Les projets des associations menacés par une potentielle arrivée au pouvoir du Rassemblement national
Si le parti d’extrême droite obtenait une majorité le 7 juillet, il pourrait mettre en péril des projets essentiels pour l’intérêt général et les droits des personnes, mais aussi les libertés associatives.

Lutte contre la précarité alimentaire, accompagnement et protection des femmes victimes de violence, aide humanitaire… L’État, au même titre que les collectivités, verse des financements aux associations lorsqu’il estime qu’elles remplissent des missions d’intérêt général. 20 % de leurs ressources proviennent de subventions publiques et 29 % de la commande publique. Un soutien essentiel pour l’inclusion et la cohésion sociale. Mais très sérieusement menacé par la perspective de l’obtention d’une majorité par le Rassemblement national, à la suite des élections législatives du 7 juillet prochain.
« Nous savons que si le RN arrive au pouvoir, nos subventions seraient supprimées à cause de nos positionnements », affirme Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat (RAC). En 2023, des députés RN ont déposé un amendement ciblant explicitement le Réseau action climat, France nature environnement et Les Amis de la terre. L’objectif : supprimer l’aide budgétaire versée par l’État en raison de leur opposition au nucléaire. Pour sa part, Greenpeace - membre du RAC - dénonce des « amendements baillons » déposés par le RN dans le but de supprimer les avantages fiscaux accordés aux donateurs des associations environnementales.
Le contrat d’engagement républicain, un outil pour baisser les subventions
Les conséquences d’une diminution des subventions seraient très sérieuses. Elles représentent 30 à 40 % du budget du RAC, qui emploie une vingtaine de salariés. L’argent public finance notamment leur travail d’information. À la rentrée, le RAC prévoit par exemple de publier un rapport sur les émissions de gaz à effet de serre des 50 sites industriels les plus polluants en France, en analysant les objectifs et les résultats de ces acteurs puis en effectuant des recommandations. Les subventions financent aussi la contribution du RAC à des documents nationaux essentiels, comme la stratégie nationale bas carbone (SNBC). « Mais si le RN arrive au pouvoir, ces documents vont finir à la poubelle parce que leur programme est totalement incompatible avec les objectifs de réduction des émissions », estime Anne Bringault.
« Notre première inquiétude, c’est l'impact sur les politiques climatiques françaises, les droits humains et nos libertés associatives »
Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat
Pour porter atteinte aux aides publiques, les pouvoirs publics disposent d’un outil puissant : le contrat d’engagement républicain (CER). La signature du CER est obligatoire pour bénéficier de subventions. Il impose en retour aux associations de respecter les « principes républicains », un concept considéré trop vague par les acteurs associatifs. « C’est un document qui ouvre la porte à la suppression ou l’annulation de subventions pour des raisons parfois un peu floues et qui permet donc des attaques contre les libertés associatives », indique Anne Bringault. « Notre première inquiétude, c’est l'impact sur les politiques climatiques françaises, les droits humains et nos libertés associatives », résume la responsable du RAC.
La ligne d’écoute 3919, en danger ?
Mêmes préoccupations à la Fédération nationale solidarité femmes (FNSF). Environ 75 % des actions de l'association sont financées par des subventions. La FNSF anime un réseau d’associations de lutte contre les violences faites aux femmes. Elle réalise notamment un travail de plaidoyer auprès des pouvoirs publics, forme des professionnels, mène des actions de prévention, contribue à l’hébergement de femmes victimes de violence… Et elle gère le 3919, la ligne d’écoute nationale accessible en permanence et destinée aux femmes victimes et à leur entourage.
Mine Günbay, directrice générale de la fédération, ne cache pas ses craintes. Craintes face à une baisse potentielle, voire à une suppression des subventions, mais aussi face à une transformation possible en marché public de la subvention versée pour la gestion de la ligne d’écoute. En 2021, le gouvernement avait tenté de mettre en place ce système. « Nous avons mené une grosse bataille avec beaucoup d’associations contre cette idée », explique Mine Günbay.
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Le RN contre les droits des femmes et des minorités
Dans le projet du gouvernement, le choix du prestataire devait reposer sur la durée et la quantité des appels plutôt que sur la qualité de l’écoute. « Les femmes n’ont pas toutes besoin du même temps d’écoute : on a parfois des appels de 20 minutes et parfois d’1h20. Avec un passage en marché public, on risque de ne plus écouter les femmes le temps nécessaire », détaille la directrice de la fédération. Par ailleurs, le numéro pourrait alors être transféré à un autre acteur, alors qu’il a été fondé par des militantes de la FNSF et ce, malgré l’expertise acquise par la fédération en 30 ans de gestion. « Ce que l’on craint avec l’arrivée éventuelle du RN au pouvoir, c’est que la ligne passe en marché public et soit confiée à des généralistes. Il y a cette petite musique anti-féministe qui dit que les femmes sont des victimes comme les autres, qu’il faut indifférencier les victimes », ajoute Mine Günbay.
Dans un communiqué cosigné avec de nombreuses organisations féministes, la FNSF appelle à voter contre l’extrême droite et dénonce son « obsession (...) de venir casser les droits et libertés d’une immense partie de la population : les femmes, les personnes racisées, handicapées, trans et LGBTQIA+, les personnes migrantes, les filles et les enfants ».
Des réflexions antérieures à la dissolution
« Quand on regarde l’idéologie et le programme du RN, on imagine que les politiques publiques qu’il mettrait en place rendraient la vie des personnes étrangères de plus en plus difficile et leur accès au droit de plus en plus entravée », abonde Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de l’association de solidarité envers les personnes migrantes La Cimade.
Face à l’arrivée au pouvoir de l’extrême droite, elle évoque trois types de craintes. D’abord, sur la capacité de l'association à mener ses activités en matière d’accès au droit compte tenu de ces politiques envisagées par le RN. Ensuite, des craintes sur les subventions et plus généralement sur les « budgets de la Nation allouées aux questions d’accueil et d’immigration ». Et enfin, des inquiétudes autour de « l’aspect autoritaire de l’idéologie du RN », qui menacerait « les libertés associatives, la liberté d’expression ou la liberté de manifester ». « Nous sommes aussi inquiets quant à la capacité des bénévoles à aller sur le terrain et à accompagner des personnes migrantes », note Fanélie Carrey-Conte.
« Nous sommes aussi inquiets quant à la capacité des bénévoles à aller sur le terrain et à accompagner des personnes migrantes »
Fanélie Carrey-Conte, secrétaire générale de La Cimade
Alors pour faire face à cette situation, l’association réfléchit à se tourner davantage vers des financements privés. Mais la question ne date pas d’hier. « Il y a un sentiment d’accélération depuis trois semaines avec cette dissolution inattendue, mais en réalité, nous réfléchissons à la menace de l’extrême droite au pouvoir depuis un petit moment, souligne Fanélie Carrey-Conte. Depuis des années, les politiques publiques ont été l’occasion de restrictions majeures des droits des personnes migrantes, de propos xénophobes et de préjugés sur les personnes migrantes dans les discours politiques et médiatiques. Cette chose-là n'est pas nouvelle. »
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Célia Szymczak