6 idées reçues sur la mode responsable
Trop chère, pas très glamour, confidentielle : la mode responsable fait l’objet de nombreuses interrogations . La rédaction décrypte six idées reçues.
Vêtement « responsable », matière « éco-friendly » ou « naturelle », label certifiant une démarche « engagée »… Les étiquettes des vêtements se verdissent et les marques revendiquent leur impact positif.
Comment s’assurer que l’engagement d’une entreprise ne se résume pas à une stratégie de marketing ? Le risque est grand. « On est clairement dans une phase de greenwashing », explique Thomas Ébélé, cofondateur du label de mode écoresponsable SloWeAre. Selon lui, depuis 2018, « Le mot écoresponsable a été totalement galvaudé. C’était un champ lexical inconnu de beaucoup de marques, elles se le sont plus ou moins approprié, mais en l’adaptant à leur vision et leurs capacités ». L’engagement se révèle alors souvent minimal. Mais alors, qu’est-ce qu’une mode véritablement responsable ? Le secteur de l’habillement peut-il vraiment devenir durable ?
Dans leur ouvrage La face cachée des étiquettes, Éloïse Moigno et Thomas Ébélé rappellent qu’un produit durable résiste « à l'épreuve du temps sans présenter de signes d’usure venant altérer sa fonctionnalité et son esthétisme » ou s’adapte « aux évolutions des besoins de son utilisateur dans le temps ».
Une entreprise responsable, quant à elle, a un « impact durable positif » sur les plans environnementaux, sociaux et économiques. Il faut « bien évidemment, que l’entreprise se développe, mais aussi qu’elle puisse satisfaire toutes les parties prenantes avec lesquelles elle travaille » sur l’ensemble de la chaîne de valeur, souligne Thomas Ébélé. Elle reconnaît ses points forts et faibles de manière transparente.
1.Ce sont des produits durables proposés par des marques responsables
Adopter une démarche de mode éthique, ce n’est pas seulement acheter des produits durables auprès de marques attentives à leurs impacts écologiques et sociaux. Selon l’association Oxfam, la mode éthique « peut concerner la conception (qualité, durabilité, réduction des déchets…), la production (respect des savoir-faire, bonnes conditions de travail, relations commerciales durables, planning tenable, fabrication locale…), mais aussi la consommation et l’utilisation (sensibilisation, entretien écologique, réparation, don…) ». Cela suppose donc de réinterroger l’ensemble de ses besoins en termes d’habillement : réduire sa consommation ou mieux entretenir et réparer ses vêtements, par exemple.
2.La mode éthique est forcément plus coûteuse
Pour les produits de fast fashion, les rémunérations extrêmement basses des travailleur.se.s du secteur, la production de masse, les matières de mauvaise qualité ou les marges importantes réduisent les tarifs payés par les consommateur.rice.s à l’achat. Un vêtement durable, produit à base de tissus de qualité et rémunérant justement les travailleur.se.s coûtera plus cher. Mais il résistera mieux au temps et un.e utilisateur.rice pourra le porter plus longtemps. Thomas Ébélé indique que le « coût à l’usage » d’un tee-shirt de mode conventionnelle est 86 % fois plus élevé qu’un tee-shirt de mode responsable, en prenant en compte le nombre d’utilisations. Des achats auprès de marques écoresponsables s’inscrivent dans un changement de pratiques vestimentaires. Le budget total consacré à l’habillement peut diminuer, notamment en réduisant le total de vêtements achetés.
3.La seconde main est forcément vertueuse
Certes, l’achat de vêtements de seconde main diminue la consommation globale de vêtements et les impacts associés. Toutefois, un « effet rebond » peut se produire : ce mécanisme, bien connu des économistes, désigne une augmentation de la consommation liée à la baisse du prix des biens ou à l’idée qu’un achat est vertueux. C’est ce qu’il semble se passer avec la seconde main : une étude publiée le mois dernier par l’ADEME montre que les plateformes de revente de vêtements comme Vinted favorisent la surconsommation. Pour Thomas Ébélé, la seconde main « ne sera une solution que le jour où on arrêtera de surproduire en première main ». Avec Éloïse Moigno, ils soulignent une « gentrification » du recours à la seconde main : l’attrait pour les vêtements d’occasion a eu pour conséquence une augmentation de leur prix, « au risque de léser les personnes pour qui la fripe est essentielle et d’accroître un peu plus les inégalités ».
4.Un label est forcément signe de qualité
Les labels certifiant des pratiques supposées durables se multiplient. Pourtant, tous n’ont pas la même valeur. L’ADEME cite par exemple le label Better Cotton Initiative. Selon l’Agence gouvernementale de la transition écologique, il « est facile à obtenir, mais il ne signifie pas que votre vêtement est en coton biologique ». Pour mieux s’y retrouver, elle cite plusieurs labels de qualité, comme Made by Green d’Oeko-Tex. Le mieux reste de prendre le temps d’analyser les labels, leurs critères et leur système d’attribution.
5. L’offre des marques éthiques est réduite
Selon l’Institut Français de la Mode et Première Vision, les produits de mode écoresponsables représentent un tiers du budget d’achat de vêtement des Français. Cette proportion limitée reflète-t-elle une offre réduite ? Thomas Ébélé et Éloïse Moigno réfutent cette idée. « La mode conventionnelle, c’est beaucoup de grandes enseignes qui investissent les centres commerciaux et les artères commerçantes. La mode responsable, ce sont de plus petites marques qui n’ont pas forcément les moyens financiers pour être présentes » dans ces lieux, estime Éloïse Moigno. « Ce n’est pas que l’offre n’existe pas », ajoute Thomas Ébélé, « c’est qu’elle demande de l’effort ». Selon lui, chacun.e « peut trouver une marque responsable » adaptée à son style vestimentaire.
6. Le recyclage est une bonne solution
Le recyclage est-il vraiment éthique ? Une étude publiée en 2021 et relayée par l’association Zero Waste France compare les émissions de gaz à effet de serre du cycle de vie d’un jean selon les cinq scénarios suivants : utilisation puis destruction, utilisation allongée, revente, recyclage et location. Elle conclut que les scénarios d’utilisation allongée et de réutilisation émettent le moins de gaz à effet de serre. À l’inverse, le scénario de recyclage « mène à des émissions relativement élevées ». Par ailleurs, la chercheuse Edith de Lamballerie précisait dans le média The Conversation que la plupart du textile recyclé est combiné avec de la fibre vierge, ce qui nécessite d’utiliser de nouvelles ressources. Elle indiquait aussi que « le recyclage n’est pas neutre », mais qu’il « s’agit d’un processus technologique, qui consomme des ressources notamment énergétiques qui peut être polluant ».
La rédaction