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Par Carenews INFO - Publié le 16 décembre 2025 - 17:13 - Mise à jour le 16 décembre 2025 - 18:10 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Lutte contre le changement climatique : la stratégie de la France manque « encore » de « réalisme » pour les associations

Vendredi 12 décembre, le gouvernement a présenté la Stratégie nationale bas-carbone à horizon 2030 et 2050, attendue depuis deux ans. Malgré des objectifs relativement ambitieux présent dans ce texte, les associations environnementales craignent « des ambitions de façade » et appellent le gouvernement à mettre en place des mesures concrètes.

La France s'est fixé un objectif de neutralité carbone et de sortie des énergies fossiles d'ici à 2050. Crédit : iStock / phbcz
La France s'est fixé un objectif de neutralité carbone et de sortie des énergies fossiles d'ici à 2050. Crédit : iStock / phbcz

 

Le gouvernement a publié le 12 décembre le projet de la troisième version de Stratégie nationale bas-carbone (SNCB). Révisée tous les cinq ans, cette « feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique » définit une trajectoire de réduction des émissions de gaz à effet de serre vers l’objectif de neutralité carbone, fixé en 2050.  

Dans son projet, le gouvernement fixe « sept grands objectifs stratégiques ». Il prévoit la réduction de moitié des émissions territoriales brutes en 2030 par rapport à 1990 et l’atteinte de la neutralité carbone en 2050, ainsi que la sortie des énergies fossiles d’ici à cette échéance. Autres cibles : la réduction de notre consommation d’énergie finale ; la consolidation des puits de carbone naturel, les écosystèmes qui absorbent du CO2, comme les forêts et les océans ; la garantie d’une « transition juste et soutenable » ; et la réduction de l’empreinte carbone de la France en 2050 de 71 à 79 % par rapport à 2010. Elle déroule ensuite des objectifs à court et moyen terme ainsi que des orientations, par secteurs d’activité.  

 


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Une stratégie trop techno-solutionniste ? 

  

« Pour atteindre ces objectifs, la stratégie repose sur une sollicitation raisonnée des leviers de sobriété, associés à un changement des modes de consommation, et d’efficacité énergétique, au maximum des technologies connues aujourd’hui », précisent les auteurs de la stratégie.  

Malgré ses ambitions, le texte est accueilli avec réserves par les associations de protection de l’environnement. Dans un communiqué, le WWF France « salue l’ampleur du travail réalisé ainsi que la prise en compte d’un périmètre plus large, incluant notamment les enjeux de biodiversité, les bénéfices socioéconomiques et les émissions liées aux biens importés ». L’organisation estime cependant que le document « doit encore gagner en cohérence et en réalisme ».  

Alors que les auteurs de la stratégie indiquent qu’« à long terme, elle ne repose pas sur des paris technologiques majeurs, tout en recourant de façon réaliste et ambitieuse à un certain nombre de technologies nouvelles (capture et stockage du carbone, procédés industriels, etc.) de façon cohérente avec les exercices de projections internationaux (GIEC, Agence internationale de l’énergie, Commission européenne), le WWF France appelle à « la vigilance sur la place accordée aux technologies de capture et de stockage du carbone (CCS), qui consistent à récupérer le CO₂ émis par certaines industries pour le stocker sous terre ».  

 


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« Ces technologies reposent aujourd’hui sur des hypothèses très incertaines et ne doivent pas détourner les efforts des priorités absolues : réduire les émissions à la source et protéger les écosystèmes, qui jouent un rôle essentiel dans la régulation du climat », argumente l’association, tout en insistant sur « une priorisation claire des usages des ressources, en particulier dans l’agriculture, la forêt et l’énergie, en tenant compte de la durabilité des modèles et des limites des ressources locales ». 

  

« Depuis des années, la France ne respecte pas ses objectifs climatiques » 

  

De son côté, Greenpeace France « s’interroge sur la faisabilité de cette feuille de route et souligne les retards et contradictions de la France ». 

« Derrière certains objectifs qui pourraient sembler ambitieux, bien qu’insuffisants, la réalité de la trajectoire de la France laisse craindre des ambitions de façade. Depuis des années, la France ne respecte pas ses objectifs climatiques ; Emmanuel Macron et ses gouvernements successifs ne se sont jamais saisis sérieusement de l’urgence climatique et sociale, et se sont même placés dans l’illégalité », dénonce dans un communiqué Nicolas Nace, chargé de campagne transition énergétique au sein de l’organisation. 

  


Alors que les émissions de gaz à effet de serre de la France devraient baisser de 5 % par an en moyenne pour atteindre l’objectif de 2030, elles n’ont réduit que de 1,8 % en 2024 et ne devraient diminuer que de 0,8 % en 2025 selon les dernières estimations. « 70 % de cette réduction provient de facteurs conjoncturels (douceur hivernale, diminution de l’élevage en France…) et non de véritables mesures structurelles », souligne Greenpeace France.  

 

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont on attend la publication prochaine, sera un bon indicateur de l’ambition réelle de l’État ». Nicolas Nace, Greenpeace.

 

L’appel à une stratégie énergétique ambitieuse 

  

« La SNBC 3 doit rester ambitieuse sur un levier central de la transition climatique : la baisse de la consommation d’énergie finale, autrement dit l’énergie réellement utilisée par les ménages, les entreprises et les transports », appuie quant à lui le WWF France.  

Dans cette optique, l’association environnementale appelle à « la publication rapide de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE3) qui précisera les choix concrets de production et de consommation d’énergie pour les prochaines années ». Ce document, mis en consultation pour le grand public depuis le 7 mars 2025, a pour objet de définir la stratégie afin de « faire de la France le premier grand pays industriel à sortir des énergies fossiles ». « Elle devra notamment organiser une électrification ciblée des usages – remplacer les énergies fossiles par de l’électricité bas-carbone notamment issue des renouvelables là où c’est pertinent – tout en garantissant des coûts maîtrisés pour les ménages et les entreprises, ainsi que la sécurité et la souveraineté de l’approvisionnement », défend le WWF France.   

« La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont on attend la publication prochaine, sera un bon indicateur de l’ambition réelle de l’État », estime Nicolas Nace de Greenpeace. « Tout recul sur le développement des énergies renouvelables montrerait que le climat n’est toujours pas la priorité du gouvernement », alerte-t-il.  

  

Des points à améliorer, selon le Réseau Action Climat 

  

Concernant la SNBC, « les rénovations performantes des bâtiments, en particulier des logements, ne doivent pas être revues à la baisse au risque de réduire plus lentement la précarité énergétique l'hiver et le nombre de bouilloires thermiques l'été », estime  Anne Bringault, directrice des programmes au sein du Réseau Action Climat, dans un post LinkedIn. 

Cette dernière détaille plusieurs « points à améliorer » parmi lesquels la nécessité de préserver davantage les puits carbone « essentiels pour le climat, mais aussi pour la biodiversité », et d’activer « le levier de la sobriété […], par exemple pour l’évolution du trafic aérien, car c’est celui qui a le plus de  cobénéfices ». Dans le même sens, Greenpeace France souligne l’absence dans la SNBC  de mesures « sur la réduction du transport aérien, dont les émissions continuent de croître ». 

« L’évaluation chiffrée de la baisse de la consommation de viande », doit également être  intégrée, estime Anne Bringault. 

 


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Des incohérences concernant l’alimentation pointées par Greenpeace 

  

En effet, la SNBC ne fixe aucun objectif de réduction de la consommation de viande, mais prévoit une réduction des émissions du secteur de l’agriculture de 54 % en 2050 par rapport à 1990. Cette réduction doit passer, entre autres, par une évolution des systèmes d’élevage « notamment en développant les pratiques agroécologiques et en améliorant la gestion des troupeaux », selon le document. 

 « Pourtant, en parallèle de cette SNBC, le gouvernement agit activement pour accélérer l’industrialisation de l’élevage  », critique Greenpeace. Elle dénonce sa “proposition” de “sortir les élevages industriels” de la réglementation sur les installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). « Le gouvernement esquive les objectifs de réduction de la consommation de viande en appelant à se référer à la future SNANC (Stratégie nationale pour l’alimentation, la nutrition et le climat) alors même que cette dernière fait l’objet de sabotage autour de sa publication, par le gouvernement lui-même, et que les objectifs sur la viande y sont constamment contestés et obstrués », dénonce également l’association. 

Le texte de la SNBC doit désormais être adopté au printemps 2026, après les consultations de plusieurs instances, et la soumission à une consultation du public par voie dématérialisée. « L’ultime consultation qui débute sera l’occasion de renforcer ces leviers avant une publication définitive par l’État », met en avant Anne Bringault.

 

Élisabeth Crépin-Leblond 

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