[TRIBUNE] Associations, fondations : l’angle mort des gouvernements
À la suite de la dernière élection présidentielle, j’avais intitulé une tribune de mon blog « Nouveau gouvernement, espoir d'une nouvelle politique philanthropique ». Depuis, nous pouvons dire que les espoirs ont été déçus avec, au contraire, des mesures qui n’ont pas été dans le sens du renforcement de la vie associative ou des fondations avec, comme exemple, le contrat républicain.
Le tout nouveau gouvernement est une grande déception pour tous les acteurs de la philanthropie, associations, fondations, bénévoles et donateurs.
Après les émeutes de ce mois de juillet dans de nombreux quartiers, beaucoup ont semblé redécouvrir que des populations étaient délaissées dans des quartiers engagés dans une spirale de la désespérance. D’un côté ceux qui choisissent la violence pour s’exprimer, de l’autre des habitants impuissants à vivre paisiblement, souvent au centre des situations locales marquées par la prédominance du trafic de drogue, seule source de revenu pour beaucoup depuis le plus jeune âge.
Lire aussi : [TRIBUNE] Nouveau gouvernement, espoir d'une nouvelle politique philanthropique ?
Une caractéristique de ces émeutes était les attaques contre des édifices publics ou des lieux communautaires au service de la population. Était-ce une façon de montrer à l’État la faillite des différents plans banlieue depuis des dizaines d’années. Le silence est retombé sur ces évènements pourtant extrêmement préoccupants, car les problèmes persistent et se reproduiront si rien n’est fait pour redonner de l’espoir à des gens qui n’en ont plus.
Le traitement de ces questions montre que l’approche ambivalente des gouvernements envers les acteurs de la société civile ne donne pas de résultat. Un jour, ils sont encensés comme indispensables ; un autre, ils vivent des réductions de subventions, des changements de priorités dans les politiques publiques.
Les acteurs de la philanthropie essentiels pour la cohésion sociale
Pourtant, de nombreuses associations, fondations, bénévoles sont déjà engagées dans les programmes les plus variés, et cela, dans tous les domaines : culture, environnement, social, etc. Elles ne sont pas là pour se substituer aux politiques publiques, mais peuvent agir dans les interstices, en complément ou en relations avec les politiques publiques. Elles ne peuvent pas tout faire, mais peuvent beaucoup.
En écrivant ces mots, j’ai l’impression, avec d’autres, de me répéter inlassablement, pourtant notre message n’imprime pas.
Je reprends donc tous les arguments :
Le fractionnement de la société est tel que les réponses à apporter sont locales, souvent de petites tailles, loin des grands plans, avec des visions éloignées du terrain. Ce ne semble pas grandiose, pourtant cela rend service. Pour faire face à ces problèmes, notre pays ne manque pas de bras ni de volonté : les associations, les fondations, près de 20 millions de bénévoles, des donateurs par millions qui les soutiennent. Leur action basée sur une écoute des besoins spécifiques avec des réponses sur mesure a montré leur efficacité. Elles ont des capacités d’innovation, la flexibilité pour s’adapter aux situations rapidement évolutives. Des résultats existent avec des zones dans lesquelles sont réapparues du dialogue entre les habitants, de la reconstruction du lien social et du renouveau d’une vie démocratique. Toutes ces actions sont exposées par les organisations sur leurs sites internet, mais leur fractionnement ne donne pas une impression de résultats spectaculaires pour convaincre. Pourtant, sans celles-ci, quel serait l’état du pays !
Le diagnostic de l’état du pays est connu, mainte fois analysé par des études, des rapports, nous sommes sur une poudrière qui peut redonner des évènements violents comme nous venons de le voir ou entrainer des choix électifs vers des extrêmes aux solutions caricaturales qui non plus ne pourront donner de bons résultats.
Dans le dernier remaniement ministériel, faire disparaître le secteur non lucratif dans l’ESS au sein d’un ministère des PME montre une incompréhension de ce qu’est l’action des associations et fondations. Ce n’est pas un bon message. Celles-ci ne s’inscrivent pas dans une perspective de résultats économiques et leur impact social n’est pas à court terme, mais sur la durée, avec une composante essentielle, celle de prendre du temps pour écouter, comprendre et agir avec des solutions adaptées.
Ouvrir des chemins d’avenir
Tout ne peut être lu à l’aulne de l’économie, il faut en prendre acte :
- Serait-il possible à ce nouveau gouvernement de reconnaitre, avec modestie, qu’il ne peut pas tout faire et assumer le fait que le secteur non lucratif (associations, fondations) est nécessaire à la résolution d’un certain nombre de problèmes auxquels le pays fait face ?
- Serait-il possible de réfléchir à la façon dont il s’inscrit dans la marche de la société aux côtés des entreprises, de l’État, des collectivités territoriales pour apporter sa compétence, sa capacité d’innovation et le dynamisme de millions de personnes ?
- Serait-il possible de constater l’immense coût humain et financier de tous les échecs et faire la balance avec les financements du secteur non lucratif ?
- Serait-il possible corolairement de ne pas considérer les déductions fiscales de ce secteur non comme une charge, mais comme un investissement d’avenir ?
- Serait-il possible prendre le risque de la confiance envers des opérateurs qui ont montré leurs capacités en réduisant les ambiguïtés à leur endroit ?
- Serait-il possible d’écrire une nouvelle page dans les relations sociales au bénéfice de tous ?
Il ne s’agit pas de quémander quelques subventions ou des avantages en plus, mais de mettre en place une vision plus globale du rôle de ce secteur. Il faut que ceux qui définissent les politiques publiques changent de grille de lecture et donnent l’impulsion nécessaire pour inventer une politique philanthropique ambitieuse définie avec le secteur non lucratif, des relations claires inscrites dans la durée et accepter des partenariats constructifs.
L’impuissance, l’immobilisme, la construction de nouveaux plans ne sont pas des options, il faut réagir pour faire face à tous les défis sociétaux et environnementaux qui nous assaillent en s’appuyant sur ce qui a fait ses preuves. Il y a une urgence absolue à répondre avec réalisme et pragmatisme aux peurs, aux colères et aux souffrances de notre pays.
N’attendons pas les prochaines explosions sociales ni l’avènement de régimes qui prônent des jours meilleurs, Agissons ! Engageons une conférence sociale sur ce sujet.