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Par Carenews INFO - Publié le 7 mai 2024 - 17:00 - Mise à jour le 15 mai 2024 - 11:27 - Ecrit par : Célia Szymczak
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L’ANTISÈCHE - Au fait, c’est quoi le devoir de vigilance ?

Une directive européenne sur le point d'être adoptée et un texte français requièrent des entreprises qu’elles limitent, diminuent ou mettent fin aux effets négatifs de leurs activités et de celles de leurs fournisseurs sur les droits humains et l’environnement.

Le devoir de vigilance est une notion issue de textes adoptés à l'échelle internationale. Crédits : Carenews.
Le devoir de vigilance est une notion issue de textes adoptés à l'échelle internationale. Crédits : Carenews.

 

 

Le 24 avril dernier, les députés européens ont voté la corporate sustainability due diligence directive (CSDDD ou CS3D), un texte imposant un devoir de vigilance aux entreprises agissant sur le sol européen. Le réseau European coalition for corporate justice, réunissant près de 500 organisations de la société civile, parle d’un « vote que l’on peut sans aucun doute célébrer. Il a un potentiel pour changer les règles du jeu. »

Concrètement, le texte exige des entreprises qu’elles préviennent, réduisent ou mettent fin aux effets négatifs de leur activité sur les droits humains et l’environnement. Cela inclut, par exemple, le travail des enfants, la pollution ou l’érosion de la biodiversité. Le devoir de vigilance s’applique à l’ensemble de leur chaîne de valeur, de la fourniture des matières premières à la vente. Il concerne donc aussi les activités réalisées par leurs filiales et par leurs partenaires commerciaux. 

La notion de devoir de vigilance des entreprises a été reconnue à l’échelle de l’OCDE et des Nations unies. Les textes n’avaient cependant pas de caractère contraignant. La première loi sur le devoir de vigilance a été votée en France en 2017, à la suite de l’effondrement en 2013 du Rana Plaza, au Bangladesh, qui abritait des ateliers de confection travaillant pour de grandes marques internationales de vêtements. Cet effondrement avait causé la mort de plus de 1000 personnes. 

Le texte européen renforce l’ambition de la loi française de 2017 : le droit européen prime la législation nationale ; ce sont donc les normes européennes qui s’appliqueront en France une fois le texte définitivement inscrit dans la législation.

 

Quelles entreprises sont concernées ? 

 

La CS3D concerne les entreprises et sociétés mères européennes de plus de 1 000 salariés et réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 450 millions d’euros, ainsi que les franchises réalisant un chiffre d’affaires mondial supérieur à 80 millions d’euros si au moins 22,5 millions d’euros ont été générés par des redevances.

Les entreprises non-européennes atteignant les mêmes seuils en termes de chiffre d’affaires sur le territoire européen seront également concernées.

La loi française, elle, s’applique uniquement aux entreprises de plus de 5 000 salariés si le siège est situé sur le territoire français, et de plus de 10 000 salariés si son siège est situé à l’étranger. 

 

À quelles exigences sont soumises les entreprises ? 

 

La loi française exige des entreprises qu’elles établissent et mettent en œuvre « un plan de vigilance relatif à l’activité de la société et de l’ensemble des filiales ou sociétés qu’elle contrôle », selon la loi. Il comporte notamment une cartographie des risques d’atteintes aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé, à la sécurité et à l’environnement, des procédures d’évaluation de la situation et des actions destinées à atténuer et prévenir les risques.

Selon l’accord européen, les entreprises doivent : 

  • Intégrer le devoir de vigilance dans leurs politiques,
  • Recenser les incidences négatives de leur action sur l’environnement et les droits humains, 
  • Prévenir, supprimer ou réduire au minimum ces incidences, 
  • Réparer tout préjudice en résultant, 
  • Contrôler et évaluer l’efficacité de ces mesures, 
  • Communiquer sur le sujet dans une déclaration annuelle publique publiée sur leur site internet.

 

Elles doivent notamment réaliser les investissements financiers ou non-financiers qui seraient nécessaires pour remplir leurs obligations. Pour s’assurer de leur respect sur toute la chaîne de valeur, les entreprises concernées peuvent aussi demander des garanties contractuelles à leurs partenaires et doivent apporter leur soutien aux petites et moyennes entreprises partenaires. 

De plus, elles doivent adopter un plan de transition rendant leur modèle économique compatible avec la limite des 1,5 degré de réchauffement climatique fixée par l’Accord de Paris. 

 

Que se passe-t-il en cas de non-respect ? 

 

En France, si une entreprise ne respecte pas ses obligations, elle peut être mise en demeure. Si les manquements persistent pendant trois mois, elle peut être assignée en justice. Plusieurs ONG ont ainsi attaqué des entreprises comme TotalEnergies, BNP Paribas ou Yves Rocher. En décembre 2023, La Poste a été la première entreprise condamnée en France pour manquement au devoir de vigilance.

Le texte européen prévoit la création ou la désignation d’une autorité spécifique de surveillance, chargée d’enquêter puis de sanctionner les entreprises qui ne respectent pas leurs obligations. Celles-ci feront face à des amendes pouvant aller jusqu’à 5 % de leur chiffre d'affaires. Cette autorité pourra ouvrir une enquête de sa propre initiative. 

Les plaintes peuvent être déposées par les personnes physiques ou morales touchées par une incidence négative, les syndicats représentant des travailleurs et les organisations de la société civile agissant dans les domaines concernés. 

 

Où en est l’adoption du texte européen ? 

 

Le Conseil de l’Union européenne doit encore apporter sa validation finale au texte. Le Comité des représentants permanents des gouvernements des États membres de l’UE (Coreper) a validé le texte le 15 mars dernier. Il s’agit de la principale instance préparatoire des travaux du Conseil. Ce dernier doit toutefois donner son accord formel pour que le texte soit définitivement adopté. Lara Wolters, la députée européenne rapporteure du texte, s’est déclarée « confiante » sur cette adoption, en conférence de presse, à la suite du vote du texte par le Parlement européen le 24 avril. Pour approuver le texte, certains États membres, notamment la France, ont exigé une hausse du nombre de salariés à partir duquel les entreprises sont concernées. Ce seuil est alors passé de 500 à 1 000 salariés. 

Une fois que le Conseil aura donné son accord définitif, la directive doit être transcrite sous deux ans par les États membres. Les nouvelles règles s’appliqueront progressivement aux entreprises, selon le nombre de salariés. En 2027, 2028 et 2029, les entreprises de 5 000, 3 000 et 1 000 salariés devront se soumettre aux réglementations. 

 

Une exemption dans le texte européen

 

À noter, les acteurs financiers ne sont pas soumis au texte européen sur le devoir de vigilance, à l’exception de l’obligation de publier un plan de transition.

 

Célia Szymczak   

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