Précarité, discriminations… les femmes qui deviennent mères subissent de plein fouet leur maternité
Un rapport publié par la Fondation des Femmes le 2 juin analyse l’ensemble des coûts portés par les mères en raison de leur maternité, liés en partie à des discriminations et des stéréotypes genrés.
« La maternité est une expérience valorisée par la société et la natalité un indicateur de dynamisme économique de l’État. » Pourtant, « les femmes en paient souvent seules un coût physique, psychologique, temporel, professionnel et économique. »
C’est avec ces mots que Lucile Peytavin et Lucile Quillet introduisent le rapport qu’elles ont écrit pour l’Observatoire de l’émancipation économique des femmes de la Fondation des Femmes. Publié le 2 juin, il s’intitule « Le coût d’être mère » et évalue ceux auxquels elles font face, en comparaison avec les pères.
Cette démarche vise deux objectifs selon Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des Femmes : « apporter des éléments d’explication de la précarisation des femmes » et « fournir des pistes de solution » face à cette situation injuste.
Les autrices observent des coûts à tous les stades de la maternité : avant la naissance, à la naissance et sur le long terme.
Des coûts directs
La maternité engendre d’abord des coûts directs. Malgré la prise en charge des frais médicaux liés à la grossesse par la Sécurité sociale à 100 %, certaines dépenses persistent. C’est le cas de l’achat de vêtements de grossesse ou des dépassements d’honoraires, par exemple.
Les autrices rappellent que « le premier coût de la maternité est souvent physique » : nausées, fatigue, stress… Les femmes peuvent alors avoir besoin d’ajustements dans leur activité professionnelle, parfois synonymes de pertes de revenus, comme une réduction du temps de travail.
À la naissance, les indemnités de congé maternité sont plafonnées et peuvent aussi générer une perte de revenus. À ce coût financier s’ajoute un coût psychologique : 15 à 20 % des mères connaissent une dépression post-partum, souligne Bianca Brienza, présidente de l’association Parents et Féministes. Sa prise en charge suppose de nouvelles dépenses.
Des coûts liés aux discriminations
Avant même la naissance des enfants, les femmes subissent le sexisme de leur employeurs. Elles sont cibles de discrimination en raison du simple fait qu’elles pourraient être enceintes, ou parce qu’elles sont mères. Les employeurs considèrent la maternité comme un « risque » qui susciterait un désengagement professionnel, alors que les pères « peuvent plus facilement s’échapper de leur identité parentale. »
Le phénomène s’auto-entretient, sous l’effet des politiques publiques et des stéréotypes genrés. Le congé parental accordé aux mères diffère significativement de celui proposé aux pères : 16 semaines d’arrêt au total, contre 28 jours. Un écart qui « conduit à faire peser sur les femmes l’idée que la parentalité et la grossesse sont un risque pour les employeurs. » Une mère sur deux estime que la maternité a « freiné leur carrière », relaient les autrices.
La présence de la mère à plein temps auprès de l’enfant, tandis que le père poursuit son investissement professionnel, entraîne une spécialisation dans le couple, au détriment des ressources économiques et sociales des femmes. C’est pourquoi les dispositifs de congés d’accueil et de garde des enfants, congés maternité et paternité et congés parentaux, sont des politiques publiques cruciales pour lutter contre les inégalités femmes/hommes.
Marie-Nadine Prager, co-présidente du collectif pour une parentalité féministe PA.f, citée dans le rapport
Les congés maternité deviennent souvent des congés parentaux, plus longs et peu rémunérés, en raison de l’accès limité à des solutions de garde. En effet, un tiers des parents ayant demandé une place en crèche ont reçu une réponse négative. Les femmes, qui gagnent moins dans les trois quarts des couples hétérosexuels, sont plus enclines à prendre ce congé que les hommes.
Stéréotypes de genre
En conséquence, 47 % des mères réduisent ou arrêtent leur activité l’année suivant la naissance d’un enfant. C’est le cas de 6 % des pères : les stéréotypes genrés n’affectent pas seulement la situation des femmes au travail, mais aussi au sein du foyer.
Elles prennent plus fréquemment de journées de congé lorsque leur enfant est malade. Elles « travaillent plus près des lieux de gardes ou de leur domicile, dans des entreprises proposant une plus grande flexibilité horaire, mais moins rémunératrice. » Ces inégalités persistent dans les pensions de retraites. De plus, les mères assurent la majorité des tâches domestiques.
Un effet plus marqué pour les femmes précaires
Elsa Foucraut, membre du Bureau de l’association Parents et Féministes, explique que les femmes les plus précaires subissent plus fortement la baisse de revenus liée à la maternité. Elles sont susceptibles de basculer dans la pauvreté. La perte des avantages en nature liés à l’emploi, comme les indemnités repas, les affecte plus fortement. Les indemnités de congé maternité peuvent être insuffisantes : elles sont calculées à partir des derniers mois d’activité. Or, en particulier pour les femmes exerçant des métiers pénibles, ceux-ci peuvent être adaptés à leur situation physique, parfois au prix d’une rémunération plus faible. Elles peuvent par exemple réaliser moins d’heures supplémentaires.
Alors que 22 % des familles aisées disposent d’une place en crèche, ce n’est le cas que de 5 % des familles les plus modestes. Celles-ci ne peuvent pas se permettre « d’avoir recours à une assistante maternelle ou à une nounou. » Les établissements favorisent souvent les enfants dont les deux parents travaillent, selon Terra Nova, pénalisant de fait les femmes en recherche d’emploi.
Célia Szymczak