Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 20 février 2024 - 12:21 - Mise à jour le 20 février 2024 - 14:27 - Ecrit par : Célia Szymczak
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Territoires zéro faim : un pas dans la lutte contre la précarité alimentaire ?

Une proposition de loi déposée par le député socialiste Guillaume Garot sera discutée prochainement à l’Assemblée nationale. Elle propose d’expérimenter des « Territoires zéro faim » pour faire face à la précarité alimentaire.

La proposition vise à améliorer l'accès à une alimentation suffisante et saine. Crédits : iStock.
La proposition vise à améliorer l'accès à une alimentation suffisante et saine. Crédits : iStock.

 

Après les Territoires zéro chômeur de longue durée et les Territoires zéro non recours, voici les Territoires zéro faim. Cette initiative est défendue par le député socialiste Guillaume Garot dans une proposition de loi déposée le 14 février à l’Assemblée nationale. Son projet : coordonner plusieurs dispositifs de lutte contre la précarité alimentaire pendant trois ans et sur dix territoires volontaires. 

Les besoins sont importants. 16 % des Français déclarent ne pas avoir assez à manger en 2022, selon une étude du Crédoc. Et ils sont de plus en plus nombreux, notamment sous l’effet de l’inflation. « Les réponses ne sont pas encore à la hauteur. L’engagement reste le même alors que la situation s’aggrave », déplore Marie Drique, responsable accès digne à l’alimentation pour le Secours catholique. 

 

Un « jalon » pour construire une sécurité sociale de l’alimentation 

Pour faire face à cette situation, Guillaume Garot propose d’abord d’instaurer une TVA à 0 % sur les achats de denrées par les associations d’aide alimentaire agréées. Une mesure d’urgence, destinée à répondre à leur situation critique. En septembre dernier, les Restos du cœur faisaient appel à la générosité du public, indiquant qu’ils auraient à refuser des personnes dans le besoin faute de ressources suffisantes. 

Cette proposition est donc indispensable, mais elle ne suffit pas. « Il y a un problème actuellement sur les réponses d’urgence et l’approvisionnement de l’aide alimentaire, mais il serait dommage d’en rester là », indique Marie Drique. Ce qui intéresse le plus l’association dans la proposition de loi du député, c’est l’articulation de cette solution palliative avec un début de réflexion sur les réponses structurelles à la précarité alimentaire

« La présente proposition de loi pose, dès lors, un premier jalon pour construire une sécurité sociale de l’alimentation, c’est‑à‑dire la réponse nationale et ambitieuse qu’une société se doit de donner au risque majeur qu’est la précarité alimentaire », peut-on lire dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Elle ambitionne de créer « un comité qui a pour mission la préfiguration d’une commission de suivi de la sécurité sociale alimentaire ». Mais pour construire cette politique nationale, Guillaume Garot mise d’abord sur l’expérimentation par les territoires.

 

Un chèque alimentaire fléché vers les personnes en situation de précarité

L’idée est de réunir les personnes et structures qui agissent contre la précarité alimentaire dans ces territoires volontaires, et d’y mettre en place six dispositifs. Le plus emblématique : la mise en place d’un titre de paiement «  alimentation durable » destiné aux personnes en situation de précarité alimentaire.

Cette mesure s’inspire d’une proposition effectuée par la Convention citoyenne pour le climat en 2020, puis promise par le Président Emmanuel Macron, avant d’être abandonnée par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire en janvier dernier. « Sur ce chèque, on nous a dit, c’est trop cher, c’est trop compliqué. Ce que je veux prouver par l’expérimentation, c’est que c’est solide et que ça tient debout », déclare à Carenews Guillaume Garot. 

 

« Sur ce chèque, on nous a dit, c’est trop cher, c’est trop compliqué. Ce que je veux prouver par l’expérimentation, c’est que c’est solide et que ça tient debout. »

Guillaume Garot, député socialiste porteur de la proposition de loi 

 

Ce sera aux personnes mettant en œuvre l’expérimentation de déterminer son montant, les produits accessibles et les conditions d’accès, en associant les bénéficiaires, précise Guillaume Garot. Les territoires auront la possibilité d’ajouter une bonification destinée à acheter des fruits et légumes frais ou des produits issus de la production locale et des circuits courts. Ce principe s’inspire d’une expérimentation en cours en Seine-Saint-Denis, où les bénéficiaires disposent d’un chèque de 50 euros bonifié de 25 euros pour acheter des produits « sains et durables ». La Convention citoyenne proposait de flécher les chèques vers des produits vendus par les associations pour le maintien de l’agriculture paysanne (Amap) et des produits biologiques. « Il y a une partie destinée à diversifier l’alimentation des personnes », explique Guillaume Garot, « ensuite, c’est aux territoires de décider de cibler s'ils le souhaitent ». 

La mesure qu’il propose ne concerne que les personnes en situation de précarité, comme le suggérait la Convention citoyenne pour le climat. Les partisans de la sécurité sociale de l’alimentation défendent pour leur part une mesure universelle, financée par des cotisations. Le système est très différent. Le coût d’une mesure adressée à tous serait trop important, répond Guillaume Garot. Le collectif Sécurité sociale de l’alimentation évalue celui de sa proposition à 120 milliards d’euros par an. 

 

« Éducation » à l’alimentation

Deux dispositifs de la proposition de loi concernent la restauration scolaire  : une tarification progressive et solidaire dans les cantines des écoles, collèges et lycées, et une tarification des repas dans les restaurants universitaires limitée à un euro. Une mesure utile, selon Nicole Darmon, directrice de recherche à l’Institut national de recherche pour l'agriculture, l'alimentation et l'environnement (Inrae) et spécialiste des inégalités sociales de nutrition. « Les repas à trois ou quatre euros, on voit bien que c’est inaccessible pour une très grande partie des étudiants », indique-t-elle. Or, elle explique que le budget alimentaire pour une alimentation convenable d’un point de vue nutritionnel est de trois à quatre euros, voire plus avec l’inflation. « Si les étudiants ne dépensent ça que pour un seul repas par jour, ce n’est pas convenable », avance-t-elle. Pour autant « la qualité de l’alimentation proposée dans la restauration scolaire et étudiante n’est pas assez identifiée dans cette proposition », regrette Marie Drique.  

 

« Je n'aime pas trop le terme d'éducationOn a besoin de leur redonner confiance en eux, de l’estime de soi, de leur redonner des capacités d’agir. »

Nicole Darmon, directrice de recherche à l'Inrae. 

 

D’autres mesures seraient mises en place dans les « Territoires zéro faim », comme des actions d’éducation à la cuisine, l’alimentation, au gaspillage, à l’agriculture et à la santé, destinés à tous les publics. « Je n’aime pas trop le terme d’éducation : on n’a pas besoin d’éduquer les gens. On a besoin de leur redonner confiance en eux, de l’estime de soi, de leur redonner des capacités d’agir », considère Nicole Darmon. « Ceux qui ne font pas la cuisine n’en ont pas les moyens pratiques : ils n’ont pas l’équipement ou leur état de santé est dégradé, par exemple », explique-t-elle. « Je suis d’accord pour être dans l’injonction, mais il n’y a rien d’inné dans l’alimentation. C’est un savoir qui se transmet et tout le monde n’a pas la chance d’avoir des parents cuisiniers », justifie le député.

Le Secours catholique, en revanche, voit cette mesure d’un œil favorable. Guillaume Garot imagine que ces actions auront lieu en partie dans les établissements scolaires, ce que Marie Drique considère comme « essentiel ». Mais elle ajoute que « beaucoup d’associations font un travail formidable, des formes d’éducation alimentaire sans être trop prescriptives, et elles doivent être soutenues ». La proposition de loi sera débattue en séance le 29 février prochain. 

 

Célia Szymczak 

 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer