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Par Carenews INFO - Publié le 28 mai 2025 - 18:51 - Mise à jour le 28 mai 2025 - 18:52 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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Les associations de protection de l’environnement élèvent la voix contre la proposition de loi Duplomb

La proposition de loi Duplomb, du nom du sénateur qui l’a initiée, est en cours de discussion au Parlement. Visant à « lever les freins à l’exercice de la profession d’agriculteur », le texte est décrié par de nombreuses associations de défense de l’environnement. Face à la motion de rejet empêchant sa discussion à l’Assemblée nationale, elles demandent un débat public et politique.

Parmi les mesures les plus décriées, la ré-autorisation de l’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde. Crédit : iStock
Parmi les mesures les plus décriées, la ré-autorisation de l’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde. Crédit : iStock

 

La proposition de loi Duplomb fait monter les tensions. Tandis la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles (FNSEA) et Les Jeunes Agriculteurs manifestent dans différents endroits de France pour pousser à son adoption, différentes associations environnementales prennent la parole pour marquer leur opposition au texte. En début de semaine, plusieurs rassemblements ont eu lieu.

 

« Un ensemble de régressions environnementales », selon les ONG

 

« Accepter la proposition de loi Duplomb serait un retour en arrière toxique pour la santé publique et l’environnement », dénonce France Nature Environnement, venue manifester avec d’autres organisations devant l’Assemblée nationale mardi 27 mai. L’association dénonce dans un communiqué « un ensemble de régressions environnementales qui mettent en péril la santé humaine et celle des écosystèmes au bénéfice d’une agriculture industrielle à bout de souffle ». « Le soutien du gouvernement à ce texte est un très mauvais signal pour la transition agroécologique. », considère-t-elle.

« Voter la loi sur les contraintes agricoles entraînerait une régression profonde de la protection de la santé des consommateurs et de notre environnement ! », alerte également UFC-Que choisir dans une lettre ouverte. « Depuis la présentation de ce texte, de nombreuses voix s’élèvent et dénoncent un texte qui non seulement incarne un net recul environnemental, mais échoue en plus à apporter des réponses concrètes et adaptées à la crise qui secoue le secteur agricole », présente de son côté le CCFD-Terres Solidaires.

« La proposition de loi initiée par le Sénateur Duplomb, porte atteinte à toutes les avancées en matière de protection de la santé humaine obtenues depuis plus de 10 ans », renchérissent plusieurs organisations dans une lettre ouverte, dont le CIWF France, les Amis de la Terre, le WWF France, la Fondation pour la nature et l’homme, le Réseau action climat, Greenpeace, ainsi que le syndicat agricole Confédération paysanne.

 


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La ré-autorisation de l’acétamipride, une mesure jugée nécessaire par la FNSEA et destructrice par les ONG

 

Censée « lever les freins à l’exercice de la profession d’agriculteur », la proposition de loi Duplomb fait suite aux mobilisations du monde agricole en 2024. Présentée comme complémentaire à la loi d’orientation agricole, elle comprend plusieurs dispositions réduisant les obligations environnementales à l’égard des exploitations agricoles.

Parmi les mesures les plus décriées par les associations de protection de l’environnement, se trouve par exemple la ré-autorisation de l’acétamipride, un insecticide néonicotinoïde. Autorisé en Europe, ce pesticide a été interdit en France en 2018 - malgré plusieurs dérogations émises par la suite - en raison de son impact sur les insectes pollinisateurs. Sa réintroduction est demandée par la syndicat agricole majoritaire FNSEA et sa branche Les Jeunes Agriculteurs, notamment pour les filières de la noisette et de la betterave sucrière, qui souffrent, selon eux, de distorsions de concurrence et d’absence de réponses alternatives pertinentes pour protéger leurs cultures.

Un argument rejeté par les associations environnementales. « L’injonction à produire à tout prix se fait au détriment de notre santé, de la biodiversité, de la santé des sols, de la qualité de l’air et de l’eau, et de la capacité à produire des générations futures. Par contraste, des alternatives agroécologiques comme l’agriculture biologique ont montré qu’il est possible de produire sans pesticides, en respectant la santé des sols, la qualité de l’air et de l’eau et en se basant sur les équilibres naturels », met par exemple en avant France Nature Environnement.

« Ce texte démontre encore une fois la détermination des promoteurs d’une agriculture intensive désirant toujours produire plus, "quoi qu’il en coûte" pour notre santé et notre environnement », décrient également le CIWF France et les autres organisations.

 

Mégabassines, zones humides, autorisations environnementales…

 

Autre sujet de controverse : l’article 5 de la proposition de loi permettant de « faciliter les projets de stockage de l’eau présentant un intérêt général majeur ». Cette disposition est notamment soutenue par le Syndicat des irrigants de France, qui y voit « une des réponses au changement climatique ».

« Ces dispositions sont un cadeau de plus fait à quelques agriculteurs industriels, et desservent les capacités de production futures des agriculteurs et agricultrices déjà impliquées dans une gestion plus sobre et la juste répartition de la ressource en eau », considère de son côté France Nature Environnement. « La surface agricole irriguée ne représente que 6,8 % de la surface agricole utile (SAU), et les productions qui en sont issues ne servent que très peu à nourrir les Français et les Françaises », ajoute l’association appelant à une logique de « sobriété » et « d’adaptation ».

La création d’un conseil d’orientation agricole permettant au ministère de l’agriculture de contourner l’avis de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, la modification de la définition des zones humides, la suppression de l’obligation de séparation entre la vente et le conseil pour les produits phytopharmaceutiques ou encore l’assouplissement des procédures d’autorisation environnementales pour l’élevage sont également décriées par les associations.

 

Face à la motion de rejet, l’appel à un débat public

 

Au-delà du fond, de nombreuses associations s’indignent également de la manière dont le texte est discuté au Parlement. Lundi 26 mai, les partisans du texte ont en effet voté une motion de rejet préalable de la proposition de loi. Une stratégie, à première vue paradoxale, qui a eu pour effet de faire passer le texte directement en commission mixte paritaire sans prise en compte des 3 500 amendements déposés par les opposants.

Ce court-circuitage des débats à l’Assemblée nationale, défendu par les partisans du texte comme une manière « d’éviter l’obstruction », est vivement critiqué par les associations.

« L’avenir de notre agriculture méritait que le débat public et politique ait lieu. Nous sommes désormais face à un double scandale : celui de l’inconsistance sur le fond d’un texte qui, loin de répondre aux préoccupations des agriculteurs, menace la santé et l’environnement, et celui de la négation du débat démocratique », dénonce par exemple Mathieu Courgeau, co-président du Collectif Nourrir. Rassemblant des associations environnementales, des structures de l’économie sociale et solidaire, du commerce équitable et des organisations paysannes, ce collectif était également présent mardi 27 mai devant l’Assemblée nationale, « pour alerter sur la dangerosité de cette proposition de loi et celle du déni démocratique auquel nous assistons ».

« Le futur de notre agriculture, notre santé et notre environnement méritent un débat », défend dans la même lignée France Nature Environnement. « C’est un scandale démocratique, une insulte au débat public », s’indigne Greenpeace.

 

Élisabeth Crépin-Leblond

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