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Par Carenews INFO - Publié le 22 octobre 2025 - 18:35 - Mise à jour le 22 octobre 2025 - 19:23 - Ecrit par : Elisabeth Crépin-Leblond
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L’ANTISÈCHE - Au fait, c’est quoi le Pacte vert ?

Dans le cadre des réformes de « simplification » discutées actuellement à l’échelle européenne, plusieurs mesures du Pacte Vert font l’objet de remises en question. Également appelée « Green deal », cette feuille de route environnementale de l’Union européenne vise à mettre en cohérence ses différentes politiques avec son objectif de neutralité climatique à horizon 2050.

L'objectif du Pacte vert est de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050. Crédit : Carenews.
L'objectif du Pacte vert est de rendre l’Europe climatiquement neutre en 2050. Crédit : Carenews.

 

En décembre 2019, Ursula von der Leyen, récemment devenue présidente de la Commission européenne, présentait une feuille de route environnementale dont l’objectif est de rendre l’Union européenne climatiquement neutre en 2050. Ce « Pacte vert pour l’Europe », également appelé dans sa version anglaise « Green deal », a pour objectif de répondre au défi du réchauffement climatique en concrétisant les engagements de l’Union européenne à l’échelle internationale, dont l’Accord de Paris de 2015.  

Le Pacte vert concerne l’ensemble des politiques de l’Union européenne, de manière transversale : il est constitué d’un ensemble de textes adoptés dans les années qui ont suivi sa présentation. Lors de son instauration, la présidente de la Commission européenne l'a présenté comme « la nouvelle stratégie de croissance de l’Union européenne », destinée à réduire les émissions de gaz à effet de serre tout en « créant des emplois » et en « améliorant la qualité de vie ».  

  

Le principe « Do not significant harm » (DNSH)  

  

Après le règlement SFDR de 2019 (sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers), l’une des premières mesures prise dans le cadre du Pacte vert est le règlement sur la taxonomie verte, adopté en juin 2020. Ce texte définit les activités économiques durables à partir de six objectifs environnementaux : l’atténuation du changement climatique, l’adaptation au changement climatique, l’utilisation durable et la protection des ressources aquatiques et marines, l’économie circulaire – y compris la prévention et le recyclage des déchets, la prévention et la réduction de la pollution de l’eau, de l’air et des sols, et enfin la protection et la restauration de la biodiversité et des écosystèmes.  

Le règlement sur la taxonomie verte instaure également en condition sine qua non de ces objectifs le principe DNSH, pour « do not significant harm », soit en français « ne pas causer de préjudice important » à l’un de ces six objectifs environnementaux. Ce principe, pensé comme central dans l’application du Pacte vert, s’applique dès lors qu’une décision de l’autorité publique le prévoit, par exemple dans l’élaboration des différents plans de relance européens. En pratique, son application reste cependant inégale. 

  

Un objectif intermédiaire pour 2030 

  

La neutralité carbone, l'objectif à atteindre à horizon 2050 par le Pacte vert, se définit comme l’équilibre entre la totalité des gaz à effet de serre émis par les États membres de l’Union européenne et leur captation par les « puits de carbone », constitué notamment des forêts, des océans et des sols. Pour l’atteindre, les politiques de l’Union européenne doivent donc viser une réduction des émissions par l’évolution des modèles économiques, ainsi qu’un « renforcement des puits carbone », via des mesures de restauration et de protection de la biodiversité. 

Après la proposition d’une cinquantaine d’actions en 2019 touchant les domaines de l’énergie, des déchets, des mobilités et de l’agriculture, cet objectif de neutralité climatique est consacré dans la loi européenne pour le climat de juin 2021. Ce texte fixe également un objectif intermédiaire de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Union européenne d’au moins 55 % d’ici à 2030 par rapport aux niveaux de 1990.  

En juillet 2021, un nouvel ensemble de propositions, appelé « Ajustement à l’objectif 55 » ou « Fit for 55 », est élaboré. Il comprend 12 textes visant à adapter les politiques de l’Union européenne en matière de climat, d'énergie, d'utilisation des terres, de transport et de fiscalité. Mis à jour en 2022, il prévoit par exemple le renforcement de l’utilisation des énergies renouvelables, l’amélioration de l’efficacité énergétique ou le déploiement de modes de transport à faibles émissions. 

  

Quelques textes emblématiques du Green Deal 

  

Parmi les textes importants élaborés dans le cadre du Pacte vert, se trouvent par exemple la stratégie alimentaire « de la ferme à la fourchette » (ou « farm to fork »), présentée par la Commission européenne en 2020 dans le but est de bâtir un système alimentaire respectueux de l’environnement.  

Du côté des entreprises, la directive CSRD adoptée en 2022 est censée imposer aux entreprises cotées de plus de 250 salariés de publier des données détaillées et vérifiées sur leurs impacts environnementaux, sociaux et en matière de gouvernance. La directive CS3D, « sur le devoir de vigilance des entreprises en matière de durabilité », adoptée en mai 2024, exige quant à elle des entreprises de plus de 1 000 salariés et 450 millions d’euros de chiffre d’affaires de prévenir, de cesser ou d’atténuer les effets négatifs sur les droits humains et la protection de l’environnement de leurs activités, de celles de leurs filiales et de leurs partenaires commerciaux. 

Publié en 2023, le « plan industriel du Pacte vert » est destiné à soutenir l’industrie dans le cadre de la transition écologique. Ambitionnant de répondre au moment de son adoption à l’Inflation reduction act (IRA) du président des États-Unis d'alors Joe Biden, il prévoit de favoriser le développement des « technologies vertes » et d’assurer l’approvisionnement en matières premières du continent européen. Il a été suivi du « Pacte pour une industrie propre », présenté par la Commission européenne en février 2025 dans l’objectif de décarboner l’industrie européenne tout en boostant sa compétitivité. 

Plusieurs textes concernant la biodiversité ont également été adoptés, comme le règlement contre la déforestation et la dégradation des forêts de 2023 et le règlement sur la restauration de la nature de 2024. Ces textes s’inscrivent dans l’objectif de protection de 30 % de la superficie marine et terrestre de l’Union européenne, intégrée au Pacte vert. 

Certaines mesures visent également à mettre en œuvre le Pacte Vert sur le plan financier, comme le fléchage de 37 % du budget européen pour la période 2028-2034 vers les financements climats, soit 7 000 milliards d’euros, présenté par la Commission européenne en juillet 2025. 

  

Critiques et remise en question du Pacte Vert e

  

Depuis sa mise en place, le Pacte Vert fait néanmoins l’objet de critiques. Certains dénoncent ainsi des règles trop strictes vis-à-vis de la concurrence internationale, manquant de cohérence ou inadaptées en fonction des États membres.  

Dans le domaine agricole par exemple, les réglementations européennes ont provoqué de vives contestations ces dernières années. De son côté, la fin de la vente des voitures à moteur thermiques en 2035, voté en 2023 par le Parlement européen, fait actuellement l’objet de contestations de la part de certaines entreprises et pays de l’Union européenne, tout comme la révision du marché carbone européen.  

Bien que les objectifs du Pacte vert soient toujours d’actualité, son application semble moins prioritaires depuis le renouvellement d’Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne en juillet 2024.  

 


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Par exemple, l’entrée en vigueur du règlement contre la déforestation a été repoussée d’un an en décembre 2024, avant que la Commission européenne ne propose récemment un allégement des mesures pour les petites et moyennes entreprises. L’initiative législative « omnibus », rendue publique le 26 février 2025 par la Commission européenne et en cours de discussion entre les instances européennes, propose quant à elle d’affaiblir l’ambition de la CSRD et de la CS3D dans un objectif de « simplification ».

 


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« Simplification » et libre-échange, deux mouvements contraires aux ambitions environnementales européennes ?

  

Plusieurs évènements peuvent expliquer ce revirement des priorités de l’Union européenne, comme « la déclaration d’Anvers » de février 2024, dans laquelle une soixantaine de dirigeants du secteur de la chimie et de l’industrie ont dénoncé les règles du Green deal comme étant « trop strictes » et provoquant « un risque de désindustrialisation ». En juin 2024, les partis de droite et d’extrême droite, plus favorables à des règles favorisant la compétitivité des entreprises à l’échelle internationale que la protection de l’environnement, sont également devenus majoritaires au sein du Parlement européen. En septembre de la même année, l’économiste et ancien président du Conseil des ministres italien Mario Draghi a remis à Ursula von der Leyen un rapport appelant à « combler le retard de compétitivité » de l’Union européenne face aux États-Unis et à la Chine et à alléger « la charge administrative » induite par la CSRD et la CS3D.  

La conclusion de plusieurs accords de libre-échange par l’Union européenne, comme l’accord UE-Mercosur ou l’accord commercial  avec les États-Unis en août 2025, participent par ailleurs à la remise en question du Pacte vert, par l’assouplissement de certaines obligations à destination des entreprises américaines pour le second, et des « mécanismes de rééquilibrage », créant un droit à compensation financière en cas de règles provoquant une restriction des exportations, pour le premier. 

 

Élisabeth Crépin-Leblond 

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