnelle », souligne-t-il. 

Lorsqu'une procédure juridique est lancée, à la suite de l’alerte, elle peut durer plusieurs années. « Pendant ce temps, le lanceur est très souvent soit en arrêt maladie soit licencié. » Une situation qui pose la question de la protection. En théorie, il n’a pas le droit d’être licencié pour l’alerte, « mais dans les faits, une organisation peut trouver une autre raison de licenciement. La loi impose à l'employeur de prouver que le licenciement n’est pas dû à l’alerte », analyse Glen Millot. 

Le rôle primordial du Défenseur des droits 

Une des dernières évolutions de la la loi organique du 21 mars 2022, complémentaire à la loi Waserman, est de faire bénéficier au lanceur d'alerte de l’appui d'un nouvel adjoint au Défenseur des droits dont les missions lui sont dédiées. Ce dernier peut donc informer et conseiller les lanceurs d’alerte et «  défendre » leurs droits et libertés. Concrètement, les lanceurs d'alerte « pourront directement lui adresser un signalement ». Si celui-ci relève de sa compétence, « il le traitera et fournira un retour d’informations à son auteur ». Dans le cas contraire, le lanceur d'alerte sera orienté vers l'autorité compétente. C’est l’objet du dernier guide publié le 30 mars 2023 par le défenseur des Droits. 

 

Christina Diego 

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