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Par Carenews PRO - Publié le 15 novembre 2023 - 16:00 - Mise à jour le 26 mars 2024 - 11:22 - Ecrit par : Théo Nepipvoda
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« Nous souhaitons mieux faire connaître le cadre des sociétés à mission » (Hélène Bernicot, Communauté des Entreprises à Mission)

Hélène Bernicot est directrice générale de Crédit Mutuel Arkéa. En juillet, elle a été élue coprésidente de la Communauté des Entreprises à Mission avec Guillaume Desnoës, cofondateur d’Alenvi. Interview sur sa feuille de route.

Hélène Bernicot, directrice générale de Crédit Mutuel Arkéa. Crédit : Communauté des Entreprises à Mission
Hélène Bernicot, directrice générale de Crédit Mutuel Arkéa. Crédit : Communauté des Entreprises à Mission

 

La Communauté des Entreprises à Mission est une association qui réunit les dirigeants et entrepreneurs qui le souhaitent autour du cadre juridique de la société à mission instauré par la loi Pacte de 2020. Elle a un rôle de plaidoyer et d’animation. Depuis juillet, Hélène Bernicot, directrice générale de Crédit Mutuel Arkéa et Guillaume Desnoës, cofondateur d’Alenvi, forment la nouvelle coprésidence. 

 

  • Pourquoi avoir voulu vous investir au sein de la Communauté des Entreprises à Mission ?

 

Crédit Mutuel Arkéa est une banque coopérative passée entreprise à mission en 2022 après avoir adopté une raison d'être en 2020 et s'être engagée dès 2013 dans la RSE. Depuis sa création, elle porte en elle une responsabilité vis-à-vis de son environnement, son territoire et des hommes et femmes qu’ils soient administrateurs, salariés ou clients. Nous avons adhéré à la Communauté des Entreprises à Mission (CEM) au moment de l’adoption de notre raison d'être.

En 2023, Guillaume Desnoës m’a demandé si ça pouvait m’intéresser de porter une coprésidence avec lui. Il est dirigeant d’une petite entreprise nativement à mission, je suis une dirigeante d’une grande entreprise. Le message est que l’entreprise à mission est un cadre universel qui peut s’adapter à toutes les entreprises, aux petites comme aux grandes tant qu’elles sont motivées et souhaitent mener leur transformation pour mettre au cœur de leur stratégie les enjeux sociaux et environnementaux. 


À lire aussi : Les entreprises à mission ont-elles du mal à transformer l’économie ? 


 

  • On vient de passer le cap des 1 300 entreprises à mission. Est-ce un résultat positif ?

 

C’est déjà bien. La société à mission est un cadre qui est jeune puisqu'il a été défini par la loi Pacte de 2019. On observe un petit mouvement permanent de nouveaux adhérents.

 

Ce n'est pas suffisant ! »

Cependant, ce n'est pas suffisant, car c’est un cadre universel dont la vocation est de s’adresser à toutes les entreprises. On souhaiterait clairement voir ce nombre largement progresser au vu du nombre d’entreprises sur le territoire français. Cela fait partie des travaux de la CEM de se fixer des objectifs secteur par secteur. 

Pour progresser, nous souhaitons mieux faire connaître ce cadre juridique en travaillant sur la communication. Nous envisageons d’organiser un congrès en mai pour les cinq ans de la loi Pacte. 

 

  • Pour l’instant, peu de grandes entreprises sont devenues à mission. Est-ce là un de vos objectifs ?

 

Nous sommes en train de nous caler sur cette question là. Il y a un enjeu concernant les grandes entreprises pour avoir des rôles modèles qui permettent d’embarquer plus largement.

 

  • Il s'agit pour l’instant d’un mouvement très francilien, voire parisien. Comment faire s’implanter davantage en région ?

 

Il y a un enjeu concernant les territoires. Nous avons développé des ambassadeurs par région. L’objectif est d’avoir des petites CEM qui se créent par région avec des réunions réunissant des dirigeants et des personnes du monde académique qui agissent et portent les actions de la CEM au niveau du territoire. 

 

  • L’un des axes de votre feuille de route est l’enrichissement. De quoi s’agit-il ?

 

Enrichir, c’est identifier d’éventuels axes d'amélioration. La loi laisse la liberté au dirigeant de définir sa mission et ses objectifs. La seule obligation est que cela soit en lien avec l’activité de l’entreprise.

En partageant avec les dirigeants qui éprouvent le cadre juridique, nous allons nous demander s’il y a des choses qu’il faut qu’on adapte ou qu'on améliore. Il existe un sujet autour du comité de mission : quel est son rôle ? Faut-il des formations pour ses membres ? Est-ce nécessaire de formuler des préconisations ? Concernant les ETI qui vont auditer les entreprises : faut-il un cadre plus précis ?

 

  • Il y a quelques mois, une étude de KPMG expliquait que pour beaucoup d’entreprises, la mission n’était pas forcément reliée au cœur de l’entreprise et n’était pas suffisamment tournée vers le long terme. Qu’en concluez-vous ?

 

Une question se pose en effet : n’y a-t-il pas besoin d’une validation préalable pour obtenir le statut ? 

Il y a ensuite une nécessité d’exigence concernant les greffes. Il faut bien vérifier que les entreprises qui demandent la mention « société à mission » remplissent bien les éléments basiques nécessaires. 

Enfin, il y a une nécessité à ce que les ETI qui vérifient la réalisation de ces objectifs fassent preuve d’une vraie exigence et aient des pratiques homogènes. 

 

  • Vous avez évoqué le contrôle a priori. Quelle est votre position à ce sujet ?

 

C’est un vrai sujet. On pourrait mettre en place un contrôle a priori si l’on voit qu’il y a une dérive. 

Il ne faut pas que ce cadre juridique soit dévoyé. »

La société à mission a été mise en place pour mettre en avant des entreprises engagées dans une transformation profonde et sincère. Il ne faut pas que ce cadre juridique soit dévoyé. Si on se rend compte à un moment que c’est obligatoire de mettre en place ce contrôle, c’est un peu dommage, mais il faudra le faire.

 

  • Si l’on se projette à long terme, peut-on imaginer une obligation pour toute entreprise d’être « société à mission » ?

 

À titre personnel, je pense que ça pourrait être très intéressant. En revanche, il faut avoir en tête que dès lors que quelque chose est obligatoire, cela n’est plus vraiment bien travaillé par les personnes pour qui c’est obligatoire. C’est une difficulté. Dans un monde idéal, il faudrait que les dirigeants et actionnaires aillent d’eux-mêmes vers ce cadre.

J'espère que nous allons réussir à donner envie à tous les dirigeants de s’engager dans cette voie. 

 

  • La directive européenne CSRD va commencer à être appliquée en 2024. Elle oblige un certain nombre d’entreprises à mettre en place un reporting extra-financier. Voyez-vous cela comme un concurrent ?

 

C’est une approche complémentaire qui n’est pas en opposition. La CSRD va rendre plus importante la transparence extra-financière.

Elle ne va pas encourager à faire mieux, à mettre les enjeux sociaux et environnementaux au cœur de tous ces processus comme le fait la société à mission. Pour certaines entreprises, cela va s’apparenter à cocher des cases sans pour autant aborder les sujets. La démarche de l'entreprise à mission est beaucoup plus globale, générale. 

 

  • Quel regard portez-vous sur des concurrents tels que B Corp ?

 

Nous ne sommes pas du tout en concurrence. Plus il y a de dirigeants engagés, mieux c’est. B Corp est différent puisqu’il s’agit d’un label. C’est une démarche de comparabilité, plus statique. La société à mission, c’est autre chose car vous faites un état des lieux et vous avez comme objectif de vous améliorer. Beaucoup d’entreprises à mission ont également le label B Corp.

 

  • Orpea, qui a connu un scandale à la suite de la publication du livre Les fossoyeurs de Victor Castanet, s’est fixé pour objectif de devenir société à mission. C'est un bon signal qu’une telle entreprise souhaite franchir le cap ?

 

Orpea était très bien notée d’un point de vue ESG, mais n’était pas société à mission. Est-ce que si elle était société à mission, on n’aurait pas eu ce scandale ? 

La société à mission part d’un engagement fort dans la durée, elle intègre des sujets d'éthique et se base sur une vision globale. Il y a une intention de sincérité et d’intégration des parties prenantes dans la gouvernance.

Pour ces activités là, peut-être qu’un tel cadre juridique permettrait d’éviter de voir ce qu’on a vu. On ne résoudra pas tous les problèmes, mais peut-être que cela permettra de limiter les risques.


À lire aussi : Korian devient société à mission : la riposte au bad buzz des EHPAD 


 

  • Avez-vous le sentiment d'être écouté par le gouvernement ?

 

Bercy est très attentif et intéressé par ce que l’on peut faire. Cela peut nous arriver de faire des points ou des événements là-bas. 

Donc, une oreille attentive, oui. De plus, la loi Pacte était portée par ce gouvernement, et ils en sont très fiers. 

 

Propos recueillis par Théo Nepipvoda 

 

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