Dans les associations, de nombreuses suppressions d’emplois en cours
Solidarité internationale, lutte contre la pauvreté, culture... Dans divers secteurs, de nombreuses associations se voient contraintes de procéder à des suppressions de postes. La baisse des financements publics est perçue comme la cause principale de ce phénomène.
En octobre, le Secours catholique annonce une « transformation profonde de son organisation » conduisant à réduire le nombre de postes en CDI « de 932 à 802 ». L’association de lutte contre la pauvreté se dit confrontée à « des contraintes financières auxquelles il est de plus en plus compliqué de faire face », mentionnant « l’aggravation de la précarité dans un contexte où les sources de financement sont en tension ».
Quelques jours plus tôt, Aides annonçait également des « suppressions de postes » dans le cadre d’un plan de licenciement collectif, « conséquence directe d’une impasse budgétaire persistante, reflet d’un désengagement plus large de l'État envers le secteur associatif de la solidarité, de la santé et de la lutte contre le VIH/ Sida ».
Depuis plusieurs mois, l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), qui sont en grande majorité des associations, alerte sur un « plan social à bas bruit » en cours. Licenciements pour motif économique, non-remplacement de départs définitifs, annulation ou report de recrutements... Une association sur trois (32 %) envisageait en septembre une réduction de sa masse salariale cette année, selon une enquête menée par le Mouvement associatif auprès de 4 300 structures. 90 000 emplois sont directement menacés « faute de trésorerie », indiquait l’organisation.
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Le budget 2025 a pénalisé les associations
Les motifs sont multiples : comme les entreprises, les associations ont fait face à l’augmentation des charges liées à l’inflation ces dernières années. En parallèle, des « choix et orientations budgétaires se traduisent par une baisse des financements publics », met en avant Hugues Pollastro, directeur général de l’Udes.
En 2025, des coupes ont notamment visé les crédits affectés à l’aide publique au développement, à l’insertion par l’activité économique ou au budget des collectivités territoriales, dont certaines ont pris la décision de diminuer leur soutien aux associations. Toujours selon l’enquête du Mouvement associatif, plus d’une association employeuse sur deux a constaté une diminution des subventions et commandes publiques, en 2025.
« L’instabilité politique » a empiré la situation, note Hugues Pollastro. En raison de l’adoption tardive du budget, les financements de l'État et des collectivités ont été versés avec plusieurs mois de retard.
Grandes ONG et petites associations concernées
Dans cette situation, les conséquences sur l’emploi se font vite sentir. La moitié des associations accompagnant des femmes victimes de violences envisageaient ou avait déjà entamé une réduction de la masse salariale cet été, d’après une enquête menée par la Fondation des femmes. Avec pour conséquence des fermetures de permanence et une dégradation de l’accompagnement. En cause là encore : la baisse ou le non-renouvellement de subventions et le retard dans les versements.
Si leur situation est moins médiatisée, les petites associations – près de 75 % des employeurs de l’ESS comptent moins de 11 salariés – souffrent également de ces dynamiques. « Sur quatre salariés en CDI, nous avons remplacé le départ volontaire de deux postes par deux CDD en alternance », témoigne Jean-Yves Breteau, responsable d’antenne et de la rédaction de Radio Alpa, une radio associative du Mans. Il qualifie cette décision de « consécutive à la suppression totale des subventions de la région Pays de la Loire ».
Ce qui nous navre le plus, c’est l’impact sur les bénéficiaires. »
Thierry Mauricet, directeur général de Première urgence internationale
Dans la solidarité internationale, un contexte critique
Dans la solidarité internationale, près de 5 000 emplois ont été supprimés en France et à l'international, soit 19 % de l’effectif de 62 ONG françaises, selon une enquête publiée fin novembre par Coordination Sud, le réseau qui les représente. Le budget français de l’aide publique au développement a été réduit de 4 milliards d’euros entre 2023 et 2025, d'après la même étude. D’autres pays ont diminué leurs financements, à commencer par les États-Unis, à la suite de l’investiture de Donald Trump.
« 50 équivalents temps plein ont été supprimés au siège, environ un tiers des effectifs. Les fonds américains représentaient 30 % de notre volume d’activité », indique Thierry Mauricet, directeur général de Première urgence internationale, qui mène des projets liés à la santé, la sécurité alimentaire, l’accès à l’eau et l’assainissement. Quatre des treize contrats en cours avec le bureau des affaires humanitaires étatsunien ont été suspendus en avril, en Afghanistan, au Yémen, au Liban et en Syrie. Des centaines de postes ont été supprimés sur le terrain.
« Ce qui nous navre le plus, c’est l’impact sur les bénéficiaires. On aide des gens qui ont besoin d’assistance humanitaire », souligne Thierry Mauricet. Il n’est pas optimiste pour 2026, estimant que la totalité des contrats avec les États-Unis seront suspendus, même s’il ne dispose pas d’information pour le moment. Le projet de budget français prévoit par ailleurs une nouvelle coupe de 704 millions d’euros dans l’aide publique au développement.
Des prévisions négatives pour 2026
En règle générale, avec le budget de 2026, les employeurs de l’ESS risquent de subir « un effet ciseau », note Hugues Pollastro : une augmentation des charges et une diminution des ressources, avec de nouvelles baisses de crédits concernant les associations.
De plus, la réduction des dotations aux collectivités pourrait une nouvelle fois affecter les financements qu’elles versent aux associations. Enfin, « les ministères peuvent décider d’aller plus loin et d’engager moins de financement que ce qui est prévu dans leur enveloppe », indique Hugues Pollastro.
Il faut s’interroger sur le système social que l’on veut en France.»
Hugues Pollastro, directeur général de l'Udes.
Un appel à davantage de soutien public
« Il faut s’interroger sur le système social que l’on veut en France : les associations interviennent dans des territoires qui peuvent être abandonnés, où elles continuent à créer du lien social, comme les territoires ruraux ou les quartiers prioritaires de la politique de la ville », insiste Hugues Pollastro. « Elles rendent aussi des services qui s’inscrivent dans le prolongement des actions portées par le service public : des Ehpad, des crèches, de l’aide à domicile, des activités périscolaires et sportives », souligne-t-il. Il appelle à un « vrai pilotage des politiques sociales » qui aille au-delà d’une stricte « vision budgétaire ».
Alors que les associations emploient 1,9 million de salariés, ce qui représente près de 10 % des emplois privés, il faut les « épargner (...) des coupes budgétaires à venir », selon le Mouvement associatif. Faute de quoi « l’année 2026 pourrait avoir des conséquences dramatiques pour le secteur », prévient l’organisation.
Célia Szymczak 