Et si on plafonnait la rémunération du capital ?
Les inégalités sociales s’accroissent. En cause, notamment, la rémunération du capital au profit des plus riches percevant dividendes, rentes immobilières, intérêts… alors que les plus modestes perçoivent les seuls revenus de leur travail ou les minima sociaux. La question se pose de trouver des moyens pour redistribuer plus équitablement les profits des sociétés. Et si on plafonnait la rémunération du capital ?
Injustice sociale et fiscalité
Aborder le thème de l’injustice sociale après les longs mouvements de grève de 2019 et les manifestations des Gilets Jaunes dans notre pays n’a malheureusement rien d’original. La « crise » de la Covid 19 sert encore de révélateur : oui, les riches sont toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.
Au cœur de ce mal Français : une fiscalité qui favorise les revenus du capital au détriment des revenus du travail, une fiscalité qui permet à une minorité de s’enrichir aux dépens des plus modestes.
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Où en est-on du ruissellement ?
Selon un rapport de l’Insee du mois d'août 2020, relatif aux inégalités liées aux réformes fiscales de 2018, les 10% des Français les plus aisés concentrent « 79% du gain total de niveau de vie ».
Si l’on en croit les conclusions du deuxième rapport du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité, publié le 8 octobre dernier, réalisé sous l’égide de France Stratégie, la suppression de l’ISF et l’instauration de la « flat tax » (prélèvement forfaitaire unique dit PFU de 30%) ont contribué à doper les revenus des 0,1% des Français les plus aisés (38 000 personnes). Les dividendes distribués, plus concentrés, ont augmenté de 60 % en 2018 et les chiffres de 2019 sont prévus à la hausse ! Ces mêmes 0,1% ont perçu deux tiers des montants totaux (contre 50 % en 2017) tandis que les 0,01% des foyers fiscaux « ultra riches » en ont reçu le tiers (contre 1/5e en 2017).
Depuis que le législateur français a décidé de s’en tenir au PFU, les études s’accumulent qui montrent les faiblesses d’une mesure qui était supposée favoriser l’investissement. Si l’on compare la situation actuelle à celle de la réforme de 2013, « on ne voit pas d’impact sur l’investissement des entreprises » nous apprend Fabrice Lenglart, président du comité d’évaluation de France Stratégie. Entendez-vous ce doux bruit d’eau qui coule ? Non ? Moi non plus. Le ruisseau est à sec, ou peut-être n’a-t-il jamais été alimenté. La théorie du ruissellement mise en avant pour justifier une faible fiscalité du capital apparaît bien inefficace. La Fondation Jean Jaurès soulignait ainsi dans un rapport de 2018 que, depuis l’instauration de l’impôt sur le revenu en 1916 en France, la taxation des revenus du capital n’a jamais été aussi basse en comparaison de celles des revenus du travail (55 %).
Trouver des alternatives
Que penser d’une réforme dont les seuls bénéficiaires sont les plus riches ? Qu’il est urgent de s’y attaquer pour trouver des alternatives !
Plafonner la rémunération du capital pour redonner de l’oxygène aux personnes dont les seuls revenus proviennent du travail (ou des minima sociaux) apparaît socialement nécessaire pour éviter une fracture toujours plus douloureuse et explosive de notre société. On peut, par exemple, s’inspirer du travail effectué par Gaël Giraud sur le facteur 12 en créant un système qui limiterait l’attribution des dividendes pour redistribuer plus équitablement les profits des entreprises, tout en permettant des investissements nécessaires à leur croissance. On peut aussi imaginer des structures qui reprendraient le fonctionnement des Scop en permettant à un plus grand nombre d’individus d’être en capacité d’investir dans leurs sociétés.
Peut-on envisager ces réformes au niveau national ? Cela semble naïf tant l’évasion fiscale est une pratique rodée. Des réformes d’ampleur pourraient être mises en place dans l’hypothèse d’une harmonisation de la fiscalité européenne, à défaut d’une gouvernance mondiale, couplée à une réelle lutte contre la fraude fiscale sur le plan international.
On parle beaucoup du « monde d’après », un monde « après Covid » que nous appelons de nos vœux, plus vert, plus solidaire, plus féministe, plus social… Aurons-nous le courage d’affronter les réformes nécessaires pour y parvenir ?
Bröker Martin et Coradidi Ilham