Les mots qui ont marqué l’année #1 : coopérative
Plusieurs initiatives coopératives ont été mises en lumière cette année : reprise d'entreprises en difficultés par des salariés ou de clubs de football, médias… Mais les coopératives rencontrent encore des difficultés, notamment pour lever des fonds.
Les coopératives existent depuis le XIXe siècle en France : dans les années 1830, les travailleurs se réunissaient dans des associations ouvrières, donnant naissance aux premières sociétés de ce type. Elles regroupent des acteurs divers autour d’un objectif commun.
Depuis, les coopératives ont connu un développement important. Il en existe de plusieurs types. Certaines regroupent des entrepreneurs : c’est le cas par exemple des coopératives agricoles ou les coopératives d’artisans. D’autres ont pour sociétaires leurs salariés : c’est le cas des sociétés coopératives et participatives (Scop). Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (Scic) rassemblent diverses parties prenantes dans la prise de décision. Il existe également des coopératives d’utilisateurs ou d’usagers (coopératives d’habitants, de consommateurs...) et des coopératives bancaires, dont les sociétaires sont les clients. Au total, on compte plus de 23 500 coopératives en France.
En 2024, ces sociétés ont été mises sur le devant de la scène. En fiction avec la série La fièvre réalisée par Eric Benzekri et diffusée en mars : elle met en avant la coopérative comme une manière de résoudre les problèmes et les désaccords au sein d’un club de football. Dans la réalité, les coopératives ont aussi marqué l’actualité nationale.
Reprise par les salariés en difficulté
Premier cas, très médiatisé : Duralex. Après un redressement judiciaire, la fameuse usine de fabrication de vaisselle en verre est reprise en juillet par les salariés. L’entreprise classique se transforme en Scop. Les salariés deviennent associés majoritaires, la prise de décision se démocratise et les profits sont désormais répartis équitablement entre les salariés, les associés et les réserves de l’entreprise.
« Ce pari a des chances de réussir », peut-on lire en septembre dans un article de décryptage de Carenews. Les sociétés coopératives ont un taux de pérennité supérieur à l’ensemble des entreprises françaises. Duralex évolue dans une industrie « légère », qui nécessite moins de capitaux que l’industrie lourde, et donc plus favorable à la création de Scop, nous précise le chercheur Thibault Mirabel.
En octobre, le fabricant de laine Bergère de France a également été repris par ses salariés en Scop. De quoi inspirer d’autres travailleurs ?
Des coopératives dans le football ?
Même si la majorité des coopératives ne naît pas de la reprise d’entreprises en difficulté, les projets de reprise de club de football en coopérative sont aussi issus d’une « problématique d’effondrement du club », constate le chercheur Timothée Duverger, dans une interview accordée à Carenews fin août.
Des supporteurs du club de Bordeaux viennent de proposer de le reprendre en Scic, après son placement en redressement judiciaire. Fin 2023, Sochaux a déjà transformé son centre de formation en Scic et le club de Bastia a adopté ce modèle dès 2019.
Les coopératives répondent à la faillite du capital actionnarial »
Timothée Duverger, chercheur spécialiste de l'économie sociale et solidaire (ESS)
Stabilisation du capital, implication des collectivités locales, association des supporteurs et des acteurs économiques locaux… Le modèle de Scic présente selon le spécialiste plusieurs avantages. Dans ces coopératives, différentes catégories d’associés, réunies en collèges, contribuent à la prise de décision. Chaque sociétaire détient une voix, peu importe sa participation dans le capital de la société. La majorité des bénéfices sont affectés aux réserves impartageables. « Les coopératives répondent à la faillite du capital actionnarial », résume Timothée Duverger. Ce statut pourrait-il se généraliser ? « On voit des signaux faibles d’une tendance qui émerge, qui ne va pas remplacer le modèle dominant mais qui le contrebalance », estime-t-il.
Coop-médias, une coopérative pour les médias indépendants
Des coopératives sont aussi nées dans le monde des médias. La revue trimestrielle Fracas, créée par trois anciens du magazine Socialter, prend par exemple la forme d’une Scop. Les fondateurs se déclarent « vaccinés par le modèle de l’entreprise classique » et promeuvent le modèle coopératif, garant selon eux de l’égalité de participation aux décisions, de l’indépendance, de la transparence et de la lucrativité limitée.
Le modèle coopératif protège d'investissements extérieurs ou d’actionnaires moins intéressés par l’indépendance que par le profit »
Marine Doux, cofondatrice de l'agence Médianes.
Dans un article sur les liens entre médias et économie sociale et solidaire, auxquelles appartiennent les coopératives, la cofondatrice de l’agence spécialisée Médianes Marine Doux déclarait à Carenews avoir « l’impression qu’il y a de plus en plus de médias qui adoptent des statuts de l’ESS et qu’il y a une vraie prise de conscience par rapport à ce modèle ». « Le modèle coopératif protège d'investissements extérieurs ou d’actionnaires moins intéressés par l’indépendance que par le profit », poursuivait-elle notamment.
En octobre est née l’initiative Coop-médias, une Scic visant à donner plus de poids aux médias indépendants. Elle ambitionne de promouvoir leur cause, de financer leur développement et d'accélérer leur diffusion. Pour cela, elle réunit des médias comme Alternatives économiques ou Reporterre, des acteurs de l’économie sociale et solidaire et des citoyens.
Difficulté à lever des fonds
Dans le cas de Railcoop, le modèle coopératif a-t-il été un handicap ? Cette Scic souhaitait relancer des lignes de trains fermées par la SNCF à cause du manque de rentabilité : le projet a été abandonné en avril, la société ayant été placée en liquidation judiciaire.
Pour l’ancien directeur général de Railcoop Nicolas Debaisieux, le problème réside plutôt dans les réticences de la SNCF que dans le statut de la société. Des difficultés internes ont aussi pu freiner le projet, peut-on lire dans un article publié sur Carenews.
Par ailleurs, les coopératives peuvent rencontrer des difficultés pour lever des fonds : il n’est pas possible de réaliser de plus-value à la revente et les règles de prise de décision démocratiques peuvent constituer un frein pour les investisseurs. Une situation qui a pu affecter Railcoop, une coopérative évoluant dans un secteur nécessitant beaucoup de capitaux.
Année internationale des coopératives
« Nos coopératives ont des besoins permanents de financements », soulignait Adrien Montagu, le co-président de l’alliance de coopératives Les Licoornes dans un entretien accordé à Carenews en mars. « La connaissance de nos modèles reste faible, et nous avons l’enjeu de les faire mieux connaître auprès des acteurs politiques, des acteurs économiques et des citoyens », complétait Maud Sarda, la co-présidente de l’alliance.
L’année internationale des coopératives se déroulera à l'initiative de l’ONU en 2025. Un moyen de mettre un coup de projecteur sur le mouvement ?
Célia Szymczak