Économie sociale et solidaire et vie associative : 5 enjeux pour 2024
Dix ans de la loi Hamon, libertés associatives, Jeux olympiques, mesure de l’impact… Voici les défis auxquels l’économie sociale et solidaire va devoir faire face durant l’année 2024 selon Carenews.
Bilan de la loi Hamon, à l’occasion de ses dix ans
En 2014, la « loi Hamon » relative à l’économie sociale et solidaire était adoptée. Moment important pour cette économie puisque la loi a notamment défini un périmètre juridique de l’ESS, permettant notamment aux sociétés commerciales remplissant certains critères d’en faire partie. Parmi les critères, la recherche d’une utilité sociale elle-même définie par la loi.
En 2024, pour ses dix ans, la loi va faire parler. En 2023, le Conseil supérieur de l’ESS a eu la responsabilité de réaliser un bilan de la loi. Résultat : l’instance recommande l’adoption d’une loi de programmation de l’ESS, permettant de prévoir des financements pour développer le mouvement. Il n’y a en revanche, selon elle, pas de nécessité de faire évoluer la loi en profondeur, notamment sur le périmètre de l’ESS, qui en dehors de quelques voix qui se sont exprimées sur ce sujet, fait plutôt consensus.
De fait, les acteurs de l’ESS, s’ils font un bilan plutôt positif de la loi, regrettent aussi que, depuis 10 ans, la part de l’ESS dans l’économie française ne se soit pas développée, alors que c’était l’une des ambitions de la loi. Ils réclament désormais des moyens financiers à la hauteur pour développer l’ESS, comme forme d’économie alternative à l’économie capitaliste, démocratique et non lucrative, mieux à même que celle-ci de répondre aux défis environnementaux et sociaux à venir.
Lors de la présentation de sa feuille de route en matière d’économie sociale et solidaire en novembre, la ministre déléguée aux PME, au Commerce, à l’Artisanat et au Tourisme, Olivia Grégoire, qui a l’ESS dans son portefeuille, a fermé la porte à une nouvelle grande loi : « Il y a une loi Hamon bien ficelée. On peut améliorer certains points, mais je n’irai pas sur une loi de la même ampleur », avait-elle estimé. Elle s’est également montrée réticente à l’idée d’une loi de programmation et a évoqué l’idée d’un « contrat de filière », sans que les acteurs ne comprennent bien, pour le moment, ce que cela pourrait signifier concrètement, l’ESS ne constituant pas une filière en elle-même mais intervenant dans une multiplicité de secteurs d’activité.
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Veiller au maintien des libertés associatives
Les associations sont de plus en plus inquiètes quant à la liberté qu’on leur accorde. Entré en vigueur en 2022 avec la loi séparatisme, le « contrat d’engagement républicain» doit désormais être signé par les associations. Certains pouvoirs publics, au niveau local, ont utilisé le prétexte de ce contrat pour supprimer des subventions de certaines associations, estimant qu’elles ne respectaient pas les principes de ce contrat. Ainsi, encore récemment, la préfecture du Rhône a décidé de retirer une subvention versée à Alternatiba à Lyon, en raison d’opérations de désobéissance civile menées par l’association. Cette histoire n’est pas inédite : d’autres utilisations du contrat d’engagement républicain à ce dessein avaient déjà été relevées.
2023 fut également l’année de la tentative de dissolution du mouvement des Soulèvements de la terre par le ministre de l’intérieur Gérald Darmanin. Le Conseil d’État a finalement annulé cette décision en novembre. Lors de la présidence d’Emmanuel Macron, les dissolutions administratives d’associations ont atteint un niveau record.
En 2024, la liberté associative est l’un des principaux combats qui sera au cœur de l’activité du Mouvement associatif, structure qui représente 700 000 associations françaises.
Trouver des sources de financement stables
En 2024, mais aussi en 2023, en 2022, en 2021… La question du financement va demeurer centrale cette année pour les structures de l’économie sociale et solidaire. Il est en effet nécessaire de trouver des financements stables pour s’assurer de la pérennité des structures. Car contrairement à ce que beaucoup pensent, les structures de l’ESS sont beaucoup moins financées par les pouvoirs publics que les entreprises classiques, alors même que beaucoup d’entre elles mènent des missions de service publique, et qu’elles ont une utilité sociale et environnementale bien plus grande que les acteurs de l’économie capitaliste.
Ainsi, le montant des aides directes et indirectes aux entreprises (notamment, avantages fiscaux, réduction de cotisations sociales, etc.) se sont élevées à 157 milliards d’euros en 2019, selon les calculs de l’Institut de recherches économiques et sociales (Ires), tandis que le soutien de l’État à l’ESS s’élèverait au total, en incluant toutes les lignes de financement, à 13 milliards d’euros, selon des chiffres du ministère de l’Économie pas encore publiés. Un déséquilibre important et assez peu compréhensible, donc, quand on sait que l’ESS représente 14 % des emplois privés en France.
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Par ailleurs, comment attirer les investissements privés ? Certains financeurs sont encore frileux quand on parle d’économie sociale et solidaire. Un certain nombre de coopératives notamment évoquent régulièrement leurs difficultés à trouver des investisseurs qui acceptent de jouer le jeu de la démocratie interne et le fait que la valeur des parts sociales n’évolue pas dans le temps. La coopérative Railcoop, placée en redressement judiciaire il y a quelques mois, ne le sait que très bien.
À l’initiative notamment de Bastien Sibille, un mouvement a été lancé en juillet 2023 dans le but de récolter un milliard d’euros pour financer des acteurs de l’économie sociale et solidaire engagés dans la transition écologique juste et ainsi faire face à ces difficultés. Pour l’instant, ce mouvement est en construction. Il devrait être prochainement présenté au grand public.
Contribuer à l’organisation de Jeux olympiques écologiques et solidaires
L’année va être rythmée par un événement sportif d’ampleur : les Jeux olympiques organisés à Paris. Un chantier titanesque puisqu’il faudra accueillir cet été plus de 15 millions de visiteurs et veiller à la bonne organisation des 329 épreuves. Les organisateurs ont affiché leur volonté que ces jeux soient les premiers à être écologiques et solidaires. La Solideo, l’établissement public qui pilote la livraison d’ouvrages, s’était fixé l’objectif de 25 % du montant global des marchés revenant aux TPE-PME et aux acteurs de l’ESS. Ainsi, l’événement, que ce soit en amont, pendant ou en aval, offre un certain nombre d’opportunités pour les structures de l’économie sociale et solidaire. Une plateforme nommée « ESS 2024 » a été créée pour accompagner ces structures dans la réponse à des marchés et les aider à prendre part à l’événement. En juillet et en août, l’ESS à l’honneur ?
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Accélérer sur la mesure de l’impact
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La mesure d’impact concerne toutes les entreprises. De plus en plus de comptes vont leur être demandés sur l’influence qu’elles ont sur le monde et sur la planète. Mais l’enjeu est particulièrement important pour les structures de l’économie sociale et solidaire. La mesure d’impact leur permet de mettre en avant leur activité en affichant leurs apports à la société d’un point de vue social ou environnemental. Elles peuvent ainsi se valoriser auprès du grand public, des financeurs ou encore des pouvoirs publics.
Pour l’ESS, il s’agit désormais d’harmoniser au maximum la façon dont on mesure l’impact pour permettre aux structures qui la composent de parler la même langue.
Théo Nepipvoda