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Par Carenews INFO - Publié le 20 décembre 2023 - 14:42 - Mise à jour le 21 décembre 2023 - 14:25 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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À Montpellier, les transports en commun gratuits : une bonne idée ?

À partir du 21 décembre, les transports de l’agglomération de Montpellier seront gratuits pour les résidents. Une telle mesure vise à permettre aux plus précaires de se déplacer et à réduire l’utilisation de la voiture. Mais est-ce efficace ?

Montpellier rend les transports en commun gratuits pour les résidents. Crédit : Chalabala.
Montpellier rend les transports en commun gratuits pour les résidents. Crédit : Chalabala.

 

C’est une petite révolution : à partir du 21 décembre, les habitants de l'agglomération de Montpellier peuvent emprunter les transports en commun gratuitement.

Elle devient la plus grande agglomération d’Europe à appliquer la gratuité. Cette mesure concerne tous les transports de la ville, bus et tramways, et bénéficie à tous les habitants de Montpellier et des 30 autres communes de l’agglomération, quels que soient leurs revenus. En revanche, les personnes extérieures à l’agglomération vont continuer de payer leurs trajets. Il s’agissait d’une promesse de campagne du maire socialiste de Montpellier et président de l’agglomération, Michaël Delafosse.

 


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À Dunkerque, un bond de 125 %

L’objectif de la mesure est d’encourager les habitants à délaisser la voiture au profit des transports publics moins polluants. En 2018, la communauté urbaine de Dunkerque, 200 000 habitants, met en place la gratuité de son réseau de transports DK’Bus. En cinq ans, la fréquentation du réseau a bondi de 125 %. Depuis, 10 % des habitants du centre-ville auraient renoncé à l’utilisation de la voiture. À Nogent-le-Rotrou (Eure-et-Loir), depuis l’instauration de la gratuité en janvier 2023, la fréquentation a augmenté de 56 %.

Outre l’impact écologique, une telle politique publique permet de rendre la mobilité accessible aux plus précaires et ainsi de limiter les freins qui peuvent exister notamment dans l’accès à l’emploi. Enfin, la gratuité peut avoir pour objectif de rendre attractifs les centres-villes en les revitalisant.

 

Comment compenser le manque à gagner ?

Selon une estimation du Groupement des autorités responsables de transport de 2017, les usagers, par l’achat de titres de transport, financent à hauteur de 17 % les transports en commun. 47 % du financement provient des entreprises et administrations avec le versement transport, 35 % des collectivités locales et 1 % de l’État. 

En moyenne, la gratuité représente une perte de près d’un cinquième des ressources. À Montpellier, on estime la part du financement par les titres de transport à 22 %. 

Mais alors, où la métropole de Montpellier va-t-elle trouver le manque à gagner ? Car avec cette politique, elle se prive de 42 millions d’euros de recettes commerciales selon la chambre régionale des comptes du département. De son côté, le maire de Montpellier et président de la métropole Michaël Delafosse, estime le manque à gagner à 30 millions d’euros. Un effort qu’il considère minime en comparaison avec le budget de fonctionnement de 900 millions d’euros annuels.

L’une des principales craintes suscitées par la gratuité est l’augmentation des impôts locaux pour les particuliers. À Montpellier, on affirme que cela ne sera pas le cas. L’agglomération mise plutôt sur l’augmentation du taux du « versement mobilité » obligatoire pour les entreprises de plus de 11 salariés. Il s’agit d’une taxe payée par les entreprises pour financer les transports.

Une hausse qui inquiète le président du Medef Montpellier, Jean-Marc Oluski, qui était invité de France Bleu Hérault le 8 novembre : « N’alourdissons pas cet impôt au détriment de la performance des entreprises », a-t-il demandé. 

La métropole mise également sur des économies par la suppression des valideurs à quai et à bord. 

 

Un risque de dégradation du service ?

Parmi les critiques émises contre la gratuité, il y a également la possible saturation du réseau notamment aux heures de pointe. Une telle situation peut créer un besoin de développer l’offre de services et de densifier le réseau. Or, la ville doit faire avec une baisse des recettes directes et n’a pas forcément les moyens d’augmenter son offre en achetant des bus et payant de nouveaux conducteurs. 

Si elle souhaite réaliser d’importants investissements, elle dispose de moins de marges de manœuvre concernant le taux du versement mobilité des entreprises puisque celui-ci a déjà été augmenté pour financer la gratuité. Le risque peut donc être une dégradation des services proposés ou du moins une stagnation. Or, l’une des principales inégalités sociales est liée à la couverture du territoire par le réseau.

 

Une mesure qui réduit le nombre d’automobilistes ?

Enfin, un rapport du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp) de Sciences Po montre qu’une telle mesure entraîne surtout un report modal du vélo ou de la marche vers les transports en commun. Le report modal de l’automobile existe, mais est très faible. Ainsi, la pertinence écologique de cette politique est à relativiser.

Ce même rapport explique que le prix des transports en commun est loin d’être le seul paramètre qui entre en jeu lors du choix de prendre les transports en commun ou non. Le confort et le faible temps d’attente participent à augmenter la fréquentation au détriment de la voiture.

 


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Faut-il préférer une tarification sociale ?

Ainsi, faire évoluer les habitudes de transport des citoyens peut passer par d’autres politiques publiques que la gratuité : le renforcement de l’offre et l’amélioration de la qualité. 

En revanche, elle est une bonne solution pour permettre aux plus précaires d’utiliser les transports. Mais pourquoi ne pas préférer la tarification sociale avec une gratuité proposée uniquement aux usagers les plus précaires et aux plus jeunes ? Cette tarification peut entraîner une forme de stigmatisation qui, associée à un manque de lisibilité, amène à un fort non-recours.

 

Théo Nepipvoda 

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