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Par Chroniques philanthropiques par Francis Charhon - Publié le 25 février 2024 - 18:01 - Mise à jour le 25 février 2024 - 18:01
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La Coalition Générosité [4] : confiance et transparence en philanthropie. Interview d'Isabelle Gougenheim et François Content, Ideas

La question de la confiance est essentielle dans la relation entre associations et fondations avec les donateurs mais aussi avec les journalistes, les pouvoirs publics et toutes les parties prenantes. Les organisations ont fait un important travail de transparence en créant ou soutenant leurs propres organisations de contrôle ou d’accompagnement agissant de façon indépendante. Elles sont deux : le Don en confiance et l’institut IDEAS, chacune dans la coalition générosités, elles seront successivement portées à la connaissance des lecteurs. Cette interview croisée d’Isabelle Gougenheim, ancienne présidente, et François Content, président actuel, éclairera le fonctionnement de l’institut IDEAS et ses projets.

Coalition Générosité : confiance et transparence en philanthropie. Interview d'Isabelle Gougenheim et François Content, Ideas. Crédits photos : DR.
Coalition Générosité : confiance et transparence en philanthropie. Interview d'Isabelle Gougenheim et François Content, Ideas. Crédits photos : DR.
La Coalition Générosité

Il existe des alliances sur des thèmes ou projets spécifiques dont nous avons traité certaines dans le blog, mais il s’est aussi mis en place une structuration des acteurs de la philanthropie pour assurer une bonne gouvernance, une fiabilité et favoriser le développement des activités du secteur non lucratif. Leur rôle est aussi de défendre les acquis des dernières années, la liberté associative et pour ce faire être interlocuteurs des pourvoir publics. C‘est la Coalition Générosité.

Elle repose sur :

Quatre entités élues par leurs membres :

 

Deux organismes de contrôle : 

 

Deux organismes qui ont pour mission de professionnaliser les pratiques professionnelles :

  • - l’IDAF pour les dirigeants des associations et fondations
  • - l’AFF pour les fundraisers.

 

À noter qu’aux côtés du CFF, on trouve Un Esprit de Famille, et d’ADMICAL Les Entreprises pour la Cité.

 

Cette rencontre est la quatrième d’une série qui permettra de comprendre cette structuration et les acteurs qui l’animent.


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Confiance et transparence : deux piliers de la philanthropie

  • Isabelle Gougenheim, vous avez été présidente de l’institut IDEAS durant neuf années, peut-on connaître les raisons de sa création, les débuts de l’institut, et pouvez-vous nous dire ce qu’est IDEAS ?

 

Isabelle Gougenheim : La création de l’institut IDEAS date de 2005. Les années 2005 à 2010 ont été fondatrices, et ont permis de rassembler et de faire dialoguer des parties prenantes d’horizons très variés : philanthropes, associations, mécènes, métiers du chiffre, experts. Elles ont été consacrées à la mise en place progressives des différentes composantes d’un dispositif unique de labellisation : un comité expert, créateur d’un guide des bonnes pratiques, une équipe de conseillers bénévoles pour accompagner les structures volontaires, et, en 2010, un comité label, pleinement souverain.

La naissance d’une organisation d’accompagnement des associations et fondations

  • Tout d’abord quelle est la signification de IDEAS ? 

 

Isabelle Gougenheim : IDEAS est l’Institut pour le Développement de l’Éthique et de l’Action pour la Solidarité, constitué sous forme d’association Loi 1901. L’institut a été créé par Hélène Dranssart, ingénieure de formation, qui à l’époque travaillait sur la philanthropie dans une grande banque, BNP Paribas. Elle s’est penchée sur la question de faire converger les attentes des associations et des financeurs. L’objectif de « convergences philanthropiques » qui était affiché était cependant très complexe, peut-être précurseur à cette date. Nous l’avons progressivement traduit et mis en œuvre comme l’élaboration d’un langage commun aux financeurs et aux associations, qui n’avaient pas toujours le bon niveau de dialogue.

Un dialogue équilibré entre financeurs et associations

  • Quel était ce dialogue ? 

 

Isabelle Gougenheim : Le besoin de comprendre les attentes et les besoins de chacune des parties prenantes, ce qui passe par des informations claires et compréhensibles par tous. Le comité expert les a traduites par les 120 indicateurs du guide IDEAS de 2008, que nous avons d’emblée appelés « bonnes pratiques ». Elles visent à éclairer les financeurs qu’ils soient privés, publics ou institutionnels, sur le bon fonctionnement de l’association, son projet associatif, sa stratégie, sa transparence financière, sa méthode de prévention des risques, tout un ensemble d’éléments qui ressemblent aux questions que peuvent se poser une petite entreprise. Comment je fonctionne ? Qu’est-ce que je fais ? Avec qui vais-je travailler ? Quel reporting dois-je faire et à qui ? Et comment j’anticipe des risques comme les risques de réputation, les risques financiers ? Nous avons beaucoup approfondi ce chapitre-là par la suite. 

 

  • Vous avez donc créé des groupes d’indicateurs ?

 

Isabelle Gougenheim : Exactement, déclinés au sein de trois grands thèmes : gouvernance, gestion financière, pilotage & évaluation.

La troisième famille « évaluation » était très peu abordée à cette époque, pourtant pas si lointaine.

 

  • C’est-à-dire de rentrer dans le cœur du fonctionnement des organisations. 

 

Isabelle Gougenheim : Tout à fait, avec une approche de la « gouvernance » très approfondie, un travail de fond essentiel pour amener les associations à se questionner sur leur projet associatif. Même si cela paraît évident, il n‘est pas toujours très clair dans les statuts, parfois pas exprimé, ni très partagé. C’est vraiment déterminant car c’est le fondement de l’association auquel il faut se référer en toutes circonstances. 

L’accompagnement des organisations : un chemin de progrès structurant

  • Comment procédez-vous en pratique lorsque l’on vous sollicite pour être labellisé IDEAS ? Je comprends vous n’êtes pas une organisation de contrôle.

 

Isabelle Gougenheim : La réponse est dans la chronologie de la création d’IDEAS : nous nous sommes rapidement rendu compte que le guide IDEAS ne pouvait pas vivre tout seul, et qu’il fallait proposer un accompagnement aux associations, aux fondations et aux fonds de dotation qui voulaient s’engager dans un processus d’amélioration de leurs pratiques. Très vite, nous avons mis en place une démarche, que l’on peut comparer à une démarche qualité, car ce travail structurant nécessite une mobilisation interne forte du candidat pour s’approprier les éléments du référentiel. C’est plus tard qu’est venue la création du label, clé de voute de l’aboutissement de ce processus : le label est un élément essentiel pour la mobilisation de l’organisme, et son attribution permet de communiquer et donner de la visibilité.  

L’attribution du label, par le comité label, correspond ainsi aux fondamentaux : un référentiel robuste, un contrôle externe par un tiers de confiance, un jury indépendant.

Depuis sa création, 92 associations, fondations et fonds de dotation ont obtenu le label IDEAS. 

 

  • En quoi consiste l’accompagnement ? 

 

Isabelle Gougenheim : Chaque organisation est accompagnée par deux bénévoles, qui commencent par établir avec elle un diagnostic de la situation de l’organisation au regard des 90 bonnes pratiques. Ils élaborent ensuite le plan d’action et son calendrier pour la mise en œuvre des chantiers attendus. C’est un temps plus ou moins long selon la capacité de mobilisation au sein de l’organisation accompagnée. Aujourd’hui, l’équipe d’accompagnement comporte 170 conseillers bénévoles, que nous formons au guide des bonnes pratiques, et sur différentes thématiques avec l’appui d’experts extérieurs.  

Des conseillers bénévoles aux profils diversifiés et experts

  • Qui sont ces bénévoles ?

 

François Content : Ils sont pour moitié en activité, pour moitié retraités, avec 50/50 hommes-femmes et des parcours professionnels très différents. Il y a à la fois des personnes qui ont exercé d’importantes responsabilités dans de grandes entreprises, que ce soit en RH, en finances, en audit, en conduite du changement, stratégie ou démarche qualité, ou des experts des métiers du chiffre, des juristes… Les rencontres que nous organisons régulièrement témoignent des qualités de ces bénévoles, de leur haut niveau d’engagement et de leur bienveillance. Ils sont en moyenne à nos côtés pour 6 à 8 ans, signe de leur intérêt et satisfaction personnelle, ce dont nous nous réjouissons. Nous portons en effet une grande attention à leurs attentes, et leur proposons différentes occasions de rencontres, partages d’expériences… une véritable communauté ! 

Le guide de bonnes pratiques : un outil novateur pour une approche à 360° de l’organisation

  • Au début vous avez donc votre référentiel des 120 points de contrôle… 

 

Isabelle Gougenheim : Non, ce sont des bonnes pratiques, des objectifs, en aucun cas des points de contrôle, la confusion est fréquente, et l’on peut la comprendre tant les démarches de contrôle se sont multipliées en 30 ans. La méthode propre à IDEAS est d’interroger ceux qui postulent pour analyser leurs pratiques en regard de tous les points du référentiel et voir comment elles peuvent évoluer. 

IDEAS, une organisation apprenante à l’écoute des évolutions de son environnement

  • Quand vous arrivez à la présidence, il y a donc une certaine structuration et un référentiel. Pendant vos neuf années à la présidence quelles sont les évolutions ?

 

Isabelle Gougenheim : Elles sont nombreuses ! Le premier challenge était de bien organiser l’institut par rapport à ce guide des bonnes pratiques. IDEAS est une petite association, mais nous avons considéré que nous devions prendre en compte ces bonnes pratiques pour nous-mêmes. 

François Content : Nous avons ainsi mieux organisé l’association, en faisant évoluer les statuts, pour inscrire la dimension éducative dans l’objet et décrire plus précisément la mission de recherche-action de l’institut. Depuis 2015, nous organisons le retour d’expérience de nos missions de terrain pour nourrir l’élaboration des bonnes pratiques.

Le comité expert a ainsi complété le guide IDEAS en 2017, avec les thèmes de la RSO et de la mesure d’impact et enrichi le volet « gestion des richesses humaines ». Le président du comité label se fait également l’écho des questionnements de ses membres et des nouvelles questions qui se posent. 

Nous considérons l’institut comme une organisation apprenante, au service de l’éducation aux bonnes pratiques associatives et philanthropiques.

Sur le plan de la gouvernance de l’institut, nous avons créé un comité d’audit, et ouvert plus largement la vie associative, grâce à la représentation des bénévoles au Conseil d’administration.  

À l’origine, il y avait les trois membres fondateurs, la Compagnie nationale des commissaires aux comptes, le Conseil national des Experts Comptables et la Caisse des Dépôts, et six ou sept personnes qualifiées. Aujourd’hui, l’association compte plus de 100 membres.

Nous avons fait le choix de placer les bénévoles au cœur de la vie associative de l’institut, et nous avons donc proposé aux conseillers bénévoles d’adhérer à IDEAS, avec succès dés la première année.

IDEAS a toujours porté une grande attention à ce que sa gouvernance soit indépendante des associations et des fondations accompagnées qui postulent au Label, et elles ne sont donc pas membres de l’association.

 

  • Et les comités ?

 

Isabelle Gougenheim : Les comités expert et label ne font pas partie des instances de gouvernance de l’institut. Si les membres du comité expert sont nommés par le conseil d’administration, qui garantit la représentation de cinq associations et fondations labellisées, ce n’est pas le cas du comité label, instance indépendante, qui élit ses membres et son président en toute indépendance. 

Ces deux comités veillent à assurer une grande pluralité de profils dans leur composition. On y retrouve les experts du monde associatif, de la philanthropie, des métiers du contrôle, ou d’institutions publiques 

Le comité label est actuellement présidé par Yannick Blanc, le comité expert par Paul Prudhomme, qui a été le deuxième président de l’Institut.

L’équipe opérationnelle, pilotée par la déléguée générale, Suzanne Chami, compte une responsable de la communication et une personne à temps partiel qui assure avec elle, le recrutement et la formation des conseillers bénévoles, et le pilotage des missions d’accompagnement.

Élargir et augmenter la diffusion des bonnes pratiques

Isabelle Gougenheim : Revenons sur les évolutions. Nous avons enrichi notre dispositif d’éducation aux bonnes pratiques associatives en créant un outil d’autodiagnostic, qu’on appelle l’Autodiag, accessible en ligne, qui rassemble une vingtaine de questions issues du guide IDEAS. L’objectif de l’Autodiag est d’aider les organisations qui ne souhaitent pas s’engager d’emblée dans la démarche de labellisation. 

Il leur permet d’améliorer leur gouvernance, leur transparence, de monter en compétences de façon complètement autonome. Cet Autodiag est très utilisé par des structures petites et moyennes.  Plus de la moitié sont situées hors Île-de-France, car nous voulions sortir de notre zone géographique initiale et c‘est fait ! C’est également un outil de travail utile, pour tout type d’organisation, pour interroger la gouvernance ou le fonctionnement interne.

Nous proposons également tout au long de l’année, des ateliers de formation, construits en partenariat avec les experts du secteur, comme la Fonda, le Rameau, ou le Mouvement associatif, sur des thématiques clés telles que le modèle socio-économique, les pratiques de coopération ou l’évaluation.

 

  • IDEAS travaille avec les associations, fondations, fonds de dotations, quels que soient leur taille et leur objet d’intérêt général ?

 

Isabelle Gougenheim : Oui, la démarche est ouverte sans conditions, sous réserve que l’objet ne soit pas limité à un public restreint. Nous continuons en outre à enrichir notre offre de solutions pédagogiques pour toucher toujours plus d’associations, fondations et fonds de dotation.

Nous proposons ainsi une série web, « Témoins engagés », sous la forme de courts témoignages d’un dirigeant associatif, qui explique comment il a mis en œuvre une bonne pratique, les difficultés éventuelles rencontrées, les résultats, et une partie prenante qui décrit en quoi cela a bénéficié à l’organisation. 

La crise sanitaire nous a conduit à développer notre offre de webinaires. Nous proposons des formations en ligne gratuites, souvent à plusieurs voix, avec des partenaires, pour un public élargi. Ce sont des outils très pédagogiques, accessibles à tout le monde et les chiffres de participation démontrent leur succès. 

Il s’agit de développer une offre largement accessible à des structures pouvant se sentir éloignées de ces bonnes pratiques qui peuvent leur paraître complexes. Notre rôle est de les aider de toutes les manières possibles. Nous nous considérons comme acteur d’une mission d‘intérêt général, quasiment de service public.

 

  • Le début d’IDEAS a été assez progressif. Il y a eu un tournant par l’arrivée de fondations importantes. Je me tourne vers François Content, avec son ancienne casquette de directeur général d'Apprentis d’Auteuil.  Pourquoi avez-vous décidé de rejoindre IDEAS ? Cela correspondait-il davantage à votre mode de fonctionnement ? Était-ce une démarche qui vous paraissait de nature à renforcer votre organisation ? 

 

François Content : D’abord, cela a été la découverte du recueil de bonnes pratiques alors que notre fondation avait une grosse mise à jour à faire. J’étais sur ce travail de rénovation et de lancement de bonnes pratiques. Aussi, j’ai trouvé dans le guide IDEAS une démarche intéressant dans laquelle je me reconnaissais bien. La deuxième chose a été que le Comité de la Charte, devenu Don en confiance, dont nous avons participé à la création était une association avec des membres adhérents, ce modèle ne nous convenait plus ; aussi sommes-nous partis. 

 

  • L’arrivée chez IDEAS a donc été pour vous une valeur ajoutée importante.  

 

François Content : Je me servais du guide dont je reconnaissais la pertinence avant même de rejoindre IDEAS et d’être accompagné par eux donc c’était bien utile.

La coopération comme principe d’action

  • Cela a donc représenté un apport aussi pour IDEAS.

 

Isabelle Gougenheim : Oui. Nous travaillions souvent ensemble avec Apprentis d’Auteuil. Nous avions ainsi animé, il y a quelques années, lors de la rencontre annuelle des fondations organisée par le CFF à Annecy, un atelier autour de la cartographie des risques.

Nous avions en effet constaté, lors de l’accompagnement initial de cette Fondation, que son approche de la cartographie des risques était particulièrement aboutie, ce qui nous a d’ailleurs permis d’enrichir la méthodologie sur cette thématique clé du guide IDEAS. 

 

  • C’était une approche novatrice parce que la cartographie des risques n’était pas à l’époque du tout dans la connaissance et la pratique des organisations non-gouvernementales.

 

François Content : Nous avions un autre principe à Apprentis d'Auteuil. Comme nous étions financés pour moitié par des dons et pour moitié par des financements publics, un euro d’argent public ou un euro de don devait  être traité avec la même exigence et la même transparence. C’est pour cela que nous avons entre d’autres développé cet outil.

Un modèle économique à renforcer

  • Quel est votre modèle économique ?

 

François Content : Au départ, nous avions trois fondateurs qui nous finançaient. L’un nous a quitté, la Caisse des dépôts qui a désormais adopté une approche plus financière et n’accorde plus que des prêts remboursables avec intérêts. Les deux autres fondateurs sont les institutions représentatives des experts-comptables et des commissaires aux comptes. Nous bénéficions également d’une subvention publique, régulière dans le temps, et c’est une marque forte de reconnaissance de l’utilité de notre action. 

Nous nous sommes dit qu’il était indispensable d’élargir et de renforcer notre assise institutionnelle pour conforter le développement de notre organisation. Nous avons créé des liens de longue date avec des associations de référence comme la Fonda par exemple, qui vient de nous rejoindre comme membre associé. 

Une modification récente des statuts permet d’avoir comme des membres des organismes qui partagent notre vision et nos valeurs et qui nous soutiennent. Nous sollicitons par ailleurs les associations et fondations accompagnées pour un don solidaire qui contribue au développement de notre mission d’intérêt général. 

 

  • Ces contributions volontaires ne sont pas obligatoires.

 

François Content : Bien sûr que non et nous limitons ce volume de contributions à 30 % environ des ressources financières d’IDEAS. Ainsi, le modèle économique financier repose sur les fondateurs, les subventions publiques, les cotisations et les dons des bénévoles, et le mécénat.  

Au regard du faible montant de nos ressources financières, notre effet de levier est considérable grâce à la force du bénévolat.

 

  • Avez-vous des contributions en nature comme la mise à disposition de locaux, la mise à disposition de bénévoles ? 

 

François Content : Tout à fait, nous accueillons des personnes en mécénat de compétences, dont l’apport en expertise nous fait faire des progrès énormes. Nous avons aussi des dons en nature, comme ceux assurés par BNP Paribas : des locaux aménagés, des services de bureau... 

Mais notre modèle économique reste serré. 

 

  • C’est bien de le préciser, cela permet de comprendre que le système philanthropique pour s’organiser nécessite du soutien structurel et pas seulement des financements de projets. C’est quelque chose d’important.

 

François Content : Oui, surtout que nous avons fait le choix de l’intérêt général en rendant accessibles à tous l’ensemble de nos outils pédagogiques. Au début, nous ne parlions que du label, alors qu’il correspond à la fin d’un parcours. 

Maintenant nous insistons sur le circuit d’accession qui est proposé, à savoir l’accompagnement structuré et renforcé, et sur l’ensemble du dispositif qui contribue à la montée en compétences des personnes engagées dans les associations, qu’elles soient bénévoles ou salariées.

 

Isabelle Gougenheim : J’aimerais ajouter que nous avons réussi à créer une communauté à IDEAS, le Cercle IDEAS, où se rencontrent les dirigeants des organismes labellisés. C’est un lieu de partage d’expériences et de découvertes pour mutualiser les efforts sur certains projets par exemple. Mieux comprendre le collectif et les alliances possibles, c’est indispensable pour l’avenir.

Dans les récents progrès d’IDEAS, je voulais aussi insister sur le fait que nous avons gagné en reconnaissance et en légitimité. Nous sommes devenus partie prenante de la Coordination Générosités et d’un collectif de travail, le G10, composé des acteurs de l’écosystème de l’accompagnement. Par ailleurs, il y a deux ans, nous avons été co-rapporteurs d’une mission ministérielle, à l’initiative de Sarah El Haïry, sur l’évaluation de l’action associative au regard des politiques publiques, une belle reconnaissance du travail accompli depuis près de 15 ans.

Une reconnaissance et des perspectives de développement

  • François Content, vous êtes président d'IDEAS aujourd’hui. Avez-vous des objectifs en vue pour améliorer, pour transformer, poursuivre ? Qu’est-ce qui vous porte pour l’avenir ? 

 

François Content : Notre rôle, nous l’avons dit, est une mission d’intérêt général, donc de rendre accessible au plus grand nombre d’organisations sans but lucratif les bonnes pratiques de vie associative quelles que soient leur taille et leur âge, naissantes, moyennes ou grandes. Quand on se positionne dans ce domaine, on se rend compte qu’il y a énormément de besoins. Pour donner un exemple, la Caisse d’Allocations Familiales finance un grand nombre d’associations pour lesquelles elle n’a pas toujours une bonne visibilité sur le fonctionnement, la gouvernance, l’évaluation, etc. Grâce à des systèmes plus légers de diagnostic, et d’accompagnement sur mesure, on pourrait parfaitement contribuer à une meilleure compréhension des spécificités des associations par tous ces grands établissements que sont des têtes de réseaux, des bailleurs publics ou privés ou des grandes administrations.

 

  • Mais avez-vous les moyens de passer de 80 à 1 000 labellisés ou accompagnés ?

 

François Content : Nous pourrions réaliser pour ces bailleurs, ou pour des têtes de réseau, un Autodiag adapté pour permettre aux organismes concernés de s’auto-évaluer. À ce jour, 2 200 associations ont fait ce test, et nous avons donc considérablement élargi la sensibilisation à ces thématiques de transparence et d’efficacité. 

Notre démarche est d’intérêt général et nous recherchons des partenaires qui veulent soutenir cette mission d’intérêt général. À l’avenir, nous souhaitons proposer d’autres modalités d’accompagnement et de conseils adaptés, sans aller dans un projet aussi lourd que celui du Label qui est en quelque sorte un produit d’exception, et qui doit par ailleurs être encore mieux connu.

 

Isabelle Gougenheim : Il s’agit de diversifier notre offre, ce que nous avons commencé à faire. Pour les projets comme la série web Témoins engagés, l’Autodiag et la refonte du guide IDEAS, nous avons bénéficié du financement de deux fondations. Des projets de cette nature ne sont pas lancés si nous n’avons pas un financement dédié et des partenaires, ici deux fondations sur des durées pluriannuelles. Les projets ne manquent pas, l’Institut a besoin de partenaires engagés pour les développer.

La Coordination Générosités, une avancée majeure pour le secteur

  • Vous avez indiqué que vous faisiez partie de la Coordination Générosités. Pour vous, quel est le sens de cette coordination, son utilité ?

 

Isabelle Gougenheim : Quand nous sommes rentrés dans la Coordination générosités, elle rassemblait ceux qui voulaient être dans un espace commun au Forum national des associations et des fondations, pour mutualiser les coûts. Depuis celle-ci s’est structurée dans un objectif de collaboration et de plaidoyer commun.

 

  • C’était technique, mais pas politique ? 

 

Isabelle Gougenheim : Il y a probablement toujours eu un objectif de dialogue et proposition, mais il n’était pas réellement très actif. Depuis six ans, nous avons vraiment changé d’état d’esprit et avons partagé des questions générales, des interrogations, des plaidoyers. Le point fort a été l’élaboration d’un livre blanc au moment de la précédente élection présidentielle, piloté très activement par France générosités. Ce fut un moment formidable parce que nous nous sommes beaucoup vus et nous avons travaillé sur des questions fondamentales, concernant les politiques publiques. C’est toujours le cas sur plusieurs sujets, notamment sur le développement de la philanthropie.

 

  • Si on replace cela dans le cadre politique français, cette coordination n’est-elle pas l’outil de la reconnaissance par les autorités, le gouvernement et les parlementaires du secteur non-lucratif au service de l’intérêt général ? Est-ce que cela ne veut pas dire qu’il faudrait avoir des concentrations futures plus importantes encore ? 

 

Isabelle Gougenheim : Dans le livre blanc, il y a la demande d’une rencontre annuelle, un peu sur le modèle des états généraux. Ce projet avait un aboutissement prévu mi-2023, avec le secrétariat d’État de la Vie associative de l’époque. Reporté plusieurs fois, il reste néanmoins à notre agenda. L’idée est bien d’apparaître ensemble, dans une rencontre annuelle de la Coordination Générosités, pour voir nos actions reconnues comme essentielles et trouver des réponses aux questions qui nous occupent, et qui concernent des millions de citoyens. 

 

François Content : Si je peux me permettre, je pense qu’il faut que le groupe se rassemble sur les axes de convergences pour porter trois, quatre revendications générales pour un secteur assez mis à mal à travers le temps, avec la réduction d’un certain nombre de fiscalités, de libertés associatives, etc. Il faut donc vraiment créer un front commun.

 

Isabelle Gougenheim : C’est bien l’ambition portée par la Coordination Générosités. Nous poursuivons sur la base de ce livre blanc, malgré le temps perdu. Nous regrettons collectivement l’absence d’un interlocuteur dédié, porteur d’une vraie politique publique en matière de philanthropie et de soutien à la vie associative. Ce point n’a pas vraiment évolué, depuis l’initiative ambitieuse prise par Gabriel Attal, lorsqu’il était en charge, ou les propositions du rapport de Naima Moutchou et Sarah El Haïry, avec lesquelles nous avions travaillé.

 

  • L’éclatement des lieux de décision rend les choses difficiles ? 

 

Isabelle Gougenheim : Oui l’éclatement, ou l’absence de pilotage clair, malgré des déclarations encourageantes.

 

  • Souhaiteriez-vous ajouter un mot ?

 

François Content : La Coordination Générosités apporte la preuve que le secteur sait parler d’une seule et même voix. C’est important pour être entendu et pour faire reconnaitre le rôle essentiel des acteurs de la solidarité et de la philanthropie face à des enjeux sociétaux, environnementaux et économiques dont l’urgence n’est plus à démontrer. C’est un principe d’action qui nous guide également à IDEAS : faire ensemble et construire les coopérations au profit d’acteurs toujours plus efficaces dans leur mission d’intérêt général.

 

Propos recueillis par Francis Charhon.

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