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Par Carenews INFO - Publié le 7 mai 2024 - 17:00 - Mise à jour le 30 juillet 2025 - 12:44 - Ecrit par : Célia Szymczak
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L’ANTISÈCHE - Au fait, c’est quoi le devoir de vigilance ?

Une directive européenne et un texte français requièrent des entreprises qu’elles limitent, diminuent ou mettent fin aux effets négatifs de leurs activités et de celles de leurs fournisseurs sur les droits humains et l’environnement.

Le devoir de vigilance est une notion issue de textes adoptés à l'échelle internationale. Crédits : Carenews.
Le devoir de vigilance est une notion issue de textes adoptés à l'échelle internationale. Crédits : Carenews.

 

La directive sur le devoir de vigilance, ou corporate sustainability due diligence directive (CSDDD ou CS3D) est un texte imposant un devoir de vigilance aux entreprises agissant sur le sol européen. À la suite de son adoption en mai 2024, le réseau European coalition for corporate justice, réunissant près de 500 organisations de la société civile, qualifiait le texte d'un « pas significatif vers l'obligation de rendre les entreprises responsables des atteintes aux droits humains et à l'environnement liées à leurs pratiques ». 

Concrètement, le texte exige des entreprises qu’elles préviennent, réduisent ou mettent fin aux effets négatifs de leur activité sur les droits humains et l’environnement. Cela inclut, par exemple, le travail des enfants, la pollution ou l’érosion de la biodiversité. Le devoir de vigilance s’applique à l’ensemble de leur chaîne de valeur, de la fourniture des matières premières à la vente. Il concerne donc aussi les activités réalisées par leurs filiales et par leurs partenaires commerciaux. 

La notion de devoir de vigilance des entreprises a été reconnue à l’échelle de l’OCDE et des Nations unies, mais les textes n’avaient  pas de caractère contraignant. La première loi sur le devoir de vigilance a été votée en France en 2017, à la suite de l’effondrement en 2013 du Rana Plaza, au Bangladesh, qui abritait des ateliers de confection travaillant pour de grandes marques internationales de vêtements. Cet effondrement avait causé la mort de plus de 1000 personnes. 

Le texte européen adopté en 2024 renforce l’ambition de la loi française de 2017 : le droit européen prime la législation nationale ; ce sont donc les normes européennes qui s’appliqueront en France une fois le texte définitivement inscrit dans la législation.

 

Quelles entreprises sont concernées ? 

 

La CS3D concerne les entreprises et sociétés mères établies dans l'UE de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros, ainsi que les franchises réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 80 millions d’euros si au moins 22,5 millions d’euros ont été générés par des redevances.

 

À quelles exigences sont soumises les entreprises ? 

 

Selon l’accord européen, les entreprises doivent : 

  • Intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques. La politique « est élaborée après concertation avec les salariés » et comprend « une description de l'approche de l'entreprise (...) en matière de devoir de vigilance », un « code de conduite » pour l'entreprise et ses filiales et les « procédures mises en place pour intégrer le devoir de vigilance dans les politiques » de l'entreprise. 
  • Recenser les incidences négatives de leur action sur l’environnement et les droits humains, notamment en cartographiant leurs propres activités, celles de leurs filiales et celles de leurs partenaires commerciaux. 
  • Prévenir, atténuer, supprimer ou réduire au minimum ces incidences, notamment en établissant un plan d'action en matière de prévention, réalisant les investissements nécessaires, obtenant des garanties contractuelles de la part de leurs partenaires commerciaux directs, modifiant si besoin leurs stratégies et activités, fournissant un soutien « ciblé et proportionné » aux petites entreprises partenaires le cas échéant. 
  • Réparer tout préjudice résultant des incidences négatives
  • Contrôler et évaluer l’efficacité des mesures mises en place. 
  • Communiquer sur le sujet dans une déclaration annuelle publique publiée sur leur site internet.

 

De plus, elles doivent adopter un plan de transition rendant leur modèle économique compatible avec la limite d'1,5 degré de réchauffement climatique fixée par l’Accord de Paris. Ce plan comprend des objectifs « assortis d'échéances liées au changement climatique pour 2030 et par étapes quinquennales jusqu'en 2050, sur la base de données scientifiques concluantes ». Il contient aussi « une description des leviers de décarbonation recensés et des mesures clés prévues pour atteindre les objectifs » ainsi qu'une « explication et une quantification des investissements et des financements » dédiés à ce plan et une « description du rôle des organes d'administration, de gestion et de surveillance » sur le sujet.  

Que se passe-t-il en cas de non-respect ? 

 

En France, si une entreprise ne respecte pas ses obligations, elle peut être mise en demeure. Si les manquements persistent pendant trois mois, elle peut être assignée en justice. Plusieurs ONG ont ainsi attaqué des entreprises comme TotalEnergies, BNP Paribas ou Yves Rocher. En décembre 2023, La Poste a été la première entreprise condamnée en France pour manquement au devoir de vigilance.

Le texte européen prévoit la désignation d'une ou plusieurs autorités de contrôle indépendantes, chargées de veiller au respect des obligations. Cette autorité pourra ouvrir une enquête de sa propre initiative. 

Des plaintes auprès des entreprises peuvent être déposées par les personnes physiques ou morales touchées par une incidence négative, les syndicats représentant des travailleurs et les organisations de la société civile agissant dans les domaines concernés. Les personnes peuvent aussi présenter un « rapport étayé » faisant état de leurs préoccupations à une autorité de contrôle. 

Les sanctions imposées aux entreprises ne respectant pas le texte pourront aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d'affaires.

 

Une réforme à l'échelle européenne

 

En novembre 2024, la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen annonce la simplification à venir de la CS3D, dans un but d'alléger les charges administratives auxquelles font face les entreprises. La Commission révèle son projet en février 2025 : elle recommande notamment de concentrer les exigences sur les partenaires commerciaux directs et de passer d’une évaluation des impacts annuelle à une évaluation tous les cinq ans. Le Conseil s'est arrêté sur sa position en juin. Le Parlement européen se prononcera en octobre et les négociations commenceront ensuite. 

 


À lire également : Devant un potentiel recul des obligations européennes liées à la responsabilité sociétale des entreprises, syndicats et ONG tirent la sonnette d’alarme


 

 

Célia Szymczak   

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