Le plan d’adaptation au changement climatique loin d’être à la hauteur des enjeux, dénoncent les ONG
La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a dévoilé le 10 mars la version finale de ce plan. Il doit contribuer à adapter la France à une hausse des températures de quatre degrés en 2100. Certaines associations de protection de l’environnement portent un regard très critique sur le contenu du document.

« Les solutions existent pour s’adapter et ces solutions doivent être déployées maintenant », affirme la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, lors de la présentation du plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) devant la presse le 10 mars. Une première version de ce document a été dévoilée en octobre 2024 par le Premier ministre d’alors, Michel Barnier. Depuis, il a été soumis à consultation et complété en fonction d’une partie des retours.
Le Pnacc comprend 52 mesures concernant le travail, les assurances, les catastrophes naturelles, le logement, la santé, l’agriculture, le tourisme ou encore l’école. Elles doivent contribuer à l’adaptation de notre quotidien à un réchauffement de 4 degrés en France en 2100, selon le scénario de la trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc). Celle-ci est basée sur les projections du Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat (Giec) en fonction des politiques en place et des engagements pris par les États.
« Le texte montre la bonne direction, il est basé sur la réalité de la science et des engagements des pays. Mais il est essentiellement incitatif », regrette Nicolas Richard, vice-président de France nature environnement (FNE). « Il a davantage vocation à être un grand exercice de pédagogie qu’un vrai plan de prévention des risques », poursuit-il.
« Tout reste à faire »
Un réchauffement de 4 degrés en 2100 se traduit par exemple par la disparition des glaciers alpins, une multiplication par quatre des épisodes de sécheresse par rapport aux années 1960 ou encore un accroissement considérable du risque de feu de forêt, avance le ministère de la Transition écologique. Les conséquences sont aussi financières : l’adaptation coûtera de plus en plus cher et l’évolution du climat aura des impacts considérables sur l’activité économique.
« À quatre degrés, on change de monde. La France telle qu’on la connaît n’existe plus. Le plan n’a pas l’ambition de faire face à cela, mais de faire discuter les acteurs, de les inciter à se saisir du sujet », s’indigne Nicolas Richard. « Tout reste à faire pour les mobiliser, développer l’ingénierie territoriale, mettre en place des études de vulnérabilité, prendre des décisions politiques difficiles et trouver les modes de financement », met-il en avant.
Des financements « symboliques »
En matière de financement justement, « je crois pouvoir dire aujourd’hui que j’ai obtenu des avancées importantes », se satisfait Agnès Pannier-Runacher. « En 2025, l’adaptation au changement climatique bénéficiera de moyens inédits », argue-t-elle encore.
Elle cite une mesure déjà prévue en octobre, l’augmentation de 75 millions d’euros du fonds Barnier destiné à la prévention des risques naturels majeurs. Elle annonce aussi l’attribution de 260 millions d’euros à l’adaptation au changement climatique dans le cadre du Fonds vert, consacré à la transition des territoires. Les Agences de l’eau réserveront 1 milliard d’euros à l’adaptation.
Une mission sera également lancée pour étudier le rôle du système bancaire dans le financement de la prévention des risques.
« Le gouvernement prévoit de financer le Pnacc par des fonds qu’il vient tout juste de supprimer : par le Fonds vert, par exemple, amputé de 1,4 milliard d’euros, soit de 56 % de son budget [dans le cadre du projet de loi de finances pour 2025] », fustige Robin Ehl, chargé de campagne et de plaidoyer pour Oxfam France. « Les financements annoncés restent symboliques. C’est non seulement incohérent, mais aussi inefficace, car l’inaction coûtera bien plus cher que l’adaptation et chaque jour de retard pris dans le financement des mesures urgentes fait mathématiquement augmenter la note finale », résume Robin Ehl.
La Tracc, un outil essentiel
Parmi les changements par rapport à la précédente version du texte : un travail sera engagé avec les élus pour conférer « une valeur juridique » à la Tracc et l’intégrer dans tous les documents d’urbanisme. Celle-ci « doit servir de base à toutes les actions d’adaptation menées en France », a avancé la ministre. « Ma volonté, c’est de bâtir un réflexe Tracc dans les politiques publiques », affirme-elle encore.
L’inscription de la Tracc dans la loi est un point essentiel du plan pour Nicolas Richard, puisqu’elle va permettre aux élus de s’appuyer sur une base scientifique commune pour leurs projets d’aménagements et d’infrastructures. « Le même plan sans la Tracc ne valait rien », soutient le vice-président de France nature environnement.
Son inscription dans la loi est une « demande forte » de l’ONG de protection de l’environnement, qui attend toutefois une traduction de cette promesse dans les actes. Le plan ne repose pour l’instant sur aucun support réglementaire ou législatif, pointe Nicolas Richard.
« Chaque action est désormais assortie d’indicateurs précis », assure par ailleurs Agnès Pannier-Runacher. Ceux-ci seront communiqués au Parlement et au grand public. « Nous avons besoin d’une évaluation. Il faut que ces indicateurs soient suivis, pilotés et rendus publics », commente Nicolas Richard, qui déplorait un manque d’objectifs chiffrés en octobre.
Planifier au niveau local
La ministre a insisté sur sa volonté de « décliner concrètement » les mesures au moyen d’une « territorialisation du plan ». Un volet adaptation sera notamment intégré à la prochaine édition des conférences des parties (Cop) territoriales, destinées à la planification écologique locale. Un référent adaptation sera nommé dans chaque préfecture. Des travaux sont également prévus pour décliner le plan dans des « territoires à enjeux spécifiques » : les littoraux, les forêts et la montagne. L'adaptation au changement climatique de « chaque établissement sanitaire et médico-social » sera planifiée au niveau régional
Des mesures ont également été ajoutées pour prendre en compte les fortes chaleurs dans l’évaluation de la performance énergétique des logements, voire pour les intégrer à MaPrimeRénov’, une aide pour la rénovation thermique. Une « avancée intéressante », pour Nicolas Richard.
Par ailleurs, une mission sera lancée dans le but de créer une réserve civile « sur l’adaptation au changement climatique » afin de « transmettre une culture du risque », selon la ministre.
Renforcer l’atténuation
Oxfam France critique le Pnacc dans sa globalité et regrette l’absence de certaines mesures en particulier, à l’instar de l’attribution de moyens aux territoires d’outre-mer ou de la mise en place d’espaces de rafraichissements dans les écoles.
« Le plan est trop léger sur les risques de mal-adaptation », c’est-à-dire sur les risques de mise en œuvre d’actions contribuant à augmenter la vulnérabilité au changement climatique au lieu de la réduire, ajoute Nicolas Richard.
« Aujourd’hui, la France n’est pas prête », conclut-t-il. « La meilleure adaptation, c’est d’éviter le réchauffement climatique. En ce sens, le plan doit être une aiguillon très fort pour renforcer largement les politiques d’atténuation. C’est ce qui est important. Pour l’instant, tous les signaux sont plutôt mauvais », dénonce le vice-président de France nature environnement.
Célia Szymczak