Aller au contenu principal
Par Carenews INFO - Publié le 27 mai 2021 - 12:00 - Mise à jour le 31 mai 2021 - 14:46 - Ecrit par : Lisa Domergue
Recevoir les news Tous les articles de l'acteur

Guillaume Poignon (Atelier Emmaüs) : « L’économie circulaire n’a de sens qu’avec du social »

Nous avons rencontré Guillaume Poignon, directeur-fondateur de l’Atelier Emmaüs, l’un des trois ateliers de Stüdio Emmaüs. Depuis 2017, ce collectif porte l’artisanat et le réemploi au service de l’insertion sociale.

L'Atelier Emmaüs propose également une gamme de meubles fabriqués en série à partir de bois de récupération. Crédit photo : Jérôme Pantalacci.
L'Atelier Emmaüs propose également une gamme de meubles fabriqués en série à partir de bois de récupération. Crédit photo : Jérôme Pantalacci.
  • Pouvez-vous nous présenter Stüdio Emmaüs et ses trois ateliers (Atelier Emmaüs, Les Résistantes et ReCréateurs) ? 

L'Atelier Emmaüs, les Résistantes et les ReCréateurs sont trois initiatives nées séparément, chacune avec son propre ADN. En 2018, on a choisi de les rassembler sous la bannière de Stüdio Emmaüs pour des opérations qui concernent les trois ateliers comme des opérations de commercialisation, de visibilité et, depuis peu, de transmission de savoir-faire à d’autres Emmaüs.

L’Atelier Emmaüs est une menuiserie d’agencement. On crée des agencements sur-mesure pour des particuliers et des professionnels dans la métropole de Lyon. Les Résilientes est un studio de design porté par Emmaüs Alternatives. Il fait intervenir des salariés en insertion à l’occasion d’ateliers de design participatifs où sont créées de nouvelles collections. Quant aux ReCréateurs, c’est un atelier à « deux têtes » qui se concentre sur le travail du bois et la couture. 

Les trois ateliers répondent à des démarches différentes, mais très complémentaires. Finalement, ce qui les rapproche, c'est de lutter contre l’exclusion avec des outils nouveaux.

 

  • Une des particularités de Stüdio Emmaüs est de travailler avec des salariés en insertion. Quel public formez-vous ?

Le terme « insertion » s’applique bien aux ReCréateurs, porté par Emmaüs Défi et aux Résilientes, porté par Emmaüs Alternatives. Les Résilientes travaille majoritairement avec des chômeurs de longue durée. Les ReCréateurs forment les personnes qui sont à la rue, en situation de très grande exclusion dans le cadre du programme « Premières Heures ». C’est le tout premier dispositif d’insertion dans le parcours des personnes exclues. Ce sont des contrats de quelques heures par semaine qui proposent une insertion progressive et adaptée.

En revanche, à l’Atelier Emmaüs, on met en œuvre des stages d’initiation qui ne sont pas dans le champ de l’insertion au sens administratif du terme même si sa mission relève bien d’une mission d’insertion. On parle donc d’encadrement. Les personnes accueillies sont encadrées par des menuisiers et des ébénistes.

 

  • Répondez-vous à une logique d’upcycling ?

Chez Stüdio Emmaüs, on s’attache à définir l’upcycling comme l’utilisation d’une matière rebutée qui soit plus qualitative que son usage précédent. Ainsi, les ReCréateurs, comme l’Atelier Emmaüs, vont prendre des rebuts  de bois ou de tissus pour en faire de nouveaux objets designés par des professionnels. 

Pour les Résilientes, c’est un peu différent, car il porte une attention particulière au design et à l’usage des différents matériaux. Il ne va donc pas seulement traiter le bois, mais aussi le papier, le carton, le tissu ou le plastique qu’il revalorise pour en faire des objets de décoration ou des meubles.

 

  • Où récupérez-vous les matériaux ?

Les ReCréateurs et les Résilientes ont en commun d’être adossés à une grande structure Emmaüs, respectivement Emmaüs Défi et Emmaüs Alternatives. Ils ont donc un gisement permanent de produits rebutés auprès duquel ils se fournissent exclusivement.

Étant créé indépendamment d’une autre structure Emmaüs, Ateliers Emmaüs a adopté une stratégie différente. On se fournit principalement auprès de l’industrie ou de détaillants de matériaux.

 

  • Pensez-vous que le réemploi des objets s’est démocratisé en France ? 

Depuis qu’on a créé le Stüdio il y a trois ans, je vois qu’on a fait du chemin. Quand on parle à des acteurs extérieurs au mouvement Emmaüs, que cela soit des journalistes ou des partenaires intéressés par nos créations, ils sont de moins en moins interrogés et surpris par notre démarche qui est de plus en plus perçue comme logique et construite. Ce n’est pas forcément de notre fait, c’est aussi l’environnement qui évolue avec nous. Quand on dit qu’on fait de l’artisanat et du design à un niveau de qualité au sein du mouvement Emmaüs, ça apparaît certes comme un contraste, mais pas comme une idée folle.

Aussi, l’Atelier Emmaüs est présent dans des sphères telles que l’Ameublement français, l’organisation professionnelle des fabricants de meubles en France. D’importants industriels et de grandes maisons de meubles en font partie. Lorsqu’on leur explique ce qu’on fait, on est désormais pris au sérieux. J’ai l’impression qu’on nous ouvre des portes, l’upcycling est désormais dans la cour des grands. 

 

  • En quoi Stüdio Emmaüs s’inscrit-il dans l’économie circulaire ? 

Bien sûr, les trois ateliers de Stüdio Emmaüs sont des partisans et des acteurs de l’économie circulaire qui a toujours été le premier moyen pour Emmaüs, depuis 70 ans, e réaliser sa mission. Cependant, le sujet de l’économie circulaire n’a de sens que  s’il est fait avec du social, avec une attention portée aux hommes et aux femmes qui habitent sur un territoire.

En effet, notre premier combat est social : lutter pour la dignité de tous par le travail. Le premier moyen, c'est une activité d’artisanat et de design avec des matériaux de récupération. Ce n’est pas anodin que cela soit le premier moyen, car cela localise notre activité puisque la récupération ne peut être sincère, en terme écologique, que si elle est locale. Cela n’aurait aucun sens de faire venir des matériaux de récupération à 500 kilomètres. C’est donc aussi une affaire de territoire. Et lorsqu’on s’intéresse profondément à un territoire, on s’intéresse à ses exclus. 

 

Propos recueillis par Lisa Domergue 

Fermer

Cliquez pour vous inscrire à nos Newsletters

La quotidienne
L'hebdo entreprise, fondation, partenaire
L'hebdo association
L'hebdo grand public

Fermer