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Par Carenews INFO - Publié le 11 mai 2023 - 12:00 - Mise à jour le 4 mars 2024 - 17:46 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Réemploi : à quels défis font face les acteurs de l’économie circulaire ?

Des acteurs du réemploi et du reconditionnement participaient ce mercredi 10 mai au colloque national « Comment les acteurs de l’économie circulaire préfigurent-ils le futur des villes ? » organisé à Bordeaux par un collectif d’acteurs de l’ESS. Une table-ronde était dédiée aux enjeux du réemploi. Détails.

Les appareils électroniques font partie des objets reconditionnés. Crédits : iStock.
Les appareils électroniques font partie des objets reconditionnés. Crédits : iStock.

 

Quatre représentants d’organisations de la seconde main et du réemploi échangeaient ce mercredi 10 mai au sujet des défis qu’ils rencontrent. Ils se réunissaient à l’occasion d’une table ronde organisée par ïkos, un collectif d’associations et entreprises sociales bordelaises proposant une galerie marchande de produits réutilisés et réparés. 

À l’origine des échanges, un constat : celui d’une « démocratisation grandissante depuis dix ou quinze ans des habitudes de consommation de seconde main et d’occasion », qui s’est « vraiment accélérée ces cinq dernières années », selon les termes de Camille Rognant, responsable de service chez Emmaüs France. 

Cette accélération s’explique notamment par le développement des plateformes de vente de produits de seconde main entre particuliers, comme Vinted ou Le Bon Coin, et de l’apparition d’une offre de réparation et de remploi par les acteurs de « l’économie lucrative classique », à l’instar de Boulanger. Pour les acteurs traditionnels de l’économie sociale et solidaire comme Emmaüs, il s’agit d’un phénomène « très déstabilisant » : la « force communicationnelle » et les « moyens logistiques » de ces nouveaux acteurs s’avèrent très supérieurs. 

Comment le secteur de l’économie sociale et solidaire peut-il s’adapter à cette nouvelle donne sans transformer son identité ? Comment continuer à maximiser l'impact du réemploi et de la réutilisation dans ce contexte de « course à l’offre » décrit par Camille Rognant ? 

 

Ne pas céder à la surconsommation

 

Première précaution : ne pas céder aux sirènes de la surconsommation. Acheter des produits de seconde main ne doit pas conduire à acheter plus, observe Adèle Rinck, responsable réemploi et réutilisation de l’éco-organisme Refashion. 

Camille Rognant alerte sur les travers du modèle adopté par le « secteur lucratif » : en proposant un bon d’achat en échange du retour de produits usagés, celui-ci incite à consommer du neuf à nouveau. Au contraire, il faut promouvoir une économie de la fonctionnalité qui consiste à acheter en fonction de ses besoins, indiquent Adèle Rinck et Jean-Paul Raillard, le président de la Fédération Envie.

L'apparition de nouveaux acteurs dans le secteur de la seconde main cause aussi « des détournements de l’économie du don » regrette Jean-Paul Raillard. Les citoyen·ne·s donnent en même temps qu’ils revendent, temporise Adèle Rinck, mais il est important de les sensibiliser à la question. 

Camille Rognant pointe les conséquences sur la pérennité d’Emmaüs : le mouvement accepte tous les dons y compris ceux de produits de mauvaise qualité. Mais son modèle économique repose sur la vente d’une part de produits de bonne qualité. Celle-ci ne doit pas être accaparée par les acteurs du secteur lucratif.  

Sensibiliser les vendeurs et les consommateurs

 

Pour inciter les consommateur·rice·s à ne pas acheter trop et à prolonger la durée de vie de leurs biens, la sensibilisation joue un rôle important. Il faut écrire « de nouveaux récits pour emmener les gens » vers la consommation de seconde main, juge Adèle Rinck, en leur montrant que la qualité des vêtements de seconde main est au rendez-vous. 

Il faut aussi leur expliquer les impacts de leur consommation, estime le président d’ïkos Fabrice Kaïd. En prenant conscience des enjeux, ils et elles adoptent beaucoup plus facilement des modes de consommation plus vertueux. Aux yeux de la Fédération Envie, « L’acte d’achat d’un produit électroménager doit se conclure par une sensibilisation sur l’entretien et la réparation. » La sensibilisation des acheteur·seus·s doit enfin porter sur les différences entres les produits : l’achat d’un smartphone reconditionné n’aura pas le même impact si le téléphone provient de l’autre bout du monde ou donné localement, ou si des travailleur·se·s en insertion le réhabilitent. 

Il faut également sensibiliser, sinon contraindre, les vendeurs de produits neufs. Là encore, Jean-Paul Raillard approuve : une « véritable économie circulaire », c’est, selon lui, une économie dans laquelle la durée de vie des produits est allongée par l’éco-conception. Les vendeurs de produits neufs doivent proposer moins de produits, mais accroître leur qualité, considère aussi Camille Rognant. Selon elle, cela dépendra des contraintes décidées par la puissance publique.

 

Conserver son identité

 

La sensibilisation est facilitée par la présence des acteurs de l’ESS sur les territoires. Ils peuvent ainsi entrer en contact direct avec les consommateur·rice·s, comme le soulignent Jean-Paul Raillard ou Fabrice Kaïd. Ce dernier rappelle aussi que ces acteurs soutiennent l’économie des territoires et évitent l’impact écologique des transports. D’ailleurs, Refashion va s’atteler dès octobre à communiquer sur l’offre locale de réparation auprès des citoyen·ne·s.

Face à l’apparition de nouveaux acteurs et d’un marché, « les consommateurs deviennent plus exigeants » explique Camille Rognant. Emmaüs doit-il se professionnaliser pour répondre à leurs attentes ? Le mouvement risquerait de perdre son « idéal d’accueil inconditionnel » de personnes précaires, juge-t-elle. Ïkos effectue en revanche le choix de la professionnalisation.

Adèle Rinck reconnaît que l’arrivée d’autres acteurs sur le marché du réemploi peut avoir un aspect « effrayant » pour les acteurs de l’ESS. Elle salue toutefois une « excellente nouvelle » : « ils ont enfin compris que le réemploi (…) est la priorité », ajoute-t-elle.  

L’identité des acteurs de l’ESS reste à part, juge quant à lui Jean-Paul Raillard, en rappelant que «  Les acteurs du marché ont des moyens de financement plus importants, mais le réemploi solidaire a la force du symbolique. Il ne faut jamais l’oublier. »

 

Célia Szymczak 

 

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