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Par Carenews INFO - Publié le 13 novembre 2024 - 15:45 - Mise à jour le 13 novembre 2024 - 15:45 - Ecrit par : Camille Dorival
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Quels liens entre philanthropie et sociétés à mission ?

Une étude réalisée par le cabinet de conseil Prophil, intitulée « Philanthropie et société à mission, quelle fertilisation croisée ? », s’intéresse aux liens entre ces deux formes d’engagement sociétal de l’entreprise.

Les entreprises qui deviennent sociétés à mission avaient souvent une démarche philanthropique préexistante. Crédit : Flashvector.
Les entreprises qui deviennent sociétés à mission avaient souvent une démarche philanthropique préexistante. Crédit : Flashvector.

 

 

Quels liens et quelles fertilisations croisées entre philanthropie et sociétés à la mission ? C’est la question à laquelle s’intéresse Prophil, cabinet de conseil et de recherche dédiée à la contribution des entreprises au bien commun, dans une étude publiée ce 13 novembre, en partenariat avec l’Observatoire des sociétés à mission, la Communauté des entreprises à mission et Admical, et présentée en exclusivité lors du Forum national des associations et fondations (Fnaf). 

Le mécénat d’entreprise existe depuis longtemps en France, mais s’est surtout structuré à partir des années 1970, sous l’influence des grandes entreprises américaines, chez lesquelles la tradition caritative est profondément ancrée, rappelle l’étude. Par leurs actions de mécénat, les entreprises font le choix de s’engager en soutenant des causes d’intérêt général, soit par du mécénat direct, soit par l’intermédiaire d’une structure dédiée, souvent une fondation d’entreprise ou un fonds de dotation. Au total, selon le dernier baromètre d’Admical, plus de 100 000 entreprises sont mécènes en France.

 

La création en 2019 de la qualité de société à mission

 

Plus récemment, la loi Pacte de 2019 a créé la qualité d’« entreprise à mission ». Pour obtenir cette qualité, l’entreprise doit inscrire dans ses statuts une « raison d’être » ainsi que plusieurs objectifs sociaux et environnementaux qui sont cohérents avec cette raison d’être. Elle soit s’engager à poursuivre ces objectifs dans le cadre de son activité. 

Depuis 2019, plus de 1700 entreprises de toutes tailles ont fait la démarche de devenir des sociétés à mission, et ce chiffre progresse chaque année. Ce statut peut les mener à repenser leur modèle d’affaires, pour favoriser un mode de développement plus compatible avec les objectifs sociaux et environnementaux affichés.

 


À lire aussi : Entreprises à mission : un bilan 5 ans après la loi Pacte 


 

Y a-t-il un lien entre ces deux formes d’engagement sociétal de l’entreprise ?, se questionne Virginie Seghers, présidente de Prophil, en ouverture de l’étude. Autrement dit, une entreprise engagée dans des actions philanthropiques est-elle destinée à devenir société à mission ? Et à l’inverse « toute entreprise qui décide de se transformer en société à mission a-t-elle déjà ou aura-t-elle demain, par nature, un engagement philanthropique ? ».

Aucune enquête nationale ne permet à ce jour de connaître le nombre de sociétés à mission qui mènent également des actions de mécénat, souligne l’étude. Celle-ci ne renseigne pas sur ce chiffre, mais s’appuie sur la réalisation d’un sondage auprès d’entreprises engagées, visant à leur demander comment elles envisagent le lien entre les deux.

 

Les sociétés à mission avaient souvent au préalable une démarche de philanthropie

 

Il en ressort notamment que « les lois relatives au mécénat d’entreprise étant bien antérieures à la loi Pacte, la philanthropie est souvent une démarche préexistante au passage en société à mission ». Pour beaucoup d’entreprises à mission, l’activité philanthropique fait partie intégrante de leur ADN et de leur histoire. « Elle peut découler de la nature même de la société : les mutuelles, comme la MAIF ou le Crédit Mutuel Arkéa, sont des acteurs de l’économie sociale pour qui la philanthropie est consubstantielle à leur modèle. Elle peut aussi venir d’un élan altruiste des fondateurs et dirigeants, qui en impulsent la dynamique », indique l’étude.

Par ailleurs, note l’étude, le passage en société à mission « fait émerger la nécessité d’une meilleure structuration de l’action philanthropique de l’entreprise. Dans notre sondage, toutes les entreprises à mission qui déclarent faire du mécénat ont un véhicule philanthropique ou sont sur le point d’en créer un. Le fonds de dotation est le statut plébiscité. »

 

Cetih, entreprise à mission industrielle détenue par un fonds de dotation

 

Ainsi, Cetih, industriel français spécialisé dans les portes et fenêtres et entreprise à mission depuis 2021, est détenu à 35 % par un fonds de dotation, Superbloom, créé la même année sur volonté du fondateur de l’entreprise, Yann Rolland, qui partait à la retraite. Son budget, d’environ 1 million d’euros par an, soutient des actions en faveur de l’éducation alternative et des actions de soutien aux femmes en situation de précarité. L’entreprise intervient également en mécénat direct, pour 200 000 à 300 000 euros par an, pour soutenir les publics fragiles sur ses territoires d’implantation.

« Devenir entreprise à mission a été une évidence, souligne François Guérin, président de l’entreprise, interrogé par Prophil. [La société à mission] va plus loin que la responsabilité territoriale de l’entreprise (RSE). La RSE, c’est comme un habit qu’on revêt. L’entreprise à mission c’est beaucoup plus fort : c’est le corps que l’on change. On modifie les statuts et donc l’ADN de l’entreprise. »

« Je dirais qu’il y a eu un avant et un après 2021, ajoute-t-il. Yann Rolland avait déjà mis en place des actions de mécénat lorsqu’il était actionnaire majoritaire, mais ce n’était pas encore une démarche philanthropique structurée. Le fait que l’entreprise soit détenue à 35 % par un organisme d’intérêt général a été un tournant. C’est par définition un actionnaire stable et de long terme, qui protège l’entreprise. Nous versons un dividende prioritaire au fonds, ce qui n’est pas neutre alors que l’entreprise a un LBO [montage financier permettant le rachat d'une entreprise via une société holding] en cours. Ces fonds sont ensuite fléchés pour des projets en faveur de l’éducation alternative et des femmes en situation de précarité. L’entreprise n’est pas associée à ces choix : c’est le conseil d’administration du fonds, familial, qui en décide. »

De même la MAIF, société à mission depuis 2020, a créé quatre structures philanthropiques : le Fondation MAIF pour la recherche, fondation reconnue d’utilité publique créée en 1989, l’association reconnue d’intérêt général Prévention MAIF, créée en 1992, le Fonds MAIF pour l’éducation, fonds de dotation créé en en 2009, et le Fonds MAIF pour le vivant, fonds de dotation bénéficiaire du « dividende écologique » mis en place par la mutuelle d’assurances, créé en 2023.

 

Une gestion mutualisée de la mission et du mécénat

 

Enfin, l’étude observe que « les sujets de philanthropie et de mission sont souvent administrés par les mêmes personnes ou équipes. Cette gestion mutualisée est plus visible quand des directions dédiées sont créées, comme les directions "Mission et Impact" au sein du Groupe Rocher et de la MAIF. Ce type de structuration permet de dépersonnaliser l’engagement philanthropique, souvent lié au fondateur, et de l’inscrire pleinement dans la politique d’engagement de l’entreprise. »

Un bémol est cependant souligné par Prophil : « cette réorganisation opérationnelle ne concerne pas encore la gouvernance. En effet, les membres communs aux deux organes de gouvernance (comité de mission et conseil d’administration du véhicule philanthropique) sont rares, mais la communication entre eux reste encore balbutiante. »

 

Camille Dorival 

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