L'économie sociale et solidaire, rouage essentiel de la démocratie
Le lundi 23 septembre, ESS France organisait son événement de rentrée, autour d'un « Grand journal de l'ESS ». Son président, Benoît Hamon, a insisté sur le rôle que peut jouer l'économie sociale et solidaire dans la revitalisation de la démocratie.
« L'économie sociale et solidaire (ESS) peut apporter une contribution considérable face à la crise de la démocratie » : c'est avec cette conviction que Benoît Hamon, président d'ESS France depuis juin dernier, a ouvert l'événement de rentrée de cette association représentative des différentes familles de l'ESS en France.
Dans une intervention faite à la manière d'un reporter de télévision qui découvrirait avec étonnement la France - à la manière d'un Candide qui constate les travers du monde avec naïveté et surprise -, Benoît Hamon rappelle d'abord quelques chiffres : « 83 % des citoyens sont pessimistes pour leur avenir et pensent que la situation de leurs enfants sera pire que la leur ; 30 % doutent de la sincérité du scrutin ; 68 % disent que dans leur entreprise leur voix ne compte pas ; 87 % pensent que les pratiques réelles de leur entreprise n’ont rien à voir avec la politique RSE qu'elle affiche ». « Malheureusement, ces sondages se vérifient dans les urnes », souligne-t-il.
Pourquoi en est-on arrivé là ? « C'est le syndrome de la rose du Petit Prince, explique Benoît Hamon. Si la démocratie se fane, c'est parce qu'on n'en a pas assez pris soin, qu'il s'agisse de la démocratie politique, sociale, citoyenne ou de la démocratie d'entreprise. »
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L'ESS au secours de la démocratie ?
En quoi l'ESS peut-elle contribuer à résoudre cette crise ? De trois manières au moins, selon le président d'ESS France. « D'abord, estime-t-il, plus il y aura d’entreprises démocratiques, mieux notre société résistera aux tentations autoritaires ». Il faut donc « mettre en œuvre, avec les pouvoirs publics si possible à condition qu’ils jouent le jeu, une stratégie de "passage à l’échelle" de l’ESS, c'est-à-dire d’augmentation du nombre d’entreprises de l’ESS ». « Les services rendus par les entreprises de l’ESS ne sont pas qu'économiques et sociaux. Nous avons aussi une contribution nette positive à la démocratie, car nos entreprises permettent de la réoxygéner », ajoute-t-il.
L'économie sociale et solidaire une contribution nette positive à la démocratie, car nos entreprises permettent de la réoxygéner »
Benoît Hamon, président d'ESS France.
Deuxièmement, « il faut réserver certains secteurs d'activités aux acteurs publics ou aux acteurs non lucratifs ». Benoît Hamon renvoie au récent ouvrage de Victor Castanet, Les ogres (éd. Flammarion, 2024), qui dénonce les dérives des acteurs lucratifs gestionnaires de crèches, comme il l'avait fait pour les Ehpad avec Les fossoyeurs (éd. Fayard, 2022) : « quand des arbitrages sont rendus sans tenir compte de l'intérêt des personnes, on fait des économies sur les coûts, pour augmenter les dividendes, cela donne ce genre de résultat », dénonce Benoît Hamon.
Comme son prédécesseur Jérôme Saddier, il plaide donc pour réserver les secteurs liés au soin des personnes vulnérables, qu'il s'agisse de la petite enfance ou du grand âge, au service public ou aux acteurs de l'ESS. Ce sera l'un des éléments forts de plaidoyer d'ESS France pour l'année à venir.
Le rôle essentiel des bénévoles
Enfin, Benoît Hamon souligne le rôle des « 15 millions de bénévoles qui ne demandent pas à être rémunérés en contrepartie de ce qu'ils font. Leur seule contrepartie c'est le plaisir, la joie de contribuer à un projet associatif utile, d'être des rouages indispensables de la cohésion sociale et du bien-être des gens. »
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Il imagine qu'un jour, les bénévoles puissent se mettre en grève. Que se passerait-il alors ? « Plus rien ne tournerait : il n'y aurait plus d’éducateurs sportifs, plus de distribution alimentaire, plus de nettoyage des cours d’eau et des plages. On verra ce jour-là si ceux qui estiment qu’on peut faire tourner le pays sans l’ESS continueront à le penser », conclut Benoît Hamon.
Lors de son discours de passation, Michel Barnier avait lui aussi loué les militants associatifs qui « font l’honneur de la République et l’unité de notre société ». Souhaitons que la nouvelle ministre déléguée à l'ESS, Marie-Agnès Poussier-Winsback, et son confrère à la vie associative, Gil Avérous, reprennent à leur compte ce plaidoyer pour défendre cette forme d'économie, notamment dans le cadre des discussions prochaines autour du projet de loi de finances.
Camille Dorival