Finance verte, fonds de pérennité, société à mission : focus sur les effets de la loi PACTE après 3 ans
Le comité de suivi de France Stratégie vient de publier, fin septembre, le troisième volet des effets de la Loi PACTE. Quels enseignements pour le secteur de l’engagement ? Détails.
La loi relative à la croissance et à la transformation des entreprises du 22 mai 2019, dite la Loi PACTE, prévoit la mise en place d’un comité d'évaluation rattaché au Premier ministre. Ce comité est composé de quatre membres du Parlement issus de la majorité et de l'opposition, un représentant de chacun des huit partenaires sociaux représentatifs, neuf administrations et organismes publics ainsi que trois experts issus du milieu académique. Le pilotage du comité a été confié à France Stratégie. Le troisième volet vient d'être publié, trois ans après sa promulgation.
Fonds de pérennité, finance verte, société à mission… Focus sur trois mesures fortes en lien avec le secteur de l’engagement.
Fonds de pérennité
La loi PACTE a créé le fonds de pérennité qui permet, via un véhicule juridique hybride, de recueillir les titres de capital (en actions ou parts sociales) d’une ou plusieurs entreprises, transmises de manière irrévocable (et gratuite) par leurs fondateurs « dans le but de contribuer à la pérennité économique de ces sociétés, et, le cas échéant, de réaliser ou de financer des œuvres ou des missions d’intérêt général. »
Le rapport explique que cinq fonds de pérennité ont été créés, quatre en 2021 et un en février 2022. Pour les membres du comité, « le dispositif n’a pas trouvé sa place à cause d’éléments identifiés précédemment (...), notamment une fiscalité jugée rédhibitoire. » En complément, le rapport Rocher indique que « le régime est davantage conçu pour des personnes physiques au détriment des fondateurs qui détiendraient leurs participations via des holdings patrimoniales. »
Pour Stéphane Couchoux, responsable national secteur « Fondations, Mécénat & Entreprises à impact » du cabinet Fidal, « Seuls cinq fonds de pérennité ont été créés, c’est relativement peu. C’est une alternative à la fondation actionnaire, ce n'est donc pas une fondation à proprement parler, même si elle s’inspire du fonds de dotation. Il s’agit d’une donation d’une partie du capital à un fonds de pérennité. D’un point de vue fiscal, ce n’est pas sans conséquence. C’est un outil qui a un coût résiduel, notamment des droits de donation qui peuvent être importants. Ce qui peut expliquer son nombre peu élevé. »
Finance verte et solidaire
La loi PACTE impose, depuis le 1er janvier 2020, que dans chaque produit d’assurance-vie, il y est au moins une unité de compte logée dans un investissement socialement responsable, solidaire ou vert. Depuis le 1er janvier 2022, chaque produit présente trois unités de compte (UC) sur ce même modèle. Selon le rapport, les encours en unités de compte sur les assurances-vie durables (labellisées ISR), vertes (labellisées Greenfin) et solidaires (labellisées Finansol) s’élèvent à 127,6 milliards d’euros au 31 décembre 2021, soit une hausse de plus de 37 % sur un an. Cette augmentation s’inscrit dans le contexte de la mise en place, au niveau européen, d’une stratégie de financement de la transition vers une économie durable. « La France se situe à la première place européenne en nombre de fonds labellisés et en montant des encours labellisés », pointe le rapport.
Société à mission
La loi PACTE apporte trois principales modifications immédiates. Elle permet « la prise en considération par les sociétés des enjeux sociaux et environnementaux inhérents à leur activité ». De plus, elle reconnaît la possibilité pour les sociétés d’inscrire une raison d’être dans leurs statuts. Elle crée la qualité de société à mission, « sur la base d’un engagement volontaire, cette qualité est reconnue à une société qui inscrit une raison d’être dans ses statuts et charge un organe de suivi de vérifier l’atteinte de ses objectifs et l’adéquation des moyens engagés, un organisme tiers indépendant (OTI) ayant pour mission de vérifier les informations correspondantes », rappelle le rapport.
Selon l’Observatoire des sociétés à mission, 731 sociétés à mission ont été créées au 1er septembre 2022 (505 fin 2021). Malgré cette croissance, le rapport précise que « les entreprises ayant adopté la qualité de société à mission restent très marginales en France. Elles sont majoritairement jeunes : 73 % ont été créées après 2010. » Ce sont les entreprises de moins de 50 salariés qui représentent la part la plus importante de ces sociétés à mission (79 %). À ce sujet, le comité de suivi rappelle que le rapport de Bris Rocher a mis en évidence « que les bénéfices de ces nouvelles dispositions sont difficilement perceptibles tandis que les risques à la fois juridiques et de réputation sont bien identifiés. »
Stéphane Couchoux confirme que « c’est un mouvement qui évolue lentement, mais qui devrait s’accentuer au vu du contexte climatique et énergétique auquel sont confrontées les entreprises. »
Pour lui, « La qualité de société à mission est un outil qui incite les entreprises à bouger. » Avec la crise énergétique, les entreprises commencent à être confrontées réellement aux changements climatiques. Elles doivent réfléchir à de nouveaux sujets (empreinte carbone, déchets, etc.). Cela veut dire définir de nouveaux objectifs. « Les sociétés à missions devraient se développer de façon exponentielle. Les entreprises qui veulent démontrer qu’elles prennent en considération ces sujets vont prendre cette qualité à mission », précise-t-il.
Finalement, la mise en place de ce comité de suivi et d’évaluation est une bonne chose. Pour Stéphane Couchoux : « La loi PACTE est une loi de référence aujourd’hui quand on s'occupe du droit des entreprises et des questions de transition. C’est une loi avec de vraies mesures, qui est suivie, ce qui est très bien. Il faudrait passer à une loi Pacte 2.0 pour aller plus loin dans la contrainte des sociétés à mission », conclut-il.
La rédaction