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Par Carenews PRO - Publié le 17 juin 2021 - 09:00 - Mise à jour le 19 juillet 2021 - 17:51 - Ecrit par : Christina Diego
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Raison d’être : Alexandre Menais, SG d’ATOS, répond à nos questions

À l’occasion des deux ans de la loi PACTE, promulguée le 29 mai 2019, nous avons rencontré Alexandre Menais, secrétaire général d’ATOS, première entreprise du CAC 40 à avoir ancré sa raison d'être dans ses statuts. Quels changements cela induit ? Entretien.

Rencontre avec Alexandre Menais, secrétaire général d’ATOS sur la loi Pacte et Raison d'être. Crédit : DR
Rencontre avec Alexandre Menais, secrétaire général d’ATOS sur la loi Pacte et Raison d'être. Crédit : DR

 

 

  • Deux ans après l’entrée en vigueur de la loi PACTE, quel regard portez-vous sur le nombre fleurissant d’entreprises qui se dotent d’une raison d’être ? 

 

C’est le signe que toutes les entreprises et leurs dirigeants sont en train de comprendre qu’elles peuvent contribuer à un destin commun. Et c’est remarquable. Mais ce n’est pas un hasard. Nous sommes dans une crise qui revisite le positionnement de chacun, le rééquilibrage entre le rôle de l’État, celui de l’entreprise et des individus.  Il est important de comprendre pourquoi les entreprises en sont arrivées à cette réflexion. Elles sont conscientes d’avoir une mission implicite, de participer à l’enrichissement d’un progrès collectif, dans un nouvel ordre social. Dans de nombreuses sociétés, il existe une réflexion sur le « monde meilleur ». Les entreprises sont confrontées, dans leur quotidien, aux questions des inégalités, à la destruction des ressources naturelles, à la restriction des libertés. Et le capitalisme n’apporte pas toutes les réponses. Il y a eu des progrès grâce à la RSE. Il y a plus de transparence, plus de règles. La RSE, qui est très axée sur le développement durable et l’environnement, a fait progresser les organisations. 

 

  • Quels changements avec la loi PACTE ?   

La loi PACTE a permis une accélération au-delà des intérêts simples des actionnaires en intégrant un intérêt social élargi. Et elle pousse aussi les entreprises à communiquer différemment en montrant leur engagement et leur fidélité vis-à-vis de leurs clients et collaborateurs. L’entreprise n’opère plus seule. Elle est dans un écosystème qui comprend les pouvoirs publics, les clients, les partenaires, les futurs talents, etc. 

L’entreprise a donc intérêt à favoriser cet alignement. Et elle va donc faire prospérer tout cet ensemble vers un haut niveau d’exigences sociale et environnementale C’est la nouveauté. C’est cette mission que l'entreprise se donne pour agréger cet ensemble à une croissance durable et qui ait du sens. Cette croissance durable doit être rentable, a réaffirmé à ce sujet Bruno Le Maire. Une des missions d’une entreprise est de créer de la valeur et de la richesse qui doivent être alignées avec des actions d'engagement plus larges et sur une certaine durée.  Les éléments financiers, aujourd’hui, ne sont pas exclusifs à la croissance d’une entreprise. Celle-ci peut très bien être rentable et croître à partir du moment où elle intègre des éléments extra-financiers.   

 

  • Comment la raison d’être vient-elle bousculer les engagements des instances dirigeantes ? 

 

La raison d’être doit être incarnée. Le dirigeant, aujourd’hui, doit contribuer à un destin commun. Ce n’est pas possible autrement. Cette incarnation doit être vécue au quotidien par les collaborateurs. Il ne peut pas y avoir une absence de convergence entre tous les éléments qui représentent l’identité d’une entreprise. Je pense notamment à l’ambition stratégique, les objectifs financiers courts ou moyens termes, la marque employeur, les objectifs de RSE, et bien d’autres. On s’aperçoit que, souvent, il peut y avoir un manque d'alignement. La raison d’être permet une cohérence de tous ces éléments. Et c’est au dirigeant de porter cet alignement. Il faut pour cela, un changement de culture et un nouveau modèle de leadership, avec empathie, courage et bienveillance. Cette crise, par ailleurs, a permis de rétablir la confiance en l'entreprise et donc de revaloriser le capital humain des organisations en le plaçant au cœur de tout.

Enfin, il existe également une attente chez les nouvelles générations du sens qu’elles veulent donner à leur travail. Et ce sens doit être incarné par le dirigeant. Vu l’incertitude du monde, on a besoin de patrons qui peuvent répondre à la question de ce que sera le monde de demain. À ce titre en tant que dirigeant je me positionne plus comme un chief vision officer.

 

  • De nombreuses entreprises, devenant « à mission », peinent encore à convaincre de leur véracité. Comment expliquez-vous cela ?   

Il existe une certaine ambivalence sur la responsabilité de l'entreprise. Avec la crise du Covid, les organisations ont eu du mal à se positionner au départ. Aujourd’hui, l’entreprise doit faire un choix. Et répondre à la question de sa responsabilité. C’est très important. Elle fait partie d’un écosystème, plus large, composé de nombreuses parties prenantes. Elle doit répondre à la place qu’elle souhaite occuper dans la société. Déclarer les contours de sa raison d’être et donc une responsabilité au-delà de son objet social, c’est aussi décider de ne pas être responsable de tout.

La raison d’être oblige à un engagement et à un sens éthique fort de la part des dirigeants. Elle nécessite un alignement et une convergence entre toutes les composantes de l’identité d’une entreprise. C’est la clé. À partir du moment où il n'y a pas cette cohérence, c’est ce qui s’est passé chez Danone, cela ne fonctionne pas. On ne peut pas avoir la moitié de son business qui est décorrélé de ses engagements.

 

  • Avez-vous des exemples ? 

Chez Atos, la raison d’être se traduit par la volonté de façonner l’espace informationnel. Elle se décline à la fois par la sécurisation des technologies de l’information, avoir une empreinte carbone réduite du digital et favoriser une excellence technologique. À titre d’exemple, sur la partie développement durable, nous avons décidé d’investir dans la décarbonation. Nous sommes donc totalement alignés sur notre raison d’être. Et nous en avons fait un business. En tant qu’entreprise, nous nous sommes lancés sur la décarbonation de notre activité et en même temps, nous avons créé de la valeur en proposant à nos clients un système qui leur permet de transformer leur système d'information en réduisant leur empreinte carbone. Et on s'engage au-delà avec la compensation carbone. Il y a bien un alignement entre les objectifs commerciaux, ceux de la RSE, de la marque employeur et la stratégie de l'entreprise qui sont agrégés autour de la raison d’être et qui créent de la valeur pour l’entreprise. C’est cette cohérence qui est importante.

 

  •  Entre engagement social et environnemental, comment se situe la raison d’être par rapport à la RSE ? 

 

La RSE a précédé la raison d’être en ne répondant pas à toutes les attentes que le capitalisme n'apportait pas. Je pense à un point essentiel, la place du capital humain dans les organisations. La RSE est une agrégation d’indicateurs assez techniques qui ne mesurent pas forcément l’indicateur de richesse humaine et c’est cela dont on parle dans la raison d’être. Le capital humain, c’est être capable de faire appel aux compétences extra-professionnelles d’un collaborateur et de dépasser l’origine de sa formation. C’est de faire de l’expérimentation un modèle de développement des Hommes et des organisations. La RSE ne traite pas ces sujets. Le capital humain, c’est par exemple quand nous formons des ingénieures femmes au Sénégal. C’est un moyen d’émancipation des femmes et cela va créer de la valeur pour Atos, parce qu’on va avoir des ingénieures très opérationnelles. 

 

  •  Au final, comment va-t-on mesurer l’impact de la raison d'être d'une entreprise ? 

Chez ATOS, par exemple, la mesure de l’impact de la raison d’être se situe à trois niveaux. En premier, il s’agit d’apprécier la valeur d’un écosystème, à savoir la richesse de ses partenaires, de ses relations avec les pouvoirs publics, d’attraction des nouveaux talents, de la capacité à former des jeunes.

En second, c’est la définition d’une valeur globale, en intégrant les éléments financiers et les  indicateurs extra-financiers. Dernier point, on va prendre l'indicateur de la richesse humaine, le capital humain. La raison d’être est au-dessus de tout et elle assure la cohérence et la convergence entre la RSE et les objectifs des entreprises. La raison d’être doit être portée par le dirigeant et c’est bien ce que j’appelle la « révolution calme » et sociétale des entreprises, dans le livre « Raison d’être, engagement et responsabilité : l'entreprise au-delà du capitalisme ».

 

 

Christina Diego 

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