L’ANTISÈCHE - Au fait, c’est quoi les contrats à impact ?
Les contrats à impact, ou contrats à impact social, sont des dispositifs de financement associant puissance publique, investisseurs publics ou privés et porteurs de projets innovants sociaux ou environnementaux. Mis en place pour la première fois en 2016, ils suscitent le scepticisme, voire l’opposition, d’une partie des acteurs de l’économie sociale et solidaire.
« Nous allons poursuivre et simplifier les contrats à impact social », annonçait Olivia Grégoire, ministre déléguée chargée de l’économie sociale et solidaire, en novembre dernier lors de la présentation de sa feuille de route pour l’ESS. Cet outil de financement réunit acteurs publics, privés et issus de l’ESS autour de projets sociaux et environnementaux. Lancé en 2016 pour la première fois, le dispositif a été reconduit en 2020 et semble avoir les faveurs du gouvernement démissionnaire. En quoi consiste-il exactement ?
Le principe est simple : une organisation, le plus souvent issue de l’économie sociale et solidaire (ESS), propose un projet innovant permettant de répondre à un besoin social ou environnemental. Des investisseurs privés ou publics financent ce projet. Les parties prenantes fixent des indicateurs destinés à l’évaluation du programme par un tiers indépendant. Si les objectifs sont atteints, la puissance publique rembourse l’investisseur avec un intérêt fixé en amont. Elle lui fournit même une prime, ainsi qu’au porteur de projet, si les objectifs sont dépassés.
En théorie, ce dispositif permet à l’État, aux collectivités ou aux opérateurs publics d’éviter des coûts en finançant des projets à l’impact assuré : ce sont les investisseurs qui supportent le risque d'échec. Il facilite le changement d’échelle d’initiatives souvent issues de l’économie sociale et solidaire.
En 2020 et 2021, trois appels à manifestation d’intérêts ont été ouverts par l'État : ils portaient sur l’économie circulaire, l’égalité des chances économiques et l’accès à l’emploi, pour des montants allant de 10 à 27,3 millions d’euros à chaque fois. 15 lauréats ont été sélectionnés. Parmi les lauréats : Envie Autonomie, pour le reconditionnement d’aides techniques à l’autonomie par des salariés en insertion, le Wake up café pour la création d’un programme de formation qualifiante en détention visant à la réinsertion des détenus ou encore Messidor pour l’accompagnement d’adultes ayant des troubles psychiques dans leur insertion professionnelle.
Des acteurs de l’ESS sceptiques
Problème : le contrat à impact « reste toutefois aujourd’hui un outil confidentiel », écrivent les auteurs d’un rapport intitulé « Propositions pour le développement des contrats à impact en France » publié en janvier 2022. Ils pointent un « faible niveau de risque » et de rémunération pour les investisseurs, ce qui peut rendre le dispositif peu attractif pour eux. Ils soulignent aussi la mobilisation limitée des « acteurs du secteur philanthropique ». « Le montage d’un contrat à impact reste (...) encore une opération longue et d’une grande complexité pour les porteurs de projets et les responsables publics », soulignent-t-ils également.
Le montage d’un contrat à impact reste (...) encore une opération longue et d’une grande complexité pour les porteurs de projets et les responsables publics »
Rapport « Propositions pour le développement des contrats à impact en France », janvier 2022
Le déploiement des contrats à impact est regardé d’un œil dubitatif de la part d’un certain nombre d’acteurs de l’ESS. « J’ai fait part à Olivia Grégoire de mon scepticisme sur ce sujet », commentait Jérôme Saddier, l’ancien président de la chambre représentative de l’ESS, ESS France, après la présentation de la feuille de route de la ministre. « Tant que l’argent public qui va à ces contrats n’est pas défalqué de ce qui devrait aller ailleurs, je dis pourquoi pas », déclarait-il cependant. ESS France qualifiait aussi le dispositif de « peu en phase avec [les] besoins » des acteurs de l’ESS dans ses propositions pour le budget 2024. « Nous avons une vision mesurée du dispositif », affirmait pour sa part Hugues Vidor, président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), en juin dernier auprès de Carenews. Il citait alors le rapport « Marchandisation et financiarisation des associations » du collectif des associations citoyennes, publié en janvier 2023 et franchement critique vis-à-vis des contrats à impact.
« Piège financier » ou dispositif innovant ?
Les contrats à impact constituent un « piège financier pour les collectivités » martelait fin décembre ce même collectif. Cette organisation visant à « lutter contre l'instrumentalisation et la réduction des associations à leur seule dimension marchande » explique alors avoir eu accès à un contrat signé par le département du Nord. Elle déplore la mise en place du mécanisme de remboursement « dès les premiers mois du programme » plutôt qu’après la mesure des résultats, mais aussi un risque « minime » et « la mainmise des investisseurs (...) sur les pratiques associatives » à travers un comité de pilotage et la possibilité de révision des objectifs. En tout, le département s’acquitte d’une facture de plus d’1,9 million d’euros, dont 20 % « relève uniquement de l’ingénierie financière ».
« Le contrat à impact social n’est pas le sacro-saint des instruments de financement de l’ESS. Néanmoins, c’est un instrument qui a montré ses preuves pour financer l’innovation sociale », déclarait le délégué ministériel à l’économie sociale et solidaire Maxime Baduel dans une interview accordée à Carenews début 2024. « Mes services (...) travaillent » à sa simplification, ajoutait-t-il alors. Aucune annonce n’a été effectuée depuis : la poursuite des réflexions dépendra certainement des choix du futur gouvernement.
Célia Szymczak