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Par Carenews INFO - Publié le 24 avril 2025 - 17:08 - Mise à jour le 24 avril 2025 - 17:27 - Ecrit par : Célia Szymczak
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Windcoop : un premier voilier porte-conteneurs vers la transition du transport maritime

Windcoop vient d’annoncer le début de la construction de son voilier porte-conteneurs. Une innovation pour cette coopérative, qui a difficilement levé des fonds auprès de citoyens et d’investisseurs institutionnels afin de réunir les 28,5 millions d’euros nécessaires. L’objectif est de porter un projet écologique, mais aussi social.

Le porte-conteneurs imaginé par Windcoop devrait ressembler à cette image. Crédits : Windcoop.
Le porte-conteneurs imaginé par Windcoop devrait ressembler à cette image. Crédits : Windcoop.

 

En mai 2027, le premier voilier porte-conteneurs de Windcoop devrait prendre la mer depuis Marseille. Direction Madagascar, avec l’ambition de réduire les émissions de gaz à effet de serre du transport maritime. Le début de sa construction vient d’être annoncé. 

Le projet est né fin 2020, de la rencontre entre trois entrepreneurs. Nils Joyeux a créé Zéphyr & Borée, une compagnie maritime visant à décarboner les navires, Matthieu Brunet dirige Arcadie, une société proposant des épices qu’il est désireux d’importer par voilier. Julien Noé, lui, a fondé le fournisseur d’énergie Enercoop. Une coopérative : il est très attaché à ce modèle de société. À trois, ils choisissent donc ce modèle pour porter le projet. Dans ce type de société, la prise de décision est démocratique — toute personne possédant une part de la société détient une voix — et la lucrativité est limitée.

 

Des investisseurs frileux

 

Il faut alors tout imaginer : « un voilier qui porte des conteneurs, à la base, c’était plutôt antinomique ! Décharger les conteneurs au milieu de tous les cordages, c’est un peu compliqué. Il faut aussi gérer les questions de dérive, puisqu’un voilier a tendance à beaucoup se pencher. On ne peut pas accepter beaucoup de gîte en portant les conteneurs », illustre Matthieu Brunet. 

L’autre défi est de trouver les financements nécessaires à la construction du premier bateau, dont le coût est estimé à 28,5 millions d’euros. La technologie est nouvelle, sur un nouveau trajet et portée par une nouvelle société. Tout cela représente un risque important pour les investisseurs. La coopérative les rend aussi frileux, puisqu’elle limite leur pouvoir décisionnel et les bénéfices qu’ils pourront tirer de leur investissement. « Neuf investisseurs sur dix nous ont dit non, y compris des banques coopératives », se souvient Matthieu Brunet.

 


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Réunir clients, fondateurs et consommateurs autour du projet

 

Mais le statut est primordial pour les cofondateurs. « Nous voulions être cohérents dans notre modèle. Une des clés dans la transition, c’est de ne pas mettre ses efforts sur un seul axe, mais d’essayer de s’améliorer partout. Nous ne voulions pas laisser le projet aux mains de financiers qui en auraient fait ce qu’ils voulaient », assure Matthieu Brunet. « Nous voulions aussi remettre un peu de démocratie dans le transport de marchandise, un type d’activité en général très opaque », ajoute-t-il. Troisième argument : montrer qu’une coopérative peut réussir des projets d’ampleur, nécessitant beaucoup de fonds. 

Les cofondateurs ont spécifiquement choisi de créer une société coopérative d’intérêt collectif (Scic). Les détenteurs de parts, les sociétaires, ont chacun une voix au sein de différents collèges dans lesquels ils sont répartis selon leur statut (consommateurs, fondateurs, salariés, clients par exemple). Chacun des collèges dispose ensuite d’une part des droits de vote différente. « Cela a du sens : on peut mieux faire quelque chose au service du bien commun en impliquant toutes les parties prenantes dans le sociétariat », continue Matthieu Brunet. Le système des collèges permet aussi selon lui « d’équilibrer les voix », entre des consommateurs nombreux et des clients ou des fondateurs en plus petit nombre, par rapport à une situation dans laquelle les voix de chacun pèsent le même poids. 

 


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Une levée de fonds auprès des citoyens

 

Arcadie, la société dirigée par Matthieu Brunet, investit deux millions d’euros dans la coopérative aux côtés d’autres entreprises intéressées par le transport à la voile. Des futurs clients, comme le producteur de chocolat Valrhona ou les Cafés Richard, participent à hauteur de 700 000 euros au total. 

Près de 1 600 citoyens deviennent sociétaires de la coopérative, en acquérant une ou plusieurs parts, à 100 euros chacune. Avec quelques personnes morales, ils ont réuni en tout 2,3 millions d’euros en financement participatif. Là aussi, la rémunération limitée de l’investissement, 4 %, a probablement freiné l’engouement. « Mais pour ce bateau-là, ces montants suffisaient et nous sommes contents d’avoir prouvé qu’on pouvait lever des montants significatifs sans promettre des rentabilités mirobolantes », soutient toutefois Matthieu Brunet. 

Windcoop lève enfin 1,8 million d’euros auprès de banques et d’investisseurs. Banque populaire Grand Ouest prête les 23 millions d’euros restants à Windcoop. La somme est réunie, le projet peut prendre forme. Début avril, le lancement de la construction est annoncé, sur le chantier turc RMK Marine.

 

Un trajet plus rapide que les livraisons habituelles

 

Peu d’innovations seront mises en œuvre en matière d’éco-construction, le bateau étant construit à partir de beaucoup d’acier, un matériau à l’impact écologique très important. « Nous n’avons pas beaucoup de marge de manœuvre sur ce sujet-là. Il y a très peu d’acier bas-carbone et il coûte trop cher pour le moment », admet Matthieu Brunet. « Mais nous allons être vigilants sur la manière dont se déroule le chantier, sur l’utilisation de peinture par exemple », assure-t-il.

Le voilier reste équipé d’un moteur, pour pallier l’éventuelle absence de vent. À partir de simulations, Windcoop estime qu’il sera utilisé 40 % du temps en moyenne sur l’année, sur ce trajet spécifique entre la France et Madagascar. Les estimations sont en cours, mais le projet devrait permettre de diviser par trois les émissions de gaz à effet de serre sur le cycle de vie du bateau

Quasiment deux fois plus lent que les autres porte-conteneurs, le voilier livrera pourtant ses clients plus rapidement, puisqu’il ne fera pas d’étape : un trajet qui n’existe plus aujourd’hui. En une trentaine de jours – contre au moins six semaines, selon Matthieu Brunet -, il apportera en France des fruits et des légumes en bocaux et parfois surgelés, des crevettes, des objets textiles, ou encore des épices, bien sûr. 

 

Des engagements écologiques et sociaux 

 

Au-delà des engagements écologiques, Windcoop revendique ses convictions sur le plan social. La moitié de l’équipage sera malgache et l’autre française : les marins passeront autant de temps en mer que sur terre, respectant les standards français. Ils seront rémunérés « décemment », indique Matthieu Brunet. L’objectif sera aussi d’atteindre une parité femme-homme, avec « une attention très particulière aux conditions de vie à bord ».

Tout cela a un coût : le transport sera deux à trois fois plus cher. En effet, malgré l’économie liée à la moindre utilisation de carburant, le bateau fera 90 mètres de long, soit une taille nettement plus réduite que les porte-conteneurs classiques. De fait, les économies liées aux volumes transportés seront limitées. Il faut aussi intégrer dans les tarifs les coûts de développement engagés ces dernières années.

À moyen terme, Windcoop envisage notamment de rajouter un bateau sur la ligne France-Madagascar, puis d'ouvrir d’autres lignes. Beaucoup de projets, donc, avec une ambition résumée par Matthieu Brunet : « faire basculer un jour le secteur ». « Ce bateau doit ouvrir des voies, démontrer que c’est possible », souligne-t-il. 

 

Célia Szymczak 

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