Mois des fiertés : comment garantir l’inclusion des personnes LGBT+ en entreprise ?
Pour garantir les droits et la qualité de vie au travail des personnes LGBT+, les entreprises doivent mettre en place des dispositifs durables. Formation, outils de signalement, sanctions : les actions à mener sont nombreuses et répondent à des obligations légales.

Trois personnes LGBT+ sur dix ont connu au moins une agression sur leur lieu de travail. Une personne sur quatre a été discriminée par sa direction. Une personne sur deux a déjà entendu des propos LGBTphobes, selon le baromètre réalisé en 2024 par l’Ifop pour l’association L’autre cercle, spécialiste de l’inclusion des personnes LGBT+ au travail. Ces chiffres le montrent : si l’inclusion s’améliore, les agressions et les violences symboliques persistent en milieu professionnel.
Pourtant, les entreprises ont des obligations légales à remplir. Elles doivent assurer la santé et la sécurité de tous leurs collaborateurs et collaboratrices, mais aussi veiller à ne pas les discriminer. L’orientation affective et l’identité de genre font en effet partie des critères de discrimination reconnus par le Défenseur des droits.
Le message de l’entreprise à ses équipes doit être très clair : celui d’une tolérance zéro face aux remarques LGBTphobes. « Il faut beaucoup communiquer sur les obligations des uns et des autres », affirme Christine Naschberger, enseignante-chercheure en ressources humaines spécialiste de l’inclusion. Signer des chartes de lutte contre les discriminations peut être utile. Le message doit être porté par la direction générale. « C’est bien que les équipes se rendent compte que ce n’est pas une lubie de la communication mais que c’est porté par l’ensemble de l’entreprise et lié à ses valeurs », note Julien Hamy, co-porte-parole national de l’association L’autre cercle. « La diversité c’est un sujet de ressources humaines, l’inclusion c’est l’affaire de tous », résume-t-il.
Plus d’alliés au sein des entreprises
Pour créer un climat inclusif, la formation obligatoire et exhaustive des managers et des ressources humaines s’avère indispensable. « Il faut un module en présentiel destiné à leur donner des éléments pour mieux réagir, accompagner les salariés et sortir d’une potentielle situation de malaise », explique Julien Hamy. « On perpétue tous des biais cognitifs dans les décisions de management, de recrutement et de promotion », souligne Christine Naschberger.
« Les LGBTphobies passent souvent sous les radars », constate Julia Torlet, présidente de l’association SOS Homophobie, insistant sur l’ampleur des violences symboliques comme les mises à l’écart ou les remarques déplacées. Souvent, les collègues sont en cause : sensibiliser est donc essentiel. Des journées dédiées à l’inclusion au sens large peuvent être organisées avec une intervention spécifique portant sur l’inclusion LGBT+. Des conférences ou sessions d’informations sur le sujet sont aussi utiles, chiffres à l’appui.
« L'entreprise a une voix qui s'entend. »
Julia Torlet, présidente de SOS Homophobie.
Les employeurs peuvent aller plus loin et proposer à leurs salariés de consacrer une partie de leur temps de travail à un engagement dans des associations de protection des droits des personnes LGBT+. Dans le cadre de ces dispositifs de mécénat de compétences, les professionnels partagent leurs savoirs avec les associations. Les salariés peuvent aussi participer à des collectes de fonds, les employeurs soutenir les associations par du mécénat financier. Julia Torlet parle aussi de « mécénat de visibilité » : à l’occasion du Mois des fiertés, qui a lieu en juin chaque année, par exemple, l’entreprise Pandora met en valeur les actions de SOS Homophobie. « L’entreprise a une voix qui s’entend. Si vous achetez ce produit et que vous l’arborez, cela signifie que vous êtes sensible à la cause. Cela met en lumière la notion d’allié : on n’a pas besoin d’être concerné pour s’engager », explique la présidente de l’association.
Procédures d’alerte
La sensibilisation est aussi une manière aussi de pousser les salariés à témoigner auprès de la direction ou à lancer l’alerte lorsqu’ils entendent des propos problématiques. « Souvent, nous n’avons pas de preuve des injures », regrette Christine Naschberger. « Ne rien dire c’est cautionner. Il faut réagir », ajoute Julien Hamy.
Lorsque des situations de violence ont lieu, l’entreprise doit afficher clairement la procédure à suivre. Il est utile de mettre en place une plateforme en ligne dédiée, une ligne téléphonique ou une adresse email pour permettre à chacun de témoigner. C’est le cas au sein d’Audencia, l’école où enseigne Christine Naschberger. Cette dernière est aussi formée en tant qu’alliée « écoute et prévention » pour apporter son soutien à une personne se sentant en situation de détresse.
Dans les plus petites entreprises ou les filiales locales des grands groupes, des personnes référentes peuvent écouter celles ou ceux qui le demandent et les rediriger vers des solutions adaptées. « Un rapport très direct avec la hiérarchie peut être très délicat à gérer et freiner les témoignages », observe Julia Torlet. Certains grands groupes mettent aussi en place des réseaux de salariés internes chargés du sujet. « J’aime bien l’idée d’un réseau diversité unique pour ne pas travailler en silo précise Julien Hamy. C’est toujours bien de travailler en intersectionnalité ». Une femme lesbienne, par exemple, peut subir des remarques liées à son genre et à son identité affective en même temps.
Une fois la situation signalée par la victime ou un témoin lanceur d’alerte, une enquête est menée par l’entreprise. Celle-ci peut ensuite sanctionner le coupable avec un avertissement, une mise à pied ou un licenciement. Lors d’une mise à pied, elle peut imposer une formation à la personne inculpée, selon Julien Hamy. Il est aussi essentiel qu’elle garantisse son soutien à la victime, avec un appui juridique ou psychologique si nécessaire.
Gare au pinkwashing
Les violences ne sont pas toujours signalées. SOS Homophobie recommande aux entreprises de faire circuler des questionnaires anonymes, portant sur les LGBTphobies ou l’inclusion au sens large avec des questions spécifiques. « Les personnes concernées vivent souvent dans une atmosphère de silence, de honte de se plaindre de ce qu’elles auraient vécu. Les entreprises nous disent que tout va bien, mais quand on creuse, on se rend compte que ce n’est pas le cas », alerte Julia Torlet.
Dans tous les cas, les entreprises doivent assurer un engagement véritable. Gare au pinkwashing. « S’engager, ce n’est pas mettre son logo aux couleurs arc-en-ciel », alerte Julien Hamy. « Des entreprises se servent d’une prétendue défense de la communauté exclusivement pour vendre, dénonce pour sa part Julia Torlet. Il faut allier profit et actions ». « Il y a un peu un effet de mode qui consiste à s’emparer de la cause. Il faut veiller à qu’il y ait une vraie démarche », prévient-elle.
L’autre cercle propose un guide en accès libre de bonnes pratiques sur la transidentité. « Il faut écouter les personnes concernées. Il y a beaucoup de souffrance, la culture d’entreprise en France n’est pas si ouverte », estime Christine Naschberger.
Une nouvelle version du guide paraîtra bientôt en intégrant la non-binarité. Moins de 6 % des Français interrogés par l’Ifop pour L’autre cercle ressentent du malaise face à un coming out gay, lesbien ou bisexuel. En revanche, c’est le cas de 16 % et 31 % des personnes face à un coming out trans ou non binaire. « Cela montre une vraie différence de perception et de sensibilisation sur ces sujets », explique Julien Hamy.
Célia Szymczak