Aller au contenu principal
Par Carenews PRO - Publié le 25 juin 2020 - 11:30 - Mise à jour le 25 juin 2020 - 17:28
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Alexandra Palt (L’Oréal) : « Une de nos grandes réussites, c’est de penser au développement durable dans tout ce que l’on fait »

L’Oréal publie aujourd’hui « L’Oréal pour le futur », sa nouvelle feuille de route en matière de développement durable à horizon 2030. L’occasion de faire le point sur les actions menées par le leader des produits cosmétiques et ses ambitions à venir avec Alexandra Palt, directrice de la responsabilité sociétale et environnementale du groupe et directrice de la Fondation L’Oréal.

Crédit photo : Philippe Calandre / L'Oréal.
Crédit photo : Philippe Calandre / L'Oréal.
  • Vous avez rejoint le groupe L’Oréal en 2012. Quel bilan personnel faites-vous de la période écoulée ?

Je pense que nous avons parcouru beaucoup de chemin. Nous avons vraiment pris en compte les enjeux sociétaux et les préoccupations des parties prenantes dans nos activités quotidiennes, et ce à un niveau stratégique. Au moment de la crise sanitaire, l’entreprise a élaboré une réponse adaptée en un temps record. Une de nos grandes réussites, c’est d’intégrer le développement durable dans tout ce que l’on fait. Cela s’est manifesté dans le plan de solidarité que nous avons mis en œuvre, qui visait, entre autres, à protéger les salariés et leur éviter le chômage partiel. Nous avons raccourci les délais de paiement pour nos fournisseurs afin de leur éviter des problèmes de trésorerie et gelé les créances de nos « petits » clients, tels que les pharmacies. Quant à nos associations partenaires, nous avons pris contact avec elles dès le dimanche précédant le confinement pour savoir quels étaient leurs besoins et comment les accompagner.

Cet épisode m’a touchée personnellement, car la transformation que nous avons menée s’est exprimée dans ce plan de solidarité. Très rapidement, avec notre PDG Jean-Paul Agon, nous avons créé un deuxième volet de réponse à la crise. Parce que la crise sociale promet d’être forte et que la crise environnementale est toujours d’actualité, l’enjeu est de mener le combat pour une société inclusive et pour la transition écologique de manière simultanée. Nous avons donc décidé de mobiliser 150 millions d’euros, dont 50 millions destinés aux femmes en difficulté, et 100 millions fléchés vers de l’impact investing environnemental. 

  • Pour venir en aide aux femmes, vous avez acté la création d’un fonds de dotation philanthropique. Comment va fonctionner ce fonds ? Pourquoi avoir choisi cette forme juridique ?

Nous avons été en contact très régulier avec les associations pendant le confinement. Elles nous ont avertis des conséquences sociales de cette crise. Les femmes ont été particulièrement à risque, menacées par les violences conjugales ou par la perte d’emploi. En effet, tant qu’il subsistera des inégalités de genre dans la société, les crises auront un impact disproportionné sur les femmes. Nous avons donc voulu soutenir les acteurs de terrain. Le fonds de dotation a l’avantage d’être un outil juridique souple qui permet d’être opérationnel plus rapidement.

  • Concernant les 100 millions d’euros que L’Oréal va dédier à de l’impact investing environnemental, pourquoi privilégier cette approche plutôt que celles de l’investissement ou du don classiques ? 

L’impact investing est une discipline qui a émergé il y a une vingtaine d’années, et les retours d’expériences montrent que c’est un modèle qui fonctionne. Pour L’Oréal, c’est une première, mais je pense que la démarche d’impact investing est adaptée pour soutenir des projets à impact positif dans les domaines de la biodiversité et de la régénération des écosystèmes. Le retour sur investissement est moins important que pour du capital investissement classique, mais il offre tout de même une rentabilité.


> À lire aussi : [Décryptage 2/2] Notre top 10 des fonds à impact


  • Vous avez intégré le comité exécutif de L’Oréal en 2019. Qu’est-ce que cela a changé pour vous et pour le groupe ? 

Donner une place à la RSE au comex envoie un message à la fois à l’intérieur et à l’extérieur de l’organisation. Cela montre que les sujets de développement durable sont considérés comme stratégiques. Ils sont discutés au plus haut niveau, là où toutes les décisions sont préparées pour le conseil d’administration. C’est un signe que la transformation durable doit toucher tous les sujets.

  • Comment conciliez-vous la direction de la fondation et de la RSE du groupe ? Quelle distinction faites-vous entre ces deux champs d’action à l’heure où le mécénat suscite des débats passionnés ? 

La direction du développement durable a trait à la transformation de notre modèle économique. Cette transformation vers un modèle plus durable et plus engagé concerne notre métier. La fondation catalyse notre contribution philanthropique sur des sujets de société. Les deux se complètent, mais ne poursuivent pas les mêmes objectifs. 

  • Le mécénat doit-il être intéressé ou désintéressé selon vous ?

En français, le mot « intéressé » a mauvaise presse. Sur le plan philosophique, je crois que d’une certaine manière, dans nos interactions sociales, tout a un intérêt. Je n’aime pas le mot « intéressé », car je sais comment il sera interprété. Mais il y a aujourd’hui deux enjeux cruciaux. Tout d’abord, l’entreprise doit mener une transformation de son modèle économique. Le mécénat ne doit donc pas faire écran et cacher le manque d’engagement des entreprises à transformer leurs propres activités. Il faut à la fois transformer son modèle et contribuer positivement au monde. Le deuxième sujet, c’est que les entreprises sont très souvent suspectées de ne pas vouloir sincèrement de transition. Certaines ne jouent en effet pas le jeu, mais je crois que nombreuses sont celles qui sont engagées. 

  • Votre plan de RSE « Sharing beauty with all » arrive à échéance. Quel bilan en faites-vous? 

En sept ans, on s’est donné des objectifs très ambitieux. C’était un parti pris, mais je pense que c’était important. Nous avons dépassé certains objectifs, en avons atteint d’autres, tandis que certaines cibles seront atteintes l’année prochaine. 

Sur le plan des émissions de CO2, notre objectif était de les réduire de 60 % par rapport à 2005. Fin 2019, nous étions déjà à - 80 %. Autre objectif : nous voulions que tous les nouveaux produits L’Oréal aient un profil environnemental amélioré. Fin 2020, ce sera le cas pour plus de 95 % des produits. C’est un accomplissement dont nous sommes fiers, car cela a représenté un énorme travail. Nous avons aussi atteint nos objectifs sur l’eau, le nombre de personnes employées...

Fin 2013, notre PDG Jean-Paul Agon avait annoncé à toutes les équipes qu’il serait désormais exigé de concevoir des produits non seulement dotés de qualités cosmétiques indéniables, mais aussi performants sur le plan environnemental. Je constate aujourd’hui que nous avons vraiment réussi à ajouter ce paradigme au cœur de notre modèle. 

  • Quelles sont les grandes lignes de votre nouveau plan ?

Jusqu’à présent, comme toutes les entreprises, nous avons raisonné en termes de réduction de nos impacts. Désormais, nous allons faire en sorte d’ajuster nos activités pour qu’elles respectent les limites planétaires. Nous travaillons avec l’initiative Science based targets pour le climat, et sommes allés plus loin en appliquant cette logique à la biodiversité, aux ressources... Cela va engendrer des changements très importants. Nous visons la neutralité carbone pour tous nos sites de production d’ici à 2025, grâce à l'amélioration de leur efficacité énergétique et l'utilisation d'énergies renouvelables. D’ici à 2030, 100 % des emballages plastiques mis sur le marché seront d'origine recyclée ou biosourcée. C’est une transformation totale de notre modèle qui nous attend.

Nous lançons également un dispositif d’affichage environnemental et social inédit. Cela a nécessité énormément d’efforts et de recherche. Le dispositif comprend une échelle de notation allant de A à E, un produit « A » étant considéré comme le meilleur de sa catégorie en matière d’impact environnemental. Nous allons commencer avec les soins pour cheveux Garnier et si l’expérience fonctionne, nous le déploierons sur tous les produits de nos marques.

  • Est-ce que L’Oréal envisage de devenir société à mission comme Danone ?

Pas pour l’instant. La transformation durable est tellement intégrée à la stratégie de L’Oréal que la manière dont on la nomme ne nous semble pas être l’enjeu principal à l’heure actuelle.

Propos recueillis par Hélène Fargues 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer