Des propositions de neuf organisations engagées sur la législation omnibus et la durabilité des entreprises
Les organisations, notamment le Mouvement Impact France, le CJD et la Communauté des entreprises à mission, ont publié une note de position le 10 mars. Elles y détaillent leurs recommandations pour la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD), la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D), mais aussi la taxonomie européenne, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le Pacte pour une industrie propre.

Les débats ont commencé le 10 mars, au Parlement européen, sur la simplification voulue par la Commission européenne dans le cadre de son projet de législation dit « omnibus ». Cet ensemble de mesures vise à alléger la charge administrative des entreprises pour favoriser leur compétitivité. Mais elle implique des modifications importantes sur deux textes européens majeurs pour la durabilité des entreprises, la directive sur les rapports de durabilité des entreprises (CSRD) et la directive sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité (CS3D).
Le premier de ces textes impose aux entreprises de plus de 250 salariés, si elles sont cotées ou ont un chiffre d'affaires supérieur à 50 millions d’euros, qu’elles rendent compte de leurs impacts sur l’environnement et la société dans un reporting ou rapport de durabilité. La seconde exige des sociétés de plus de 1 000 salariés avec un chiffre d’affaires supérieur à 450 millions d’euros qu’elles préviennent, réduisent ou mettent fin aux impacts négatifs sur l’environnement et sur la société dont elles sont responsables sur l’ensemble de leur chaîne de valeur, y compris chez leurs fournisseurs et leurs sous-traitants.
Le 10 mars, le mouvement d’entreprises engagées Impact France a publié avec huit réseaux et organisations d’entrepreneurs et de financeurs une note de position formulant des recommandations en vue des négociations sur la législation omnibus. Les signataires s’intéressent aussi au Pacte pour une industrie propre, ou Clean industrial deal, également dévoilé par la Commission européenne le 26 février.
Parmi les signataires : le Centre des jeunes dirigeants (CJD), la Communauté des entreprises à mission ou encore B Lab France et Fair.
Un référentiel pour les entreprises de plus de 500 salariés
« Si nous saluons la démarche visant à optimiser la mise en œuvre de certaines réglementations de durabilité, nous rappelons que celle-ci ne doit pas conduire à un renoncement des ambitions environnementales et sociales de l’Union européenne, ni à l’instauration d’une nouvelle période d’instabilité délétère pour la compétitivité des entreprises européennes », déclarent les auteurs au sujet de la législation omnibus.
Les organisations appellent notamment à faire d’un « modèle simplifié de la CSRD (...) la norme de référence » pour toutes les entreprises de plus de 1 000 salariés. Elles suggèrent d’utiliser la norme LSME, pour listed small and medium entreprises, soit le standard des petites et moyennes entreprises cotées.
Pour les entreprises de plus de 500 salariés, les signataires invitent à mettre en place un référentiel encore plus simplifié, mais obligatoire : le VSME, pour voluntary standard for non-listed micro-, small- and medium-sized undertakings, le référentiel volontaire pour les petites entreprises.
La Commission européenne propose au contraire de rendre le reporting facultatif pour les entreprises de moins de 1 000 salariés. Si tel était le cas, un « mécanisme d’incitation » devrait être mises en place pour favoriser les entreprises se conformant tout de même aux exigences, estiment les réseaux.
Un point d’attention sur le report de la CSRD
« Nous resterons particulièrement vigilants quant à la proposition de mise en place d’un plafond d’exigence pour le reporting volontaire. Une telle mesure ne devrait en aucun cas restreindre la liberté des entreprises souhaitant développer des politiques d’achats responsables à forte valeur écologique et sociale », peut-on lire dans le document.
Parmi les autres propositions : publier des lignes directrices par secteur pour l’application de la CSRD ou « adosser la CSRD à des trajectoires de progrès intégrant des engagements progressifs et des échéances définies ».
Par ailleurs, « nous resterons vigilants afin que tout report éventuel [de l’application de la directive, comme le souhaite la Commission] ne pénalise pas les entreprises déjà engagées dans leur mise en conformité », indiquent les organisations.
Elles disent en revanche accueillir « plutôt favorablement » l’abandon du passage vers une assurance raisonnable, c’est-à-dire d’un renforcement de la vérification des informations.
Des obligations de vigilance sur les fournisseurs et sous-traitants
Pour la CS3D, les organisations demandent le « maintien d’une évaluation annuelle » des systèmes de vigilance, c’est-à-dire des mesures mises en place pour prévenir et atténuer les atteintes de l’entreprise aux droits humains et à l’environnement.
Alors que la Commission souhaite restreindre le devoir de vigilance à l’entreprise et à ses partenaires directs, « tous les fournisseurs et sous-traitants avec lesquels l’entreprise entretient une relation commerciale établie » devraient être intégrés aux obligations de vigilance, considèrent les signataires.
Ils se prononcent aussi en faveur de « la sauvegarde du régime de responsabilité civile européen » et du maintien d’une obligation de mise en œuvre des plans de transition climatique adoptés par les entreprises. La Commission voudrait au contraire limiter l’obligation à l’adoption d’un plan de transition.
Soutien aux évolutions du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières
D’autres recommandations concernent la taxonomie verte de l’Union européenne, un système de classification des activités économiques selon leur durabilité, et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF), qui prévoit une taxe carbone sur les biens importés. Le projet de la Commission introduit également des modifications dans ces dispositifs.
« La taxonomie européenne est un outil essentiel pour orienter les capitaux vers des activités durables », commentent les signataires. « La Commission européenne propose des simplifications intéressantes et pertinentes, mais elles restent partielles (...) et méritent d’être renforcées ».
Concernant le MACF, ils soutiennent les « ajustements », proposés par la Commission, mais appellent à une « une mise en œuvre accélérée et plus ambitieuse ».
Une position favorable au Pacte pour une industrie propre
« Nous saluons la présentation du Clean industrial deal [Pacte pour une industrie propre] par la Commission européenne, qui apporte des réponses concrètes aux défis des entreprises », précisent également les organisations. Il « doit créer un cadre stable, prévisible et incitatif pour accélérer la décarbonation de l’économie et soutenir l’innovation », estiment-elles.
« Nous resterons attentifs aux débats concernant les critères de durabilité et de proximité introduits dans les marchés publics, que nous souhaitons ambitieux pour générer de la croissance et des emplois en Europe », commentent-elles, concernant la proposition de la Commission d’introduire de tels critères. « Nous encourageons la Commission à renforcer le réemploi dans son Circular economy act », un acte législatif prévu dans le cadre du plan.
Célia Szymczak