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Par Carenews PRO - Publié le 23 février 2023 - 10:00 - Mise à jour le 27 février 2023 - 17:04
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Lucile Deschamps (Fondation Culture & Diversité) : « Tout l’enjeu de nos programmes, c’est d’infléchir des trajectoires, de révéler des potentiels »

Rencontre avec Lucile Deschamps, nouvelle déléguée générale en charge des programmes Égalités des Chances de la Fondation Culture & Diversité depuis septembre dernier. L’occasion de revenir sur l'impact des programmes pour les jeunes issus de milieux modestes qui préparent les concours aux grandes Écoles de la Culture (écoles d'Art et de Design, écoles d'Architecture, École du Louvre, Institut National de l'Audiovisuel, Écoles de Journalistes la Fémis).

Entretien avec Lucille Deschamps, déléguée générale de la Fondation Culture & Diversité. Crédit : ©DR
Entretien avec Lucille Deschamps, déléguée générale de la Fondation Culture & Diversité. Crédit : ©DR
  • Pourquoi la fondation a-t-elle choisi de s’engager pour l’égalité des chances, sujet quelque peu éloigné des activités de l'entreprise Fimalac ? 

 

À la genèse de la création des programmes Égalités des Chances, Marc Lacharrière faisait partie du conseil d'administration de Sciences Po au moment où sont arrivées les conventions CEP en faveur des jeunes des quartiers populaires. Il trouvait l'idée noble et il a voulu la transposer aux grandes écoles publiques de la culture qui pouvaient effrayer les jeunes issus de milieux modestes.   

En tant que mécène du musée du Louvre et du musée quai Branly, Marc Lacharrière a souhaité rendre accessible le monde de l’art et de la culture. Il est toujours le président d’honneur. Sa fille, Éléonore Lacharrière, anciennement déléguée générale, reste très présente dans le quotidien de la fondation et au comité de pilotage, depuis qu’elle a pris des fonctions dans l’entreprise en octobre 2022. J’ai été nommée déléguée générale pour les programmes Égalités des Chances à ce moment-là. Nous sommes deux déléguées générales rattachées aux programmes de Cohésion Sociale et Égalités des Chances. 

 

  • Depuis son lancement en 2006, y a-t-il eu des changements notoires au sein de la fondation ?  

Au départ, les programmes de Cohésion Sociale étaient sur le modèle de la fondation qui est opératrice de ses programmes. Nous soutenions un certain nombre d’institutions pour qu’elles mènent des actions, par exemple le Rond Point, l’orchestre Colonne, le Centre chorégraphique de Grenoble, etc. En 2016, nous avons changé de modèle. Nous avons monté des trophées, comme le Trophée d'Impro Culture & Diversité ou de Slam à l’école, sur les arts de l'oralité.  

Pour le volet Égalités des Chances, nous nous sommes développés. Nous avions un programme avec l’école du Louvre, puis nous avons eu La Fémis en 2006 et 2008. Aujourd’hui nous avons douze programmes avec des écoles d’art et de design, d’architecture, de journalisme, etc. Nous avons aussi structuré notre méthodologie. Nous avons des conventions-cadres avec les ministères de la Culture et de l’Éducation nationale. 

 

  • La fondation est donc opératrice de ses programmes. Quelles sont ses spécificités ? 

 

La fondation ne redistribue pas d’argent. Il n’y a pas d’appels à projets auprès d'associations, nous ne finançons pas de porteurs de projet. Nous menons nous-mêmes nos projets avec nos partenaires. 

C’était une volonté dès le début de la création de la fondation d’être sur le terrain, de créer des partenariats et de les mener en propre à la fondation. Nos programmes d'Égalités des Chances sont construits avec les écoles partenaires et les lycées. Notre force est d’être l’interstice entre les différents acteurs, écoles et ministères de la Culture et de l’Éducation nationale. 

Nous avons une autre spécificité, c’est l'évaluation de l'ensemble de nos actions. Cette mesure d’impact des programmes se fait par des questionnaires conçus en interne adressés aux jeunes étudiants accompagnés pour évaluer ce que le programme leur a apporté. Nous suivons aussi des chiffres précis sur leur insertion professionnelle.  

 

 

  • Combien de jeunes ont pu bénéficier de l'accompagnement de la fondation ? Pour quel budget ?   

 

Entre 2006 et 2022, un peu plus de 29 200 jeunes ont été sensibilisés. Ils sont 2 772 élèves à avoir participé au temps de préparation des stages égalité, 2 350 à passer les concours et un sur deux à rentrer dans l’école. Dans le détail, pour les écoles d'architecture, on est plutôt sur du 60 % et pour La Fémis à 13 % de réussite. Au niveau du budget, cela représente de deux à deux millions et demi par an sur l’ensemble des deux programmes.

 

  • Comment sont opérés les programmes Égalités des Chances par la fondation ?   

 

Notre méthodologie se compose en cinq étapes : la première est l'information et la sensibilisation des jeunes lycéens sur les débouchés et les concours nationaux. Cela a représenté 134 établissements partenaires, collèges et lycées, en 2021-2022. 

L’étape suivante est la préparation aux concours. C’est la pierre angulaire de la fondation de préparer les élèves sélectionnés aux mêmes concours que les autres candidats pour ne pas entacher la légitimité d’entrée dans ces grandes écoles. En revanche, ils auront eu une préparation plus poussée dans nos stages d’immersion qui peuvent être d’une semaine pour préparer le concours pour une école d’architecture ou d’art et design, ou de cinq semaines, par exemple, pour La Fémis, où le concours est plus sélectif. 

Puis, nous avons ajouté trois autres étapes pour pallier certaines fragilités structurelles. Nous avons proposé l’accès à des bourses d’aide au logement, d’achat de matériel pour les écoles d’architecture, de mobilité pour partir en Erasmus et des prêts à taux zéro en cas de grandes difficultés financières.

Puis, une fois que ces jeunes sortaient des grandes écoles, il manquait une étape, celle de l’insertion professionnelle. Nous avons mis en place des ateliers de rédaction de CV, d'entretiens d’embauche et de diffusions des offres de stages ou d'emplois via nos partenaires culturels. Dernière étape, les jeunes s’engagent à nos côtés dans les programmes pour encadrer des élèves à leur tour. 

 

  • Quels sont les principaux impacts des programmes sur les jeunes ?   

 

Ce sont des jeunes qui ont une appétence pour les domaines de l’art et la culture, mais qui, pour la majorité de ceux qui s’intéressent aux écoles d'architecture, sont issus de bacs professionnel ou technologique. Ils ne s’imaginent pas pouvoir entrer dans ce type d’ école, car ils pensent que c’est trop prestigieux. Le stage va leur servir de déclic. 

C’est d’ailleurs intéressant de voir la métamorphose de ces jeunes entre le début et la fin du stage. Ils prennent confiance en eux. Tout l’enjeu de nos programmes, c’est d’infléchir des trajectoires, de révéler des potentiels. Nous les suivons sur une dizaine d’années. C’est une de nos spécificités.   

  • Quel est votre regard sur la notion d’égalité des chances ?   

 

C’est un travail à recommencer. C’est un sujet qui me touche, car je viens d’un milieu similaire et je me posais déjà les mêmes questions à l’époque en termes de coût d’une école prestigieuse et de sa situation géographique, etc. En tout cas, ces grandes écoles se mobilisent vraiment sur ce sujet, et d’ailleurs, je pense qu’elles sont encore trop méconnues. Ce sont des écoles d’excellence publiques avec des frais de scolarité très réduits qui souffrent de la concurrence des écoles privées qui ont certes une sélectivité moins importante, mais avec des frais scolaires élevés. Rendre visibles ces écoles publiques aux élèves, c’est vraiment un enjeu. 

On parle souvent du problème de sélection de ces écoles, alors que, par exemple, dans l'École Nationale Supérieure d'Architecture de Clermont-Ferrand, 40 % des élèves sont boursiers. L’école reçoit à l’oral tous les élèves qui postulent après le bac à partir de dix de moyenne. 1 300 élèves passent l’oral chaque année. La sélection se fait plus sur la personnalité de l’élève.

 

C’est d’ailleurs une des missions des écoles publiques d’accueillir tous les types de profils d’élèves, car si la création de demain est uniforme, elle s'appauvrira. La diversité des regards de la jeunesse doit se refléter parmi les jeunes qui entrent dans ces écoles, pour éviter d’avoir les mêmes prismes. C’est très important. 

 

 

La rédaction 

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